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chantier ; on oublia jusqu’aux tambours. C’était une fuite. Je l’accompagnai un bout de chemin (1) en canot. Il y avait quelque chose de triste dans ce départ précipité. Ma termitière, un peu plus élevée que celle de la capitale, levait encore la tête, mais elle devenait tous les jours plus petite. L’eau avait envahi les huttes de nos ouvriers: et le pied de certains de nos bâtiments, le jardin s’affaissait et disparaissait sensiblement, et, de mon cabinet d’étude à l’église, il me restait à peine l’ësjpàce d’y faire la. promenade réglementaire des prisonniers. Que l’eau monte encore un pied seulement, et nous aussi devrons faire comme tout le mondé, mais à contre-coeur, car je m’étais taillé du travail, et il m’était plus facile d’évangéliser d’ici en canot que de Séfoula. En attendant, nous faisions mauvais ménage avec les rats et les serpents qui se réfugiaient sur notre talus "e i cès fourmis enragées, noires et rouges, qui ne l’ont jamais quitté. Et qu’elle est donc mélancolique, cette plaine submergée qui, de tous côtés, s’étend à perte de vue! Pas un son! Pas une âme! Pas un signe de vie ! Nyondo s'essayait à faire l’école pour une dizaine de garçons qui étaient restés au village et s'en tirait bien. Aidé de Jacob, nous nous partagions la tâche du dimanche. J’allais également à Nangoko, le village temporaire du roi; un trajet de trois heures pour aller, autant pour revenir, et que le vent rendait quelque peu désagréable' et dangereux. Mais au village déserté, nous pouvions toujours réunir de cent à cent cinquante esclaves, qui s’étonnaient fort — pauvres gens! — què nous pussions nous occuper d’eux. Heureusement ce temps n’a pas duré; les.craintes de nos amis ne se sont pas réalisées- L’inondation, arrivée à un maximum qui approcha bien de ma demeure, mais la respecta, commença à diminuer, et diminua rapidement. Et déjà, à mon retour de Séfoula, où je n’avais été que pour passer la Pentecôte ët mettre ordre à mes choses, le roi m’annonçait la bonne nouvelle de son prochain retour. Samedi dernier, le 19, j’acceptai avec plaisir l’invitation d’aller à sa rencontre et passer une partie du jour avec lui, dans sa Nali- konanda rafistolée et dont ils sont si fiers. Ce fut pour tout le monde un jour ■ de réjouissance. Je suis un peu habitué au tapage et au brouhaha des circonstances. Mais de voir ces foules d’hommes et de femmes se jeter de l’eau sur la tête, sur le corps, en poussant des iris forcenés pour saluer le roi, me faisait un étrange effet. J’aurais, si je n’en avais connu la raison, pris tout cela comme l’emblême de l’expression de la tristesse , et du deuil, tant il est vrai, hélas ! que même les joies de nos pauvres Africains sont tristes. L’école va recommencer et l’oeuvre reprendra sa marche régulière. Quel dommage que nous devions la quitter: dans quinze jours pour Kazoungoula et laisser Jacob et sa femme tout seuls ! SUR L/E H A U T - Z AM B È Z E .


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