à ronger ce pain dur et sec, comme un pauvre esclave, tandis que, comme un grand seigneur, je pouvais manger du miel à coeur joie ! » La leçon fut comprise, et je laissai tout ce monde se la répéter et la commenter à loisir. Ah ! que> je voudrais la passer aussi à tous ceux qui hésitent entre les jouissances mensongères du monde et le service du Seigneur Jésus ! Litia, en partant pour Kazoungoula, m’avait demandé de lui envoyer la photographie de son enfant, que Léwanika a gardé ici pour l’élever. C’est maintenant un petit bonhomme de près, de deux ans. Mais, le croiriez vous? personne, en dehors de sa parenté immédiate et des esclaves attachés à son service, n’a encore vu son visage. Personne n’est censé connaître son nom ou savoir si c’est une fille ou un garçon. Personne que les gens de service n’est, depuis deux ans, entré dans la cour où il grandit, et si lui-même a dû en sortir, ce n’est que couvert de fourrures au point d’étouffer. S’il doit voyager en canot, on l’y porte ainsi caché, puis on a le soin, une fois déposé dans son pavillon de nattes, d’en fermer l’ouverture. C’est le sort de tous les enfants de sang royal. Il arrive quelquefois que la pétulance l’emporte, et le petit captif, un beau jour, renverse la porte de roseaux et s’élance dehors au grand air, tout jubilant, suivi d’esclaves stupéfaits. Il n’y a plus d’autre remède alors que de le présenter le soir au roi et de lui accorder la liberté qui fait la jouissance du pauvre. Vous comprenez, c’est du « mauvais oeil » qu’on a peur, lors même que le pauvre petit prisonnier est tout couvert d’amulettes. Il y a probablement encore une autre raison : c’est le mystère qui, en général, en impose au vulgaire. Les rois ba-Rotsi prétendent à une descendance divine et, pour dire le moins, tiennent à le rappeler. C’est donc ce petit mignon de visiteur, qu’avec l’autorisation expresse de Léwanika, m’apporta Maondo, une des femmes du roi, personne intelligente et aimable qui a charge de lui. Pauvre petit ! Elle me le montra : un gros paquet très soigneusement enveloppé sur le dos d’une esclave. Ne voulait-elle pas que je prisse ainsi sa photographie?... De concession en concession, elle aurait consenti à le dépaqueter (il y a longtemps que j ’ai eu le rare privilège de le voir, moi; je ne porte donc pas guignon), mais dans ma chambre, en en fermant soigneusement les fenêtres : elle aurait même consenti a ce que je le fisse dans la cour, à condition que j ’ordonnasse à tous nos garçons et filles, et à tous nos ouvriers, de se cacher. J’eus beau discuter, j ’y usai mon latin; elle ne se rendit pas, ni moi non plus, et, n’en revenant pas de ma hardiesse, elle s’en retourna toute triste avec son gros ballot sans l’avoir déballé ! Ce fait, insignifiant en apparence, suffirait pour montrer combien les ba- Rotsi tiennent à leurs coutumes, tout en reconnaissant eux-mêmes ce qu’elles ont de déraisonnable et de mauvais. Ce seront longtemps encore des écueils cachés pour nos ha-Rotsi chrétiens. 29 décembre. Nous avons eu nos fêtes, et même quelque chose de plus. D’abord le mariage de Nyondo. Savez-vous qui est Nyondo? C’est un pauvre mo-Choukou- loumboué, esclave du roi, qui a obtenu de celui-ci la permission de venir chez nous pour suivre l’école. Il s’est converti et nous donne de la joie. Il est d’un sérieux imperturbable, il ne rit que par accident, surtout devant ses supérieurs; il est très réservé, homme de peu de paroles, mais véridique et honnête, -r- il ne 1 avait pas toujours été. Il a un peu, dans ma maison, pris la place de Ngouana-Ngombé. Les bonnes qualités qui se sont développées chez lui depuis qu’il est devenu chrétien, l’ont fait estimer du roi et ont, je n’ai pas besoin de le dire, conquis mon affection. Il est peu intelligent, mais il a du coeur, et je l’ai découvert quand je ne m’y attendais guère. Ce bon garçon n’a pas de plus grand désir que celui de devenir un évangéliste maître d’école. Le roi le sait et lui laisse toute latitude. Fiancé à une jeune fille dont les services étaient fort appréciés du roi, et qu’il obtint pourtant, ü la plaça chez M“ Ad. Jalla, où elle se développa’ de toutes façons et finit par se convertir. C’est son mariage qui eut lieu le 21 décembre, le premier qui fût célébré à Léalouyi. Nous nous attendions à voir foule. Eh bien ! non. L’église n’était pas pleine,, les bancs étaient modérément occupés. Le roi était là avec quelques uns de ses likomboa, mais aucun des grands chefs, si ce n’est Sémonja, qui est chrétien. La cérémonie n’en fut pas moins très impressive. Dans mon allocution, je m’attachai nécessairement à mettre en lumière l’institution divine du mariage chrétien avec les plaies et la pourriture de la polygamie, la position de la femme chrétienne avec celle de la femme païenne... Bref, je me demandais si on m’avait bien compris. Compris? si bien que mon discours fut colporté, commenté et mit tout le village en émoi. Les hommes étaient furieux, et les femmes se demandaient « ce qu’elles avaient fait pour irriter le bon Dieu. » C’était le vendredi. Nous célébrions Noël le dimanche. Nos cantiques et nos choeurs bien préparés furent aussi bien exécutés que nos matériaux nous permettaient de l’espérer. Les évangélistes étaient là : Paul Kanédi, de Séfoula;
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