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Nous sommes un peu plus difficiles, nous. C’est à un étang d’eau vive que se puise l’eau du roi et la nôtre. Mais il est loin d’ici, cet étang. Il faut deux heures à un bon marcheur comme le sont les Zambéziens pour en apporter une charge de deux seaux, et encore arrivent-ils à moitié vides. Et qui nous garantit que les garçons de passage chez nous et sans conscience se donnent la peine d’aller si loin et ne puisent pas au premier trou venu? Hélas! l’odeur nauséabonde du café, les douleurs d’estomac et les coliques ne laissent souvent aucun doute à cet égard. Vous avez beau réprimander : le garçon d’aujourd’hui s’en moque, il finit son temps et vous quitte ; celui de demain fera la même chose, et c’est toujours à recommencer, si bien que pour l’amour de la paix vous finissez par vous taire. Mon établissement est, de nécessité, réduit aux proportions les plus modestes, et l’inconvénient que je signale n’a qu’une importance relative. Mais qu’une famille vienne s’établir ici, qui peut dire les difficultés énormes que lui créeront les besoins incessants du ménage le mieux organisé ? Ces considérations étaient plus que suffisantes pour me déterminer à me procurer un de ces tubes Wells si connus en Angleterre et dans les colonies depuis qu’ils ont rendu de si grands services dans l’expédition d’Abyssinie. Un don de généreux amis m’en a rendu l’achat possible. Comme la scierie et la machine à briques, il est arrivé ici — chose bien surprenante, je vous assure — au complet, sans la perte même d’un écrou. En le voyant, l’ami Waddell ne se possédait pas de joie. <r Deux heures, disait-il, et je l’aurai monté ! » Je lui donnai deux jours. Et, de fait, nous y avons travaillé l’un et l’autre sans répit du matin jusqu’au soir pendant .deux semaines ! C’était un tuyau qui se fendait, un autre qui se brisait sous les coups redoublés du marteau; il fallait donc scier, et à plusieurs reprises refaire le pas de vis. Et puis, en définitive, après toutes les alternatives de crainte, d’espoir et de grandes fatigues, nous n’avons pas réussi ! — Je ne suis ni géologue pratique, ni mécanicien, et, dans mon ignorance, j’avais sottement compté que je trouverais abondance d’eau pure à quinze ou vingt pieds de profondeur. L’observation la plus superficielle aurait dû me faire prévoir un résultat différent. Car c’est précisément à ces profondeurs que se trouve une couche d’argile imperméable, et, à moins de la traverser, impossible d’y trouver de l’eau. On devine avec quels battements de coeur je sondais mes tuyaux à mesure qu’ils s’enfonçaient, et finis par visser le dernier qui s’enfonça lui aussi. Je sonde encore : cinq pieds de sable ! La peine que nous avons eue à pomper cë sable ! A force de persévérance, nous en vînmes à bout, et notre joie se comprend quand je constatai quinze pieds d’eau dans le tube. Elle fut de courte durée, toutefois, car cette eau — et ce n’était qu’un demi-seau — une fois pompée, le puits était à sec jusqu’au lendemain. Impossible -d’aller plus profondément, je n’avais plus de tuyaux. L’inondation n’y a apporté aucun changement, l’eau n’est pas montée d’un pouce. Si nous pouvions creuser un puits, un vrai puits, comme M. Paton, à Tana, dans les îles de la mer du sud! SU... mais avec des si que ne ferait-on pas? Quand même, je n admets pas que mon puits soit un fiasco complet. Avec des tubes additionnels j j ’espère encore qu’un jour l’eau pure et fraîche jaillira en abondance suffisante pour les serviteurs de Dieu qui occuperont ce poste si peu enviable au point de vue matériel. Du mois de juillet jusqu’à la fin de décembre, nous avons vécu dans des alertes continuelles. Des rumeurs vagues d’abord, et toujours contradictoires nous arrivaient d’en bas. Il s’en détachait le fait indubitable d’une invasion des ma-Tébelé dans le pays des ba-Toka. Des témoins oculaires racontaient U S BÜ I n etait Jue tr0P vrai If)- qu’ils avaient saccagé les champs, incendié les vdlages, mulüé et massacré les hommes, empalé les femmes enceintes rôti vifs de pauvres petits enfants pendus par les pieds, assouvi en un mot leur soif de carnage et commis des atrocités sans nom que la plume se refuse à décrire. On ajoutait que, saisis de terreur, tous les gens d’en bas, les chefs les premiers, s’étaient enfuis dans les bois et sur les îles du fleuve, les forteresses, de ce pays; que les ma-Tébélé avaient saccagé Kazoungoula et Séchéké et s avançaient vers la capitale à marches forcées. Qu’étaient devenus les nôtres au milieu de cette bagarre? Personne n’en disait mot. Je réussis à grand’peme à obtenir un messager du roi; mais il arrivait à peine à Séchéké qu’il jetait nos lettres, et je ne l’ai plus revu depuis. C’était un samedi soir, à 10 heures, le roi venait de me quitter, quand il reçut ces nouvelles qu’il s’empressa de me communiquer. Les tambours de guerre commencèrent à battre et, comme c’est la coutume, les hommes se mirent à pousser des cris, des hurlements affreux. Quelle nuit ! Le lendemain tous ceux qui le pouvaient prirent la fuite. Les chefs tinrent conseil et décidèrent d’aller à la rencontre de l’ennemi. Toute la semaine, on assiégeait le roi pour de la poudre, et certes il n’en avait pas une provision inépuisable ! On fourbissait les javelmes, on faisait des boucliers, on forgeait des balles de fer ; tandis que les hommes, accourant de tous côtés, chantaient leur valeur sur la place publique et simulaient des combats. Au dernier moment, les chefs — ô les braves ! — voulurent se raviser et trouvèrent qu’il serait plus sage de se retirer sur les îlots. « Et alors! qu’ils viennent, ces ma-Tébélé, ils verront ce que sont les ba-Rotsi.!... s Le conseil fut orageux. Le roi, irrité, déclarait qu se mettrait lui-même en campagne. Les chefs cédèrent, et allèrent camper a Mongou, à 8 ou 10 kilomètres d’ici. Mais, au bout de quelques jours ne pouvant réunir un nombre suffisant de guerriers, ils rentrèrent à leurs loyers. Léwamka, vexé, rassembla à force de menaces un assez grand nombre


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