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LUI La plaine en feu. — L’avenir de Séfoula. — Deux besoins pressants de la mission. — Le mouvement actuel.!*#- Nolianga. — La fondation de Nalolo. — En route pour le Lessouto. — Une roue qui se brise. — Plans modifiés. — Une lettre du roi. — Le bras de l'Éternel n’est point raccourci. Séfoula, 4 octobre i 8g4* Nous voici donc encore en plein dans celte saison cruelle de chaleur étouffante et de vents brûlants, où sous un ciel et sur un sol embrasés tout languit, tout dépérit, tout soupire après les premières gouttes de pluie. La plaine est en feu. Nuit après nuit, elle nous offre le spectacle indescriptible de gigantesques illuminations qui transportent l’imagination dans d’autres mondes. C’est ravissant, c’est grandiose, c’est féerique. Il y a dans le feu follet de ces flammes, et dans ce pétillement terrible quelque chose de saisissant. Vous sentez votre impuissance devant cet élément destructeur qui enlace et dévore tout, dont rien n’arrête la marche. Quelle vivante illustration de ces paroles du prophète qui me reviennent toujours à l’esprit en pareille circonstance : î Voici, le jour vient, ardent comme un four; tous les orgueilleux et tous les méchants seront comme du chaume, et ce jour qui vient, dit l’Eternel, les embrasera et ne leur laissera ni racine, ni rameau. » Que le vent s’apaise, qu’il retienne son haleine, c’est alors une fournaise. Des masses de fumée, épaisses et noires, éclairées d’une lumière livide par les flammes qui dévorent les jungles, se roulent sur terre, s’entassent, s’empilent les unes sur les autres. Vous suffoquez dans cet étouffoir, la respiration est une agonie. De jour, l’immensité de la plaine, recouverte d’un lugubre drap mortuaire, tacheté de fourmilières blanches et frangé de nuages blafards de fumée, est impitoyablement balayée par les vents. Ils s’y donnent libre carrière. Auprès, au loin, jusqu’à l’horizon et à tous les points du compas ce ne sont que tornades. Ces tourbillons surgissent on ne sait d’où, s’élèvent et pirouettent, colonnes noires et formidables, aux formes colossales et fantastiques qui, toujours en tournant et pirouettant, vont s’écheveler dans les airs, courent furieusement les unes après les autres, et puis, comme pour échapper au caprice du jeu, se dissipent pour reprendre pied ailleurs et recommencer leur course vagabonde. — Et gare à qui se trouve sur leur passage ! Ce vent de la plaine, rien ne vous en abrite. Il vous poursuit partout, vous fouette, vous lacère le visage sans pitié, et sur vos talons s’engouffre jusque dans votre demeure où, sans rien respecter, il saupoudre tout de poussière comme de son crachat. Comme un enfant malicieux qui guette l’occasion d’une espièglerie, il amoncelle et disperse, pour les amonceler et disperser de nouveau, les cendres, le sable-et le gravier... On les compte, les jours de cette affreuse lune. Ce doit être une de ces lunes néfastes que les ba-Rotsi ne célèbrent point par leurs fêtes. A l’apparition des premiers flocons de nuages, on prend espoir. Hélas ! une bouffée de vent un coup de tonnerre — ils se dissipent ! Et il ne reste que 1 ardeur d’un soleil de feu et la fureur insatiable du vent. La date de ma lettre n’est pas une erreur, je suis à Séfoula. Je vous écris dans cette vieille chambre rongée des termites, mais dont tant et de si sacrés souvenirs font pour moi un Bèthel. Mon cher Séfoula! II a bien changé. Les bâtiments se font vieux, prennent une mine triste et délabrée ! La forêt'! les indigènes en massacrent partout les arbres que nous avions tant de peine à faire respecter, et ils ne laissent que les broussailles. M1Ic Kiener n’est plus là, M. Waddell non plus. L’atelier est fermé et la forge aussi; la scierie est muette et triste. Les Adolphe Jalla, à leur tour, vont quitter pour aller à Léa- louyi, et les Béguin aussi pour Nalolo, et il ne restera plus dans un coin de la cour que l’évangéliste Paul Kanédi et sa femme, chers gens qui font peu de bruit et aiment la retraite. Le coeur se serre en pensant aux jours d’autrefois, en pensant surtout à tout ce que nous aurions voulu et à tout ce que nous aurions pu faire à Séfoula. Nous n’y avons trouvé que des marais impraticables, des jungles, le repaire des panthères, et des fourrés hantés par des hyènes. Nous voulions en faire un centre d’industrie et d’éducation, une source féconde de relèvement, de progrès et de prospérité pour le pays. Et voici Séfqula sans missionnaire et presque abandonné ! Et cependant, pourquoi Séfoula n’aurait-il pas encore son jour, et ne remplirait il pas sa mission bienfaitrice? Pourquoi n’y aurions-nous pas encore une école industrielle qui sapera les fondements de l’esclavage, ce monstrueux édifice social? J’y appelle surtout et de mes voeux les plus ardents la fondation d’une école cl évangélistes. Nous avons pour l’une comme pour l’autre plus de matériaux qu’il ne nous en faudrait pour commencer. Nos chers ba-Rotsi, dont j ’ai dû dire tant de mal, ont du bon aussi. Ne serait-ce qu’une étincelle, une étincelle c’est quelque chose, au besoin on en tire parti. Us sont industrieux, nos Zam- béziens, et sous ce rapport laissent bien loin derrière eux toutes les tribus du sud de l’Afrique que j ’ai connues. Ils construisent en ce moment à Léalouyi, en pieux et en roseaux, comme nous naturellement, une maison européenne


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