LI La poste. — Travaux matériels. — Les ponts et chaussées au Zambèze. — L’mondation. — L eau potable. — Bruits de guerre. — Les ba-Rotsi en campagne. — L’oeuvre spintueüe. — Le temps des semailles. - Légèreté et superstition. — Léwanika et le sentiment du pèche. — L évangélisation de maison en maison. — Mokouaé. — Un missionnaire pour Nalolo! — Dédicace de la chapelle de Léalouyi. — Fête des écoles. — Les méthodistes. — Les ma-Tébélé. — Tournées d évangélisation . C’était samedi, neuf heures du soir. Nous venions de quitter notre petite réunion de prières, quand on m’annonça un messager de Séfoula. « Ah! bon, la poste enfin! » Eh! oui, c’est bien la poste, cette poste si anxieusement attendue depuis des semaines. J’ouvre le paquet, qui n’est pas gros... Rien d’Europe ! Désappointement. Je déchire' les enveloppes de Kazoungoula, de Séchéké et de Séfoula... Je perds l’haleine! Ai-je bien lu? Oui. « Tout notre courrier de mars englouti dans les rapides de Mambova, et à jamais perdu!...» La correspondance des Ad. Jalla, de M11’ Kiener et la mienne# mes lettres d’affaires et chèques, un billet de banque, ma longue lettre à vous « mes amjs s — le tout perdu, et perdu sans espoir ! J’en suis consterné. Pourquoi Dieu permet-il ces malheurs pour une correspondance qui, de part et d’autre, est l’objet de tant de solbcitudes et de prières? Ce qui complique extrêmement la vie missionnaire au Zambèze, plus que partout ailleurs, ce sont les travaux manuels. Nos rapports et nos lettres en font foi. Non seulement nous n’avons pas, à l’exception de Waddell, le secours d’artisans, mais ü ne nous est pas possible d’obtenir comme ailleurs le secours d’hommes du métier et même de vagabonds européens. Il n’y en a point dans la contrée. Aussi me suis-je souvent étonné que nos demandes et les appels de notre comité n’aient pas encore provoqué une seule vocation sérieuse pour le Zambèze, dans les Égbses de langue française, parmi les artisans jeunes et vieux. Je gémis pour ma part de voir mes collègues, encore dans la force de 1 âge, faute de secours, user les meilleures années de leur vie à de rudes travaux qu’ils n’ont jamais faits, dans un climat débilitant et meurtrier, et au détriment de l’évangélisation. On a beau viser à la simpbcité et se contenter de peu : dans un terrain comme celui-ci, où tout est à créer, ces travaux s’imposent et forment un des facteurs importants de l’éducation civilisatrice du peuple qui nous est confié. Sans M. Waddell, je n’aurais pas pu songer à entreprendre là fondation d’une nouvelle station. Nous comptons ici par saisons et par années, comme vous le faites en Europe par semaines et par mois. Tous lès travaux manuels doivent être exécutés (j’entends ceux du dehors) dans un temps donné, c’est-à- dire pendant la saison sèche. La saison des pluies, suivie de l’inondation, les rend, pour plusieurs mois, à peu près impossibles. Il faut donc s’ingénier pour étirer en quelque sorte à l’extrême les mois, les semaines et les'jours mêmes de la bonne saison, pour les faire cadrer avec les travaux de rigueur. J avais à coeur de construire le presbytère de Léalouyi, pas pour moi sans doute, mais nécessaire quand même. Je fis accidentellement, un jour, la triste découverte que presque toute la provision d’herbe de toiture que j ’avais faite a Séfoula était pourrie. C’était un peu tard, la plaine était alors en feu, et dans nos jungles rien n’arrête ces épouvantables conflagrations, rien n’y échappe. Léwanika, pour m’aider, s’empresse de faire savoir que le morouli a besoin d’herbe. On m’en apporte bientôt de ci, de là; mais des gens nés marchands et chicaneurs ne manquent pas l’occasion de prendre avantage de ma détresse. Cela se fait ailleurs, si je me souviens bien. Une gerbe, disons une bonne poignée, un setsiba, deux mètres et demi d’étoffe ! C’est à prendre ou à laisser. Pas d’hésitations, je la laisse. Il faut donner à nos ba-Rotsi des leçons de morale. Aussi bien, j ’enfourche Grisette et me rends à Séfoula. Je pubbe mes prix, qui sont de circonstance. C’est une émulation générale, et chacun de se mettre à l’oeuvre à qui mieux mieux. Sur la Hsière des bois, aux bords des fossés, cà et là on la recueille poignée à poignée, brin à brin, la précieuse herbe qui, comme par miracle, a échappé aux flammes. En trois semaines la provision est faite. Je ne pus, bien entendu, rester tout ce temps-là loin de Léalouyi. .C’est M”' Ad. Jalla qui s’est, de bonne grâce, chargée des tracasseries et des ennuis de ce marc hé.H- Et ce service, agréable seulement quand il est fait pour les autres, n’est pas le seul, certes, pour lequel je lui sois obbgé. Nous avions la famine, non pas la famine de Kazoungoula qui a fait des victimes, mais une rareté de vivres telle que les amis de Séfoula se sont vus obligés de diminuer le personnel de leur établissement. Je ne pouvais guère le faire, moi, à moins d’arrêter complètement les travaux. Mes provisions de l’année précédente épuisées, Mm* Ad. Jalla fut encore ma providence. Que de fois je me demandais ce que je donnerais le soir à ma troupe d’ouvriers, quand arrivait à temps de Séfoula un peu de farine de manioc! Et ces amis m’envoyaient tout, ils ne gardaient rien pour eux de réserve. Ils vivaient au jour le jour; après le repas du matin, ils s’attendaient à Dieu pour le repas du soir. Eh! bien, soit
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