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Oui, mais c’est avec un douloureux serrement de coeur. Pour occuper Nalolo, force nous est d’abandonner presque notre cher Séfoula, et de le laisser entre les mains d’un évangéliste indigène. Nous n’avons personne à y placer. Deux fois déjà le renfort qui nous a été envoyé de Paris n’a été, au moment où nous nous préparions à le recevoir, qu’une amère déception. On nous dit bien d’espérer encore. Il y a longtemps que nous espérons. « L’espérance fait languir le coeur. » Et puis, quand ce quelqu’un viendra à Séfoula, je le crains, il n’y trouvera guère que des ruines!... Vous ne me pardonneriez pas de ne pas vous faire assister de loin à la dédicace de notre temple. C’est une fête qui, bien des semaines à l’avance, avait rempli nos pensées et fait l’objet de nos prières. Eh bien, c’est par un grand désappointement qu’elle s’est-annoncée. Nous comptions sur nos chers amis de Kazoungoula et de Séchéké ; ils nous l’avaient promis. Nous faisions de beaux plans et des rêves plus beaux encore. Ce n’est pas souvent que la famille zambézienne se trouve réunie et au complet. Les gens, le roi surtout, s’en réjouissaient avec nous, et nos écoliers exécutaient déjà avec entrain de petits chants de bienvenue. Nous attendions de grandes bénédictions. La poste arrive et nous giffle avec la nouvelle que la coqueluche avait causé inopinément l’effondrement de nos rêves. Nos amis ne viennent pas ! L’Afrique, toujours capricieuse, est le pays des mortifications. A quoi bon se presser à ne pouvoir plus respirer, maintenant ! Je retardai la fête, et c’est en mars au lieu de Noël qu’elle eut lieu. Toute la maisonnée de Séfoula arriva une dizaine de jours à l’avance, |— en canot, bien entendu, car la plaine était inondée. Quelle transformation de l’ermitage de Loatilé ! Quelle exubérance de vie et d’activité un peu partout, èt quel aimant pour mes paroissiens de Léalouyi ! Pendant que frère Adolphe, comme nous disons familièrement, est prêt, pour me soulager, à mettre l’oeil et la main à tout, ces dames prennent d’emblée sur elles tous les soins et les soucis du ménage. Elles se les partagent à leur gré, c’est leur affaire. Elles prennent aussi en main mes pauvres garçons qui font bien leur possible -S ce qui veut dire peu ; elles leur rappellent des leçons bien oubliées, hélas ! d’ordre et de propreté, et essaient d’étendre un peu leurs connaissances culinaires. Ça n’ira pas loin. Tout de même j ’en suis reconnaissant, et mes garçons aussi, apparemment. Ils sentent que, laissés à eux-mêmes, ils ne valent pas grand’chose, et ils ont fait beaucoup quand ils ont fait preuve de bonne volonté. Que leur demander de plus? Les journées sont bien remplies avec les travaux qui se'sont accumulés, les visites au village et les visites à recevoir ; mais il y a place aussi pour le coeur, du temps, ne fût-ce que le soir, sous ma petite véranda, pour les causeries familières et le chant de nos cantiques français, un écho de la patrie avec leurs émouvantes associations, mais une brise bienfaisante aussi qui élève nos pensées vers la maison du Père, où Dieu lui-même essuiera toutes larmes de nos yeux. Les services du dimanche, 3 mars, eurent un caractère de grande solennité. C’était la dernière fois que nous nous réunissions sous le tabernacle. Il a son histoire, le bon vieux tabernacle, maintenant tout en lambeaux. C’est ensemble, avec ces mêmes amis, que nous l’avons élevé, et dans des temps bien difficiles. Il nous a abrités pendant seize mois par beau et mauvais temps. Pour moi, le sol même m’en est sacré. M. Ad. Jalla prêcha sur la pêche miraculeuse, et moi, dans un second service, j ’aurais voulu tirer le filet. En promenant les yeux sur ce bel auditoire, dont la plupart des visages me sont familiers, vous étonnez-vous que ces dix années de mission au Zambèze passassent devant mon esprit comme une vision? Je faisais malgré moi un stage à Léchoma puis à Séchéké, puis à Séfoula..., tout autant de chapitres qui, avec de précieux témoignages de la bonté de Dieu, parlent aussi de travaux et d’épreuves. Je m’arrêtais à Léalouyi, je pensais à toutes mes prédications, à mes espérances évanouies, à ces combats connus de Dieu seul..., et, le coeur saisi de tristesse, je répétais avec les apôtres : « Travaillé toute la nuit... sans rien prendre !» Elle a été noire, longue et orageuse, cette nuit, vous le savez • le labeur a été incessant et dur... Et pourtant... rien! Faut-il céder à la tristesse et au découragement? Faut-il douter de la puissance de l’Évanqile que nous prêchons ? de la grâce de Dieu, qui pourtant a triomphé de la dureté et de la dépravation de mon propre coeur? Non, mon Seigneur. Moi aussi j’ai travaillé toute la nuit, sans rien prendre..., mais, sur ta parole, je jetterai encore le filet ! Le i 1 mars arriva. L’humble édifice que nous allions consacrer au service de Dieu est l’exacte copie de celui de Séfoula, seulement plus grand et mieux lait. La,scierie de nos amis de Glascow nous a rendu facüe un travail qui sans son secours, eût été impossible. Il n’est pas complètement achevé: pas de portes, pas de fenêtres; du fort canevas remplace les unes, et du calicot les autres; quelques bancs seulement, et une estrade avec une petite table au heu de chaire. Et puis, au-dessus de la plate-forme, contre le mur, en lettres argentées sur fond noir et encadré de verdure, ouvrage de notre soeur - M • Kiener — est mis en relief l’écho du sentiment qui remplit nos coeurs : Gloire a Dieu! — Khanya é bè go Motimo! - Oui, redisons-le bien haut • (jloire a Dieu ! Alléluia ! La journée s’annonce belle, quoique le ciel soit couvert de nuages. C’est la saison des pluies, mais il ne pleut pas aujourd’hui, et nous en bénissons Dieu. Dès les huit heures et demie, un petit groupe se dessine en dehors du village, escalade lestement la passerelle et longe la chaussée. En voici un


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