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allaient disparaître. Nous étions trop près pour que le danger fût sérieux. Mais c’était curieux de voir cet îlot revenir à la surface de l’eau. C’est un échantillon de ces terribles matindi, comme on les appelle ici, ces ponts flottants d’herbe si fortement entre-tressée, qu’on peut y marcher, mais avec précaution toutefois; car qu’il y ait une déchirure dans le tissu; et que vous fassiez un faux pas, c’en est fait de vous comme de qui tombe dans un trou sur la glace d’un étang. Ahl s’ils pouvaient parler, ces matindi, quelles histoires lamentables de noyades clandestines ils pourraient nous raconter 1 A cause de ces mêmes matindi le trajet devint des plus laborieux. Mon ombrelle blanche trompa les gens qui me prirent pour le roi. Aussi, de si loin qu’on nous aperçut, les femmes de pousser leurs cris stridents, les hommes de se mettre en position et de m’envoyer la salutation royale, et tous d’accourir par troupes vers nous... J’envoyai Nyondo pour les désabuser. Quelle déconfiture! pauvres gens! Les uns se sauvèrent au village, d’autres se jetaient à plat ventre dans l’herbe. Mais ils revinrent bientôt de leur surprise. Un vieillard les rallia en criant: «: C’est le morouti, n’taté oa rônal » et quand j’arrivai au village j ’avais déjà autour de moi, grands et petits, une centaine de personnes, un auditoire que d’autres petites, bandes vinrent encore augmenter. J’essayai de leur enseigner un simple chant, de graver dans leur mémoire un verset que l’Esprit de Dieu peut graver dans leur coeur, et leur parlai familièrement du Seigneur Jésus qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Voilà une journée comme je voudrais qu’elles fussent toutes employées. Le dimanche, nous nous partageons la tâche avec Jacob; l’un va à Nangoko, l’autre reste ici. Car au village j’ai découvert qu’avec ceux qui vont et viennent, il s’y trouve plus de cent cinquante personnes, des esclaves hommes et femmes, et qui se réunissent avec empressement quand nous y allons ; ils ne peuvent pas tous venir ici faute de canots. Ils sont tout étonnés que nous nous occupions d’eux, si ancrée dans leur esprit est la notion que l’Evangile n’est que pour leurs maîtres et pas pour eux ! Je vais le plus souvent à Nangoko. C’est un long et fatigant trajet, surtout quand le vent souffle. La dernière fois, nous avons mis trois heures et demie, c’est-à-dire presque une heure de plus que d’ordinaire. Le roi commençait à s’inquiéter ; car il arrive souvent qu’un coup de vent renverse les canots et les fait chavirer comme des coquilles de noix. Mais malgré le soleil et le vent, c’est une grande compensation que de prêcher l’Evangile à cet auditoire d’hommes et de femmes en général sérieux et attentifs. Que ce sera beau quand les conversions commenceront à se manifester Souvenirs de la Conférence. - Le voyage d'aller. - Nalolo. — Séchéké. - Kazoungoula. — Plan», projets et appels Un anniversaire. — Visite aux chutes du Zambéze. Kazoungoula, 25 juillet 1894. Voilà donc un de nos beaux rêves zambéziens qui s’est réalisé : la réunion à Kazoungoula de tous les membres européens de la famille missionnaire du Zambèze 1 C’est chose rare chez nous que de voir si parfaitement réussir des plans formés si longtemps à l’avance, caressés, anticipés et où chacun avait mis son coeur. Nous avions fixé les yeux sur cette réunion, comme on le fait sur un train express que l’on voit poindre dans le lointain. A peine Pa-t-on entrevu qu’il siffle, passe et disparaît. Notre réunion est déjà close. Déjà nous ne sommes plus au complet. Les amis Goy sont partis hier; demain ce sera le tour de ceux de la Vallée. On s’assied bien encore un moment ensemble pour causer, mais c est au milieu des emballages d’approvisionnements, des chargements des canots et des wagons et des préoccupations du départ. Etrangers et voyageurs, nous retrouverons-nous jamais tous ensemble? Peu probable ! Mais ce qui restera, c’est le souvenir tout ensoleillé de ces beaux jours. Dans ces régions lointaines, où la solitude morale et spirituelle s acharne sur nos pas, le présent est si monotone, si prosaïque que, involontairement ou non, nous vivons beaucoup dans le passé. Nous refaisons souvent les étapes où nous avons autrefois élevé nos Béthel et nos Ebénézer, et nous nous arrêtons de prédilection aux Elim où nous nous sommes reposés et où nous avons été bénis. Je ne sais pas pourquoi, mais j ’avais le coeur gros en quittant Léalouyi, et je n étais pas le seul. J’ai fait mes adieux avec le pressentiment que mon ministère était accompli. Jamais nos auditoires n’avaient été si nombreux, si réguliers, ni si attentifs. Jamais encore l’intérêt pour les choses de Dieu n’avait été aussi grand. Longtemps notre voix s’est perdue sans échos dans le désert; mais il nous semblait voir déjà les os secs remuer, et nous n’attendions plus que le souffle de l’Esprit de Dieu pour les faire revivre. Pourquoi quitter alors? Que trouverai-je à mon retour? Les gens aussi étaient tristes. C était bien différent d’autrefois. <r Que ferons-nous si longtemps UAUT-ZAMBEZE. ,6 2


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