au monde. — « Tes écarts nous avaient faits la risée des païens. Gomment saurons-nous aujourd’hui que tu es sincère ? m Uil s Ma mère, répondit humblement Mokamba, je te remercie de la question que tu m’adresses. Ah! je le sais, ce n’est pas par mes protestations d’aujourd’hui que vous serez convaincus. Ce ne peut être que par ma vie subséquente. Ce n’est que par des fruits que vous reconnaîtrez l’arbre. C’est tout ce que je puis dire. Mais Dieu m’est témoin que je suis vrai. Mon retour au monde, en voici la lamentable histoire ; elle sera une leçon pour vous tous. Quand vous m’avez vu sangloter en plein khothla, j ’étais sincère. J’avais été transpercé par l’épée de la Parole de Dieu ; puis, j ’avais trouvé la paix. C’était une joie pour moi que d’aller, avec Litia, aux réunions, à Séfoula. Mais, promu à la dignité de Liomba (le troisième chef du pays), je me suis, peu à peu, laissé absorber par les affaires. Je trouvai bientôt que c’était loin et gênant d’aller à Séfoula toutes les semaines. Je me relâchai. Notre père me disait bien : « Prends garde, Mokamba, tu te relâches! i « J’essayais de le rassurer et de faire un nouvel effort; mais je finis par me fatiguer tout à fait. Et quand notre père vint s’installer à Léalouyi, j ’étais tombé et n’étais plus qu’un squelette de chrétien (à proprement parler, je n’avais plus que la peau d’un chrétien). Il me disait bien : « Mokamba, lis tout de même la Bible tous les jours! ¡> C’est ce qui m’a sauvé. Tous les jours je la lisais, ma Bible. Mais je ne pouvais , pas la lire longtemps sans qu’elle me condamnât. Et je la fermais alors avec tristesse. Les prédications aussi me condamnaient, et je n’osais pas regarder le serviteur de Dieu en face. J’étais malheureux. Mais, au milieu de mes égarements, je priais toujours. Dieu a eu pitié de moi, et, maintenant, je suis heureux. Que mon histoire vous instruise, vous, croyants ! » Il se dit de belles choses dans cette réunion si simple, où tout le monde parlait avec abandon. Une pauvre femme racontait qu’elle venait du fond de la vallée de Séfoula. Chemin faisant, elle avait trouvé des gens qui travaillaient dans leurs champs. Elle les accosta et les invita à venir entendre la Parole de Dieu. Ils lui répondirent avec mépris : « Ce n’est plus le morouh qui vient nous rappeler le jour du Seigneur, ce sont maintenant ces bouts de femmes-là ! Va-t-en ! Va faire la croyante si tu t’imagines que les missionnaires vont te donner des étoffes et des perles. * — « O mes maîtres, répondit la pauvrette, je ne suis qu’une pauvre esclave, moi; je ne suis rien; mais je sens le besoin d’apprendre les choses de Dieu. Oh non, ce ne sont pas des étoffes que je cherche, qu’en ferais-je? Je n’ai jamais porté que ce jupon de peau. Mais je suis une grande pécheresse, et ce que je cherche, c’est le pardon de mes péchés ! » Le soleil se couchait; il fallut, bon gré, mal gré, clore cette belle réunion, d où je suis sorti fortifié dans ma foi et béni dans mon âme... Je vous ai déjà écrit sur ce mouvement. Peut-être m’aurez-vous trouvé trop sage et trop prudent. Je craignais l’entraînement, j ’avais peur que ce mouvement, favorisé par les bonnes dispositions du roi et par les chefs, ne fût superficiel, et que nos amis d’Europe, désireux comme nous de voir enfin l’oeuvre de Dieu prospérer, ne lui donnassent là-bas des proportions qu’il n’a pas ici. Je le répète, ce que nous voulons avant tout, c’est d’édifier sur le fondement par excellence « de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, et non point du bois, de la paille et du chaume, n II y aurait péché à nier l’action de l’Esprit de Dieu dans ce commencement de réveil des concienCes. A Kazoun- goula et même à Séchéké, où les circonstances sont bien différentes des nôtres, je crois, d’après les récits de notre cher frère L. Jalla, que le mouvement est certainement plus sérieux qu’ici, et mes appréciations s’appliquent surtout à ce qui se passe sous nos yeux. Toutefois, le Seigneur nous a visités. C’est dans les consciences que se fait silencieusement le travail, nous le sentons. Il éclatera un jour. Le Seigneur fera encore de grandes choses. Un fait bien propre à nous encourager. Vous vous souvenez de notre belle école de Séfoula d’autrefois, mais dispersée dans le, pays, sur nos stations, surtout jusqu’à Kazoungoula. Que de fois j ’ai pensé au temps que nous y avons consacré et aux forces que nous y avons usées I Eh bien, à l’heure qu’il est, à ma connaissance, près de quarante de nos anciens élèves font profession de croire, et tous, à peu d’exceptions près, savent lire. Nos enseignements, tous ces livres autrefois achetés avec tant d entrain et depuis lors restés comme enfouis, rien n’a été perdu ! « Jette ton pain sur la surface des eaux, et après quelque temps tu le retrouveras ! » « Celui qui prend garde au vent ne sèmera point, et celui qui considère les nuages ne moissonnera point. » Léalouyi, 29 avril 1895. ^ Tout est caprice et surprise en Afrique : un jour, la famine; le lendemain, l’abondance, voire même la surabondance. La sécheresse nous désole, et puis il ne pleut pas que ce ne soit à verse. La poste, en attendant mieux, est le jouet du même caprice. Nous avons été plus d’une fois neuf longs mois sans recevoir aucune lettre. Nous ne sommes qu’à la fin d’avril, et voilà déjà quatre courriers d’Europe depuis le commencement de cette année ! On croit vraiment rêver quand on reçoit à Léalouyi, à la mi-avril, des lettres venant d’Europe et datées de la première quinzaine de janvier. Cela va-til durer? Après la poste, c’est la saison qui fait la capricieuse, elle aussi. Les pluies
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