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LIV Travaux terminés. — Visites d’évangélisation. --«L’enfant de Litia. — Mariage de Nyondo. —• Un geste malheureux. — Tempête. — L’école biblique à ses débûts. — A quand 1 école industrielle? — Les renforts attendus. — Le temps presse. — Nouvelle année. Léalouyi,. a4 novembre i8g4- ■Les travaux du grand canal de la capitale sont terminés, pour cette année du moins; le canal, l’autre jour à sec, coule maintenant à pleins bords, et les canots vont, viennent, cinglent et se croisent sans cesse. Les ba-Rotsi en sont, fiers et nous aussi avec eux. La capitale regorge de gens qui s’en vont retourner chez eux, les ma-Koma, les ma-Yéyé et d’autres. Bonne occasion d’évangéliser. Je prends mon livre et ma canne, et pars. Ma première visite est pour la vieille mère du roi. Elle est malade. Elle me fait au long le diagnostic de sa maladie : son coeur n’est plus en placé, il est suspendu tout en haut des poumons, il branle, branle, lui saute a la gorge, puis... Je vous fais grâce du reste. Ça ne peut intéresser que moi. J’aborde les choses de Dieu. Elle les hait. Elle est éminemment conservatrice, la pauvre vieille. Elle n’a jamais une seule fois mis les pieds a 1 église. Elle, à l’église!... « Tous mes enfants, mes petits-enfants, mes gendres, mes belles-filles sont là, dit^elle : comment pourrais-je me regarder avec eux? Ça ne se fait pas. Et puis, je n’ai pas de jambes ! » C’est une hyperbole qui ne l’empêche pas d’aller de çà, de là, de voyager même. Mais j ’en prends l’occasion pour lui raconter l’histoire du paralytique, qui l’étonne. Elle rit de bon coeur à la pensée d’être portée à l’église par quatre de ses hommes. Pour toute autre chose ce ne serait que tout naturel. Pour détourner une conversation un peu embarrassante pour elle, elle se met à mendier. Sur ce, je me lève et je pars. Elle retient mon garçon pour lui déverser le trop-plein de son coeur. « Je suis un avare ; autrefois, oui, je savais qu elle est la mère de mon frère (le roi!), et je ne l’oubliais pas. Maintenant je ne lui donne plus rien, pas même une couverture de laine ! n De course en course, de maison en maison, j ’arrive chez Narouboutou, un autre conservateur comme la vieille Inongé, vieux et aveugle ; il a toute son intelligence, et il en possède à un remarquable degré. Personne n’a eu, tant dans les affaires que sur Léwanika lui-même, une aussi grande influence que lui. J’ai toujours du plaisir à causer avec lui; nous sommes de grands amis. Cette fois c’est lui qui m’entreprend. — Je meurs d’ennui, dit-il, je ne puis parler avec personne. Tu m’as dit de prier Dieu, ton Dieu ; mais si ce Dieu à toi était vrai et bon comme tu le dis, il m’aurait guéri depuis longtemps. Et toi-même, as-tu de l’affection pour moi? Je ne crois pas, quoi que tu le dises. Si tu en avais, et puisque tu es un serviteur de Dieu, que tu es bien avec lui, il y a longtemps que tu aurais obtenu de lui qu’il me rendît la vue. — Tu es vieux, Narouboutou... H 9 Que dis-tu, morouti ? Aveugle parce que je suis vieux, moi ? Mon frère est plus vieux que moi, et il n’est pas aveugle, lui. Pourquoi moi? — Dieu permet de telles choses pour que nous le cherchions ; il fait avec nous comme des parents sages font avec leurs enfants : c’est sa verge, et il ne s’en sert que pour nous rendre bons. Ah ! si toi aussi, mon ami, tu changeais, tout en toi serait lumière, paix et joie ! Lumière? allons donc. Est-ce à dire que je verrais Dieu? Qui l’a vu? L’as-tu vu, toi? — Dis-moi, Narouboutou, as-tu une âme, toi ? tr--:Sans doute que j ’ai une âme. Qui en douterait? — Mais l’as-tu vue ? Mais non, peut-on voir son âme? Je sais seulement que j ’ai une âme. — Mais, continua le vieillard, comme pour éluder ma conclusion et comme si une nouvelle idée lui avait traversé l’esprit, où va-t-on quand on meurt? Nous, ba-Rotsi, nous disons que l’âme va chez les dieux, mélimo, quelque part, mais je ne sais pas où. Je lui lus plusieurs passages de la Parole de Dieu sur ce sujet. Jean, V, 28, 20, k frappèrent. Il m’interrompit: lgl|||jQuoi ! tu dis que les morts, les morts ressusciteront et qu’ils verront Dieu ? Balivernes ! mensonges ! Il poussa un gros éclat de rire. Pendant ce temps les cours de son sérail s étaient remplies d’hommes qui éclatèrent de rire aussi et applaudirent en battant violemment des mains. Ne riez pas tant, mes amis; ce ne sont pas des niaiseries. C’est une vérité certaine que les morts ressusciteront; ils ressusciteront, tous ceux qui meurent à la chasse, en voyage, sur le fleuve, dans les déserts, ceux que vous avez brûlés comme sorciers, ceux que vous avez tués, les enfants, les vieux, les esclaves, les maîtres, tous ! Nouveaux éclats de rire, mais de peu de durée. — Tu dis, demanda le vieux Narouboutou, que tous revivront, même les


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