rober aux regards du vulgaire ! Donc ni Mokouaé, qui avait pourtant mis pour l’occasion sa belle robe rùuge, ni aucune des princesses, ni aucune autre femme, ne peut se montrer. Désappointement pour moi. La congrégation du soir sera meilleure ; c’est généralement le cas. Entre les deux réunions, je me rends au camp. Mais à qui m’adresser pour rassembler les hommes, puisque tous les chefs sont au village ? Dieu me dirigera. Je vais tout droit devant moi. Eh ! voyez donc ces hommes qui sautent à ma rencontre, me saisissent les mains et me saluent en vieux amis ! C’est une feu croisé de salutations : « Louméla morouti! Louméla riêtaté oa ronal — Louméla Lécholi! Louméla Kasimba! Loumélal » Vous l’avez dit, ce sont de mes voisins de Séfoula. Bon coup de cloche qui réussit à merveille. Pendant que nous échangeons les grosses nouvelles, il se fait déjà un rassemblement. Puis j ’entonne un cantique que des voix puissantes font retentir au loin. C’est mon second coup de cloche, et le plus fort. On accourt des extrémités du camp, et j ’ai la joie de prêcher à un auditoire nombreux et attentif. J’avais fini qu’on arrivait encore, la foule s’était doublée. Donc, un nouveau chant et un second discours, puis l’Oraison dominicale, répétée à genoux par ces centaines d’hommes, clôt cette intéressante réunion. Je remarquai que les prisonniers de guerre, femmes et enfants ba-Loubalé, s’étaient groupés tout près de moi. Ils n’avaient probablement jamais encore vu de visage blanc. J’adressai par un interprète quelques paroles à ces pauvres créatures, qu’elles reçurent avec force claquements de mains, puis je pris congé au milieu des salutations et des remerciements de tout ce monde. De là, allons dans une autre direction visiter une cinquantaine de ma- Choukouloumboué. C’est une ambassade que Nachinto, la cheflèsse dont je vous ai déjà parlé, a envoyée à Léwanika. Le fils de cette femme influente, Samoenda, avait dans sa jeunesse été enlevé par les ma-Kololo. Aujourd’hui c’est un homme dans la force de l’âge et d’une certaine position sociale parmi les ba-Rotsi. Léwanika eut l’heureuse idée de l’envoyer visiter sa mère qui vit encore et qui ne l’avait jamais revu. Nachinto reconnut son fils et, touchée de cette délicatesse, elle le renvoya avec cette ambassade et un présent de bétail pour le roi. J’eus donc avec ces ma-Choukouloumboué, qui m’intéressent tant, un entretien dont on comprend la nature. Pauvres gens! « Nous avions bien entendu parler du morouti — on ne me connaît que par ce nom — maintenant nos yeux l’ont vu. » — Aurai-je jamais la joie, avant de quitter ce monde, de voir l’Evangile pénétrer chez eux? Nous travaillons, nous prions, espérant toujours qu’il plaira au Seigneur d’ouvrir cette porte pour nos frères méthodistes. Ah ! si nous étions plus forts I si nous étions plus riches !... si... Aux instances de Léwanika, je me décidai à prolonger mon séjour à Léalouyi jusqu’à la fin de la semaine. Il disait avec raison qu’il n’avait pas le temps de me voir dans la journée. Il se dédommageait en venant, après le coucher du soleil, partager son dîner et passer la soirée avec moi. C’est un retour des temps passés, de ces temps dont le souvenir m’est si doux. Pendant quatre jours consécutifs, du matin jusqu’au soir, il était entièrement absorbé par le partage du butin: les malheureux prisonniers, désormais réduits à l’esclavage. J’eus la curiosité de voir comment il procédait. Je me gardai bien d’aller comme de coutume m’asseoir auprès de lui. J’évitai même de m’asseoir, pour qu’on ne se méprît pas sur les motifs de ma présence. G était, ni plus m moins, un partage de bétail humain, qu’il est impossible de voir de ses yeux sans en éprouver un douloureux serrement de coeur. Je ne m étais jamais encore senti si près d’un marché d’esclaves. Représentez- vous des milliers de ba-Rotsi accroupis en cercle devant le roi et les principales sommités du pays ; au milieu, entassés les uns contre les autres, sont des centaines de ces infortunés prisonniers. Parmi eux, pas un homme! pas de jeunes gens! et pour cause. On ne fait jamais un homme prisonnier. On le tue, et on l’éventre. Pas même de vieilles femmes ! Qu’en ferait-on ? Ce sont des jeunes femmes, dont un grand nombre avec des bébés sur le dos • ce sont des jeunes filles et une multitude d’enfants de tout âge, depuis un an jusqu à douze, et des deux sexes. Voici une bande après une autre, six ou sept à la fois, qu’on fait lever et s’approcher, et qui sont soumis à une inspection minutieuse, pendant que ces milliers d’yeux sont braqués sur eux avec une cupidité éhontée. Les femmes, amaigries, intimidées, dune saleté pour nous révoltante, baissent généralement la tête. Elles sont, selon leur coutume nationale, dans un état de nudité qui provoque les remarques obscènes et les rires de la multitude. Grande consultation là-bas sous le pavillon; puis un chef s’avance vers les malheureux pour exécuter le bon plaisir du roi. L’enfant à la mamelle, petit être infortuné, est laissé pour quelque temps du moins au sein de sa mère. Mais tous les autres qui peuvent déjà marcher sont tout autant d’animaux domestiques que l’on distribue à droite et à gauche. Pauvres enfants, plus de père ni de mère pour eux! Mais ils s y feront, et un jour eux aussi, comme ces hommes ' d’aujour- d hui, mettront leur plaisir et leur gloire à faire des orphelins ! Voici un petit enfant de trois ans à peine qu’on arrache des bras d’une jeune femme. Il cne, il gigote, se dégage et court au milieu de la foule, tout perdu et pleurant après sa mère qu’on a déjà emmenée. Rien de plus amusant que ce spectacle! « Assomme-le donc! , criait-on en riant à son maître LUI comprenait mieux que cela ses intérêts, et il eut bien vite raison du petit récalcitrant. C est maintenant le tour d’une autre jeune mère. « Enlevez- lm cet enfant! » apparemment son premier né. Mais elle, oublieuse de sa
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