un jour. On a peine à croire que la fondation de cette station soit si récente. Nous en bénissons Dieu. Mais je me suis oublié. En prenant la plume, c’est de Séfoula que je voulais vous parler, puisque c’est de Séfoula que je vous écris. Depuis quelque temps, je pensais y faire une visite. Je la désirais, cette visite, autant que je la redoutais. Les circonstances m’en ont fait un devoir impérieux. Outre l’oeuvre, qui s’est admirablement développée et qui réclame notre surveillance, c’est notre cher évangéliste Paul, et sa femme surtout, qui sont toujours malades. Le cher homme écrit des billets avec une encre bien noire, et il y avait de quoi. Il se préoccupait de sa mort et demandait à ses amis ce que ferait sa jeune veuve. L’un et l’autre sont des squelettes qui feraient peur, n’était la vie intérieure pleine de sérénité qui se reflète sur ces visages amaigris. Je partis donc de Léalouyi mardi dernier, avec mes cinq garçons, ma maisonnée. De la plaine mondée nous débouchâmes dans notre canal coulant à pleins bords. Hélas ! en le remontant, à une bonne distance de la station et sur un parcours d’un kilomètre environ, nous le trouvâmes tellement obstrué par le sable et l’enchevêtrement des herbes — ces invincibles matindi — que la rivière se déverse de tous côtés dans la plaine, formant des mares et des bourbiers où l’on enfonce jusqu’aux genoux. C’est un travail à refaire, mais qui eût coûté fort peu à entretenir s’il y avait eu un missionnaire à Séfoula. Mes garçons, qui me savaient peu bien, s’emparèrent d’un petit canot qu’ils trouvèrent là, et, avec une bonne humeur joyeuse, ils le portèrent de mare en mare, bien résolus à me faire passer à pied sec et à me débarquer sur la terre ferme. Je fis le reste du trajet à pied. Nous frayions notre chemin à travers des nuées de sauterelles, le fléau du pays. Nous les avons à Léalouyi, mais ce n’est rien à comparer avec celles que nous trouvons ici. Elles ont éclos et grandi ici sur le bord de la plaine et dans la brousse. Elles ont justement mué, leurs ailes sont encore trop faibles pour voler haut et loin ; vous en soulevez des essaims à chaque pas que vous faites, tandis que vous passez sur des masses qui restent entassées sur le sol. Elles ont dévoré les champs de maïs, de manioc et de blé — elles n’épargnent absolument rien. — Les gens font des efforts désespérés pour leur disputer ce qui reste de mangeable. Quand elles volent, les cris aigus et incessants des hommes et des femmes, accompagnés de gestes violents, les soulèvent et le vent les emporte ; mais quand elles sont à la première phase de leur existence, à l’état de grillon sans ailes, elles vont droit devant elles, et rien ne les arrête; elles traversent l’eau à la nage et, souvent, assure-t-on, leurs bataillons serrés éteignent le feu d’herbes dont on entoure les champs. Tout le monde crie la famine, et déjà pour nous les vivres sont rares et fort chers. C’est le commencement, dit-on. Mais une chose singulière, c’est la mortalité qui règne parmi les sauterelles. On les trouve partout gisant en très grand nombre mortes sur le sol; elles sont agglomérées, cramponnées aux tiges d herbe, aux arbrisseaux; vous les croyez vivantes, vous les regardez A Près’ eIles sont toutes desséchées. Et, d’âprès ce que j ’entends, c’est la meme chose dans la province de Séchéké et de Kazoungoula. Quelque ngaka1 inconnu ne manquera pas de revendiquer l’efficacité de ses médecines et de ses incantations cabalistiques. Des hommes intelligents disent qu’elles s’empoisonnent en rongeant certaines plantes vénéneuses. C’est possible; mais nous croyons, nous, que Dieu a entendu les prières de ses enfants et a eu pitié de ce peuple. Malgré l’aspect désolé de la station, et malgré tous les souvenirs que chaque coin et chaque chose évoquent, on respire ici un calme que nous ne connaissons pas à la capitale et qui repose l’âme. Qu’il fait bon se retrouver sous ces ombrages, de se recueillir dans la solitude solennelle de ces bois ! Et là-bas, à « ce jet de pierre », sous cet arbre séculaire, comme on se sent près du ciel ! Involontairement je pense à ces amis nombreux qui, eux aussi, sont dans le deuil. Chaque courrrier apporte des « faire-part » que leur bordure noire rend si lugubres. Que de noms se pressent sous ma plume avec celui de notre cher et vénéré M. Dhombres2 ! Je voudrais le leur dire, à tous ces amis; la souffrance a pour nous des leçons salutaires, mais elle a aussi des bénédictions ineffables qui lui sont propres... Les coeurs en haut! Ce n est pas à la gare du chemin de fer ou au détour de la route où nous nous sommes dit ce suprême adieu qui a déchiré nos coeurs et terni nos vies, que nous devons nous arrêter. Nos bien-aimés ne sont plus là!... Non. C’est au heu du rendez-vous, au moment du revoir, que tendent, avec ardeur, nos désirs; c’est avec des tressaillements de joie que nos espérances s’envolent vers la maison du Père où ils nous ont devancés, nos bien-aimés, où Jésus nous attend, d’où chaque pas nous rapproche, et où Dieu essuiera toutes hrmes de nos yeux. Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Cherchons-]e, non pas parmi les morts, mais parmi cette nuée de témoins qui nous environnent. Mais parmi les ruines matérielles de Séfoula, je voudrais au moins vous cueillir une fleur ou deux, dont le parfum m’a été particulièrement doux. (Héb. 12-1.) Le mouvement dont vous avez déjà entendu parler et qui s’est produit simultanément sur toutes nos stations, quoique peut-être à un moindre degré 1. Sorcier ou docteur indigène. Ma Ieuire a^ é^ é^ ^ à 'b â to n s^ om p u s .116 a °UVe" e * * I “ “ “ h ™ “ «
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