autre, puis d’autres encore aux costumes de couleurs brillantes, et enfin la masse, la population noire, bontsou bd, comme on dit ici, comme si l’aristocratie était blanche, elle. Bientôt «: la place » de la station fourmille d’une foule loquace et bruyante. Léwanika, contre son habitude, arrive le dernier. Frère Ad. Jalla et moi, sans perdre de temps, partageons tous les gens en groupes et leur donnons, pour entrer, des directions très précises afin d’éviter une trop grande confusion. Un coup de cloche, et tout le monde, dans l’ordre prescrit, se rassemble une fois encore sur l’emplacement' de notre tabernacle qui a disparu. Après chant, prières et allocution où, après avoir rappelé les appels du dimanche précédent, je renouvelai force injonctions d’ordre et de respect, Léwanika, lui aussi, s’essaya à un petit discours. Il n’est rien moins qu’orateur, le pauvre homme, tout roi qu’il est. Il débuta mal. Il commença par interpeller le grand chef de Katouramoa, qui se trouvait gris, et se mit à dévider un long discours qu’il comprit peut-être lui-même, mais qu’il fallut couper. Il interpella ensuite le gambella, comme le représentant des chefs, et lui demanda pourquoi il empêchait ses gens de venir à l'église. Le gambella qui devrait être habitué à ces sortes de compliments, prit, ou feignit de prendre celui-ci comme tout personnel. Ne le méritant pas, il s’en offensa et fit respectueusement, mais fermement, la leçon à son royal maître. Le roi, démonté par ces deux répliques auxquelles il ne s’attendait pas, fit quelques remarques générales, recommandant aux gens de suivre la prédication de l’Évangile et d’envoyer leurs enfants à l’école. Puis, se remettant : « Quel est le blanc, s’écria-t-il avec feu, quel est le blanc qui se soit jamais donné la peine de construire des bâtiments comme celui-ci et qui ne soient pas pour leur usage exclusif, mais pour nous? Ne voyez-vous donc pas qu’il y a quelque chose dans la poitrine de ces hommes-là, les missionnaires? Que gagnent-ils à se fatiguer ainsi pour nous? Dites! Et vous, ba-Rotsi, qui méprisez leur enseignement et refusez d’envoyer vos enfants à l’école, êtes-vous donc si sages et si intelligents? Périssent nos coutumes et nos superstitions! Elles nous tiennent enchaînés dans les ténèbres et nous conduisent à la ruine! Je le vois, moi!... » Nous entonnâmes un cantique et entrâmes, moi en tète de la soi-disant procession, pour présider à l’installation de notre sauvage auditoire, pendant que Waddell faisait la police à la porte et frère Jalla au dehors. Adieu nos précautions et nos directions! Les chefs et les reines étaient à peine entrés que ce fut à la porte une presse indescriptible. Je l’avais prévu. Heureusement que nos chants couvrirent ce brouhaha. Et, quand le calme et le silence se furent rétablis, la vue de d’auditoire entassé dans ce vaste local avait quelque chose de saisissant. Nous commençâmes par le chant d’une prière nationale composée pour la circonstance. Puis, après une prière de dédicace, je m’attachai, dans une courte allocution, à bien faire comprendre à nos ba-Rotsi le caractère de ce bâtiment dédié au service de Dieu, et la base de notre enseignement, — la Parole de Dieu, vraie et éternelle., — bien autre chose que les légendes puériles du paganisme. Frère A. Jalla nous fit à son tour une chaleureuse prédication sur 1 Cor., II, 2. Je dis nous, car nous primes notre bonne part de ce lait pur et simple destiné à des gens qui ne sont encore que de tout petits enfants quant à la connaissance. Ne savoir que Jésus-Christ, c’est bien là la note qu’il nous fallait; c’est bien celle surtout de la vie missionnaire tout entière. Je ne parle pas de nos chants, que vous ne connaissez pas. Un jour, nous chanterons tous ensemble dans la langue du ciel le Nouveau Cantique, le cantique de l’Agneau ! Que ce sera doux et beau! bien autre chose encore que ce choeur de trente mille élèves des écoles du dimanche, et de je ne sais combien de milliers de grandes personnes, que j ’ai entendus dans les jardins du Palais de cristal, et qui est resté un des plus glorieux souvenirs que j ’aie emportés de l’Europe. Je n’ai pas besoin de dire avec quelle émotion j ’ai pris part à l’exécution du cantique (n" 214) que j ’avais fait pour la dédicace de l’église de Léribé. Le rapprochement et le contraste de ces deux cérémonies, à vingt-trois ans de date, était trop douloureux pour moi. Nous sortîmes de ce culte sous de bonnes impressions. Il avait duré deux heures. Mais l’attention et le sérieux se sont maintenus jusqu’au bout. C’est beaucoup pour des païens, c’est beaucoup surtout pour des ba-Rotsi. L’après-midi, après la grande chaleur, pendant que toute la nature ici semble sommeiller, le chemin se frangea de nouveau de bandes d’hommes et de femmes; et, à quatre heures., au coup de cloche, l’église se remplit, moins bondée gue le matin, pourtant. Nos chants furent presque tous les mêmes. Je parlai sur les pierres vives (1 Pierre, II). Ouvriers du Seigneur, nous aussi nous les cherchons, ces pierres vivantes, parmi nos chers Zambéziens. Notre ambition est de pouvoir en offrir au Maître pour qu’il leur trouve une petite place dans la construction de son édifice spirituel. Pendant que d’autres taillent, sculptent et polissent, nous, nous en sommes encore à déblayer la carrière, et nous ne savons pas ce qu’elle donnera. Mais, quelque rude que soit le travail, nous avons de l’espoir. Le déblayage aussi est nécessaire, et Dieu peut le bénir. Le soleil se couchait quand nous sortîmes de l’église, et c’est tout au plus si, aux dernières lueurs du crépuscule, nous pouvions encore distinguer le long ruban vivant qui disparaissait à l’entrée du village. Nous, dans la soirée, toute petite bande que nous sommes, nous nous HAUT-ZAMBÈZE.
27f 90-2
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