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ments est ruineux, que des boeufs non dressés et de race étiolée ne peuvent pas se comparer à ceux de Mangouato ; nous avions beau protester que nous n étions pas des marchands, que les boeufs de nos wagons et nos vaches à lait nous suffisaient amplement, que personne au monde ne pouvait nous forcer — à ses prix — d’acheter ce dont nous n’avions pas besoin ; en vain 1 assurions- nous souvent que nous n’avions pas ce qu’il exigeait; rien n’y faisait. Les chefs et les gens mêmes s’irritaient ou prétendaient s’irriter de notre insubordination! 11 n’est pas de menaces qu’il ne nous ait faites, pas d injures qu’il ne nous ait prodiguées, pas de ruses qu’il n’ait employées m de pièges qu’il ne nous ait tendus. Et de toutes ces avanies, comme l’aîné de tous et le plus près de luijfeus aussi la plus grande part. Mes bontés et mes égards mêmes lui inspiraient de la défiance. Nous eûmes avec lui des entrevues bien oraqeuses. Celle du io mars, où comparaissaient aussi nos amis méthodistes Buckenham et Baldwin, fut la plus terrible; ce fut aussi la dernière. 11 finit par comprendre que chez nous ce n’était ni entêtement ni mauvais vouloir, mais affaire de principe. Bientôt après, il reconnut ses torts et céda. Depuis lors, nos rapports sont devenus de plus en plus agréables. Je le visite cela va sans dire, mais il aime à venir de temps en temps passer une partie du jour chez moi, pour avoir « un tête-à-tête tranquille », ce qui n est pas possible chez lui. N’étaient les amers désappointements que nous avons eus la léqèreté et la duplicité du Zambézien, n’étaient celles de Léwanika lui-mêmeï l e croirais parfois que cet homme n’est pas loin du royaume de Dieu II connaît la vérité, il aime les choses de Dieu, il se sent attiré par elles; mais son coeur n’est pas encore touché, sa conscience n est pas réveillée. Redoublons d’instances dans nos prières, et Dieu nous exaucera: Léwanika deviendra chrétien. Cependant, je n’avais pas encore réussi à amener les femmes à la prédication de l’Évanqile, et cela me' désolait. Du moment que les princesses ne venaient pas, aucune autre n’eût osé le faire. Nous élargîmes notre tabernacle en vue d’elles, je me mis à les visiter, et pour qu elles ne s abritassent nas derrière le roi, je plaidai avec elles devant lui, tant et si bien qu elles finirent par céder. Un jour je les vis venir, dans des toilettes impossibles ; mais à la vue du roi et de l’auditoire, leur courage faillit et elles se sauvèrent dans la cour de l’évangéliste. Un autre jour elles vinrent, mais se cachèrent derrière la cloison de roseaux de notre tabernacle. Une autre lois, l’évanqéliste et M. Waddell parvinrent à les faire asseoir de profil à distance de l’assemblée. Le dimanche suivant, elles arrivèrent tard, comme toujours, pendant que nous chantions, et les esclaves déroulaient bruyamment et avec ostentation les nattes, tout là-bas. Je quittai ma place, - je descendis de chaire si vous voulez - allai vers elles, pris les nattes et les étendis plus près de moi, à ma gauche. Les pauvres dames de se regarder avec stupéfaction, de me regarder ensuite d’un air suppliant pendant que le roi riait de bon coeur, et que la congrégation, pétrifiée d’étonnement, avait cessé de chanter et gardait un silence morne, les yeux fixes, bouches béantes. Je restai impassible et, sans dire mot, leur fis signe de s’asseoir. Elles s’assirent enfin, et le service continua. La victoire était remportée. Depuis lors, celles qui viennent s’asseoient toujours là, et je n’ai pas d’auditeurs plus attentifs. Il y a bien encore les nattes qui m’offusquent. Chacune de ces dames, chaque enfant de sang royal doit avoir sa natte avec une bonne marge tout autour. Mais patience, les jours des nattes aussi sont comptés ; elles disparaîtront à leur tour, et princes et princesses apprendront à s’asseoir comme tout le monde dans la maison de Dieu. Outre les femmes, c’est la jeunesse que j ’aurais voulu atteindre ; mais comment? Profitant des bonnes dispositions du roi, je lui parlais un jour du désir que j ’avais de commencer l’école — « Eh bien, fit-il, fixe un jour !_ Demain*!- Bon, demain donc. » Le lendemain, un lundi, c’était un vilain jour d’hiver, je regardais tristement la nappe d’eau et le marais entre nous et le village, et je me demandais si je n’avais pas été un peu téméraire. Je sonnai la cloche quand même, et bientôt des bandes d’enfants, des grands garçons et des jeunes filles accouraient du village, et, les uns en canots, les autres brassant l’eau et pataugeant dans la boue, arrivaient tout haletants, et se plantaient devant nous. Kè rôna ! nous voici ! s’écriaient-ils, comme si depuis longtemps ils avaient attendu le signal. Un homme plus posé nous les présentait au nom du roi. C’étaient surtout ses serviteurs, ses enfants avec leurs nombreux suivants. J’écrivis plus de soixante-dix noms, et peu de jours après, le nombre en avait dépassé cent soixante-dix! Je m’attendais à une grande diminution quand, aurait passé l’attrait de la nouveauté. Et diminution il y eut en effet. Mais jusque tout dernièrement, nous avons eu en moyenne cent dix à cent douze élèves. Par nécessité autant que par principe, j ’ai laissé la responsabilité de cette école à notre bon Jacob et à son excellente femme, un beau don de Morija que nous apprécions plus que je ne saurais dire, et dont nous sommes reconnaissants. Mon cher frère Adolphe Jalla m’a cédé les services de l’évangéliste P. Kanédi, qui est venu développer des dons pédagogiques que je ne lui connaissais pas, et moi-même les aidant dans la mesure du possible, l’école s’est maintenue pleine d’intérêt et de vie malgré nos circonstances encore peu favorables. Le fond de l’enseignement, c’est l’histoire biblique nécessairement, la lecture, l’écriture et un peu de calcul. Mais j ’attache au chant une très grande importance. A mon point de vue, il ne le cède qu’à la Bible. L’expérience


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