être notre joie serait-elle moins partagée, et nos espérances plus vives. Nous ne pouvons cependant pas ne pas nous recueillir en présence d’un mouvement si nouveau. Nous nous demandons avec anxiété si c’est bien là en vérité l’oeuvre de Dieu, le commencement du réveil des 'consciences ; les premières gouttes enfin de ces ondées que nous demandons et attendons depuis si longtemps. Notre désir ardent et sincère, Dieu le sait, ce n’est pas de faire une oeuvre éclatante aux yeux des" hommes en amoncelant sur le rocher des siècles du bois et du chaume — ils abondent partout, ces matériaux-là — mais bien d’y édifier des pierres précieuses, de l’or ou même de l’argent, si peu soit-il, pourvu qu’il soit de bon aloi. Pour dire franchement ma pensée, je ne suis pas sans appréhension. Je crains que le mouvement, qui parait gagner en étendue, n’ait encore que peu de profondeur. Je crains que les bonnes dispositions du roi, connues de tout le monde, et l’esprit d’imitation et d’entraînement n’y soient pour beaucoup. Ce pessimisme m’est probablement tout personnel et n’est peutrêtre pas partagé par mes frères. Je ne sais. Aussi je m’en veux. Que de fois notre âme ne se pâme-t-elle pas en supplications ! Et puis, quand vient l’exaucement, nous en sommes tellement ébahis, que nous ne pouvons pa’s y croire. C’est toujours : « Rhode, tu es folle 1 » Nous croyons pourtant. Oui. Mais, Seigneur, aide-nous dans notre incrédulité ! Léalouyi, 8 octobre. Hier, c’était le jour des adieux, un de ces jours qu’on aime voir derrière soi. M. et M"' Ad. Jalla sont venus pour l’occasion, puisqu’ils doivent me remplacer. Jacob Mochabécha aussi faisait ses adieux. Remplacé par Willie Mokalapa, il va seconder M. Béguin à Nalolo, où leur installation doit avoir lieu dimanche prochain. Chacun de nous, partants et remplaçants, parla, et pas besoin n’est d’ajouter que ce service eut ce caractère de solennité qui nous fait réaliser la présence de Dieu. Il en fut de même de celui de l’après- midi, qui se prolongea jusqu’à la brune. Tout le monde avait l’air de se retirer à regret. Il y avait de quoi arracher des larmes aux anges du ciel de voir entre autres des enfants, oui, des enfants I se lever, confesser leurs vols et dévoiler leur immoralité. Nous étions probablement les seuls à nous en étonner et à sentir la honte nous couvrir le visage. Qui sondera l’abîme de corruption où grouillent toute cette jeunesse, ces hommes et ces femmes, pères et mères, et même ces enfants? — des enfants d’une douzaine d’années à peine, le croirait on? se sont déjà familiarisés avec le vice et vautrés dans sa fange I On frémit rien que d’y penser. A en juger par leur sérieux, on doit pourtant croire à la sincérité de ces témoignages. Des appels pressants, rivés par des chants, dappel aussi, chantés en soli et en choeurs par nous quatre seulement, missionnaires, et évangélistes, tinrent l’assemblée sous une impression solennelle. Au milieu d’un grand silence, Léwanika tout à coup apostropha une de ses femmes qui se trouvait dans une autre partie de l’église, une charmante jeune femme, douce et timide comme une colombe : « Nolianga, s’écria- t-il, pourquoi te tais-tu? Toi qui aimes tant les choses de Dieu et qui es depuis si longtemps travaillée dans ta conscience, pourquoi restes-tu silencieuse? Dis! Pourquoi ne te déclares-tu pas pour Jésus? Que crains-tu? De qui as-tu peur? Je n’empêche personne, moi, de se convertir et de servir Dieu. Parle donc ! » Dans un silence profond, où chacun, les yeux fixés sur elle, semblait retenir son haleine, on n’entendit que des sanglots étouffés. Nolianga ne parla pas, pas plus que celle qui arrosait de ses larmes les pieds du Sauveur et les essuyait avec ses cheveux. Mais l’incident, aux yeux du public, a une portée immense, et c’est le sujet de toutes les conversations. Personne ne se méprend sur la signification et le but des paroles du roi ; mais on se demande pourquoi il n’a pas été plus loin et n’a pas fait le pas décisif. Au harem, on montrait déjà du doigt la pauvre Nolianga. Ses rivales la traitaient d’hypocrite et d’ambitieuse. « Elle ne fait mine de se convertir, disaient-elles, que pour plaire au roi et devenir sa seule femme quand lui se déclarera chrétien. * Que sera-ce maintenant ? Cette intéressante Nolianga, jeune encore, belle et aimable, est une fille du fameux roi Sépopa, donc une cousine au deuxième degré de Léwanika. Depuis longtemps, elle est attirée vers l’Evangile. S’étant intimement liée avec Noréa a digne femme de Jacob, elle a mis son amitié à profit, s’est fait enseigner les choses de Dieu et a appris à lire. L’oeuvre de la grâce s’est visiblement laite dans cette belle âme. Il y a quelque temps déjà, à notre insu, notez, elle conlessa au roi qu’elle ne pouvait pâs plus longtemps résister aux appels de Dieu. En devenant chrétienne, elle le savait, elle devait quitter le sérail du roi. Mais elle le suppliait de ne pas — selon la coutume — disposer d’elle à son gré et la donner comme femme au premier venu. Elle demandait quil la laissât entièrement libre de se marier ou non, et de bâtir sa maison ou elle voudrait. Léwanika acquiesça sans peine à sa requête. De fait je crois que le cher homme est très content de la chose. C’est ce qu’il désirait et attendait depuis longtemps. II voudrait bien laisser à Dieu la besoqne de disperser ses femmes, qu’il n’a plus lui-même le courage de renvoyer Et puis, si seulement quelques-uns de ses likomboa (ses serviteurs personnels) et des principaux chefs se convertissaient d’abord, comitie ce serait facile pour lui de les suivre, au lieu de cheminer tout seul — lui qui n’est jamais
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