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sorciers, et mes enfants, mes petits-enfants, moi-même ? Ce n’est pas possible, ce n’est pas vrai. Ce qui est mort est mort et ne revit pas. — Vraiment? C’est que vous êtes dans l’ignorance; cela à déjà eu lieu. Un homme a été mis à mort, on l’avait cloué pieds et mains sur deux bois en croix. Il était si bien mort que, quand on lui perça le côté, il en sortit du sang décomposé, du sang et de l’eau. On l’a mis dans un sépulcre; mais le troisième jour il est sorti vivant du tombeau. C’est un fait incontestable. Cet homme, c’est le Fils même de Dieu, celui même qui a dit les paroles qui vous choquent. Je lus de nouveau Apocalypse, VII, g. — Que dis-tu de cela? — Je dis, dit le vieillard tout pensif, si c’est vrai, c’est bien étonnant. Puis, le laissant à ses réflexions, je pris mon siège et allai m’asseoir dans la grande cour remplie de gens qui venaient saluer Narouboutou avant de s’en retourner chez eux. Leurs figures s’illuminèrent. Il me fallut d’abord refaire connaissance, — car j’ai mauvaise mémoire, et on le sait, hélas ! — avec chaque chef de petit village, avec celui à qui j ’avais, je ne sais plus quand, donné de la médecine ; avec celui-là qui m’avait rencontré je ne sais où. Et puis, quand je repris le sujet de la résurrection des morts et du jugement dernier, il fallait voir tous ces cous tendus, ces yeux fixes, ces têtes immobiles ! Si seulement je pouvais les visiter chez eux ! Bientôt après, c’est chez Ouina que je me trouvais. C’est un sékomboa, un serviteur personnel important du roi, un vrai Zachée pour la taille parmi ces géants de ba-Rotsi. Il est remarquablement doux et aimable, et il vient régulièrement aux services, toujours affublé dans une tunique de soldat de je ne sais quelle provenance. Ses yeux un peu ternes, comme ceux de tous nos noirs, dénotent pourtant beaucoup d’intelligence. Sa cour aussi est pleine d’étrangers. Sa femme est là, jeune et aimable, qui caresse un bébé. Je le caresse aussi, ce qui déride tout le monde. Et me voilà 1 un d eux. Ouina commence par me faire des questions sur la conversion, et les plus intelligents de ses visiteurs font de même. Je les encourage. Je réponds à tout et à tous. L’entretien devient très animé et tout le monde s’y intéresse. A la fin, avant de me lever : Dis-moi, Ouina, mon ami, dis-moi pourquoi tu ne te convertis pas, toi qui connais si bien la vérité? Mais je me convertirai. Certainement nous deviendrons tous des chrétiens. Ne vois-tu pas Léwanika qui nous ouvre le chemin? Attends seulement un peu, prends patience. Nous venons. Ne me parle pas des autres, mais parle de toi. Tu te convertiras, tu vas venir? Quand? As-tu fixé le jour? Dis? Pourquoi pas aujourd’hui? Maintenant? Il baisse la tête. H 9 G!est que j ’ai peur, dit-il; la loi de Dieu est dure, difficile. Je lui fais lire mot à mot Matthieu, XI, 28, 2g. — Je comprends, fait-il avec un long soupir. Mais... mais, vois-tu... — Voyons mon ami, quelle est ta difficulté? Dis-le-moi franchement. — Ma difficulté, c’est celle de tous les ba-Rotsi, ce sont les femmes. Comment est-il possible à un morouti de ne vivre qu’avec une seule femme et d’être satisfait et heureux? Oui, les femmes ! répétèrent à la fois les hommes qui remplissaient la cour. Et sa femme d’ajouter : — Ni nous non plus nous ne voulons pas d’un Évangile qui défend que plusieurs femmes sé réclament d’un seul homme, s’entr’aident et se tiennent compagnie. Je la regarde fixement : Dis-tu vrai, toi, femme? Quelle est donc cette maladie qui vous dévore et que vous appelez léfoufa?|j|| (jalousie de harem.) On frappe des mains : Voilà qui est bien dit ! Oh ! dit la pauvre femme avec confusion, je ne parlais pas sérieusement. Je voulais voir ce que tu répondrais. ■ S h ! possible ! Mais je suis sérieux, moi. Puis, me tournant vers Ouina, je lui dis : — Je te comprends parfaitement, mon ami; il doit, en effet, vous coûter beaucoup de renoncer à vos femmes et à toutes vos jouissances charnelles. Mais suppose que tu manges du pain sec — une grande privation pour les noirs et une dure nécessité — et que je mange le mien avec du miel, dont les chefs ba-Rotsi sont très friands et dont ils essaient de s’assurer l’usage exclusif, — dis-moi, ne m’envierais-tu pas? Et si tu me voyais partager ces délices avec d’autres amis et que je te laissasse de côté, que dirais-tu?... Si, au contraire, je te disais : Ouina, laisse donc ton pain sec et viens partaqer mon miel... — Oh ! je battrais des mains ! — (On rit.) — Eh bien ! c’est juste ce que je fais. Toi, tu en es encore à grignoter le pain vieux et sec de la polygamie et de toutes vos vieilles coutumes. Moi, j ’ai trouvé dans les choses de Dieu un miel qui fait mes délices de chaque jour. Je t’invite, je te presse de venir manger au même plat que moi. Tu hésites, tu ris avec dédain et tu me dis : « Je ne puis pas abandonner le vieux pain sec que je grignote... » Si seulement tu voulais goûter mon miel, comme lu rirais de joie ! Tu dirais : « Gomment étais-je si insensé que de m’obstiner


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