quatre pieux fichés en terre et une couple de planches servent de table. L’autre, c’est le dortoir, qu’ils tiennent assez propre. Le nombre de ces élèves pourrait se doubler et se tripler; mais, pour le moment, je m’en tiens à ces quatre. Outre le manque de vivres, le caractère de nos jeunes Zambé- ziens a besoin d’être éprouvé, et leur vocation non moins. ^ Du reste, ce n’est ici qu’un essai, un petit commencement. Ce n’est certes pas à m’enfermer trois ou quatre heures par jour avec une classe, que me portaient mes inclinations ; loin de là. J’aurais voulu des ailes pour parcourir le pays et publier l’Évangile, la bonne nouvelle. Je souffre que nous soyons ainsi parqués, murés chez nous et dans l’impossibilité de voyager. Nous voyons bien des foules d’étrangers et nous faisons notre possible pour qu’ils emportent quelque étincelle de vérité. Mais, ici, ce n’est pas chez eux. Ce sont les circonstances qui m’ont forcé à m’occuper de ces jeunes gens que je ne conduisais que de mauvais gré au Lessouto, comme vous savez. Ce n’est certes pas l’école biblique de Morija qui est en cause, car vous savez si je l’aime. Mais il ne faut pas que nous fassions de nos Zambéziens des ba-Souto. Une école biblique s’impose au Zambèze.-Je la commence; à vous d’aviser à la continuer et a la développer. Vous serez bien tristes d’apprendre que mes prévisions au sujet de Séfoula ne se réalisent que trop. Tout tombe en ruines. Les vents qui précèdent la saison des pluies ont été, cette année, d’une violence extraordinaire. Ils ont renversé un gros arbre qui est tombé sur la scierie, en a effondré le toit et presque abattu les murs. M. Ad. Jalla a bien essayé de réparer un peu, grosso modo, comme on dit; mais ce n’est pas un raccommodage pareil qu’il faut pour sauver notre propriété en temps de pluie. C’est bien triste de penser à tout ce magnifique outillage qui est là à se détériorer, quand un homme de la trempe de Waddell pourrait en tirer un si grand parti et nous être d’un si grand secours. , Notre église, ici, n’est pas finie; le sera-t-elle jamais? Nous avons quinze grands trous dans les murs en guise de fenêtres et de portes. Les fenêtres, nous les avons bouchées avec du calicot, qu’il a fallu renouveler plus d’une fois, bien que nous n’en ayons pas à revendre, certes. Mais il n’y a pas de calicot, si fort soitril, qui y tienne : le vent le déchire comme du papier. Et si vous saviez comme il s’engouffrait et se démenait dans ce local 1 C était à ne plus pouvoir y tenir, et je tremblais pour le bâtiment lui-même. J’ai donc dû, forcément, fermer avec du roseau et badigeonner toutes ces fenêtres de calicot que vous voyez sur la photographie, et d’autres en plus. J’en ai laissé d’ouvertes juste assez pour y voir clair. Aux dernières nouvelles, Waddell était encore à Kazoungoula à se morfondre. Combien je regrette qu’il ne soit pas revenu avec moi 1 II aurait pu réparer un, peu la voiture, et nous serions l’un et l’autre, à l’heure qu’il est, bien loin dans notre voyage. Pour moi, une consultation médicale est presque aussi nécessaire que pour lui. Comment voyager sans voiture ? Je crois qu’ici, une des principales causes de nos malaises, c’est l’eau dont nous devons forcément nous servir. Ces premières pluies balaient, lavent plutôt le pays, et le lac où nous puisons est devenu l’égoût général. Mauvaise en tout temps, elle ne se conserve pas douze heures. Elle a alors une odeur et un goût à vous empoigner la gorge. Impossible, le matin, d’avaler ma tasse de café habituelle. Tout en barbouillant mon papier, me voici tenant pour la première fois la plume le i " janvier i 8g5 !... Oui, i 8g5 ! Cinq ans encore et le siècle, lui aussi, aura passé. Et nous? L’année qui vient de s’écouler, elle, nous laisse humiliés, mais aussi enrichis d’expériences et de bénédictions, — et plus près du ciel. Celle qui commence, que nous apporte-t-elle?... Où nous laissera- t-elle ? Encore dans la vallée et sur le champ de bataille, ou bien là-haut, en présence du Roi que nous aimons de toute la puissance de notre coeur, et que nous voudrions servir avec tant de fidélité?... Ils vous arriveront tard ; je vous les envoie quand même, mes bons voeux de nouvel an. Ah ! ces bons voeux, comme il est facile de les faire ! Et comme on en fait partout aujourd’hui! Ça va durer quelques jours; après cela, qui y pensera? Pour nous, ce n’est pas le cas. Membres de la même famille missionnaire, nous connaissant et nous aimant, partageant les soucis, les joies et les responsabilités de la même oeuvre, nous n’avons pas besoin que l’année se renouvelle pour nous rappeler les uns aux autres, n’est-ce pas? Seulement, l’année qui s’enfuit et la nouvelle année qui commence, et qui nous arrive avec toute sa réserve de bénédictions et d’épreuves inconnues, imprévues, donnent à nos intercessions mutuelles un cachet tout spécial de solennité. Que demander? Le savons-nous? Plaçons tout simplement aux pieds du Seigneur nos amis, nos bien-aimés, l’oeuvre de nos coeurs et de nos vies, et disons-lui avec foi: « Seigneur, ils sont tiens, bénis-les!... Oui, bénis-les!... Rassasie-nous chagüe matin de ta bonté, afin que nous nous réjouissions et que nous soyons joyeux tout le long de nos jours ! Réjouis-nous au p rix des jours que tu nous as affligés... Que ton oeuvre paraisse sur tes serviteurs, et ta gloire sur tes enfants ! Et que le bon plaisir de VÉternel notre Dieu soit sur nous, et dirige Foeuvre de nos mains! Oui, dirige F oeuvre de nos mains! »
27f 90-2
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