ne m’égarasse et n’eusse à passer la nuit sans abri, il avait envoyé ces jeunes gens avec deux canots à ma recherche, et avait eu la délicate pensée de m’envoyer une bouillotte de thé avec le précieux réchaud. Bientôt après, nous étions au port. Dix minutes de marche à pied sec, et j ’arrivais dans ma cour où — un grand luxe iciGk pétillait un bon feu. Après avoir échangé une bonne poignée de mains et quelques paroles amicales avec Léwanika qui m’attendait, nous nous souhaitâmes le bonsoir. Je tirai la natte de ma porte, et allai chercher dans mes couvertures humides un peu de chaleur et de sommeil. Il était près de minuit. Je n’oserais pas dire que ma visite fut inopportune. Non; mais j ’eus plus l’occasion d’observer que d’évangéliser directement. La reine Mokouaé, de Nalolo, était encore là en visite. Elle est ma voisine, car nos cours se touchent. Dès le lendemain matin, elle me faisait l’honneur de venir partager mon déjeuner avec son espèce de mari, qui ne la quitte guère plus que son ombre. Elle devait partir ce jour même pour retourner à Nalolo. « Mais, ajouta-elle sur un ton doucereux, puisque notre père est arrivé, il n’en saurait être question. Je ne partirai que lundi. » Je lui en sus gré à cause du dimanche. J’apprends aussi qu’un corps d’armée de trois mille hommes environ vient d’arriver, mais, selon la coutume du pays, il est encore campé à distance dans la plaine. Léwanika l’avait envoyé en avril pour « châtier » les ba-Loubàlé qui, par leurs incessantes attaques sur leurs voisins, compromettent la sécurité publique. Le retour de cette armée expéditionnaire est un événement. Pour la recevoir, le roi s’est fait dresser un pavillon de nattes en dehors de la ville. Vers les dix heures, les tambours annoncent qu’il' est prêt. Une masse noire qu’on aperçoit dans le lointain, s’ébranle alors, s’avance lentement, et s’arrête à distance pour rendre hommage au souverain, en passant par toutes les phases de la salutation d’usage. Puis cette masse compacte se décompose, et forme différents pelotons qui se mettent en devoir de représenter la guerre qu’ils viennent de faire et qui les a couverts de gloire ! Ici — moins qu’au Les- souto pourtant'^ chacun chante ses exploits. Le coup d’oeil a du pittoresque. Chacun est chamarré à sa manière; les plumets de toute espèce abondent, les peaux de tigre et les morceaux d’étoffe qu’on a soigneusement conservés pour l’occasion. Et ces couleurs variées, éclatantes, qui s’agitent, se combinent à l’infini par les contorsions et les évolutions bizarres, les sauts et les courses, font l’effet d’un gigantesque kaléidoscope. Ainsi se passe la plus grande partie du jour. Puis les chefs en corps, que des messagers amènent par petites étapes avec force claquements de mains, s’approchent et attendent comme des statues l’ordre de faire leur rapport. Ils sont admirables de laconisme, ces gens-là. Leur discours microscopique, qui, par bienséance, devait passer par plusieurs bouches pour arriver aux oreilles.royales, n’a pas duré un quart d’heure! Et ces braves gens ont tout dit : leurs divers contre-temps, la peur des ba-Loubalé qui, à leur approche, se sont sauvés dans les bois; la mort de vingt-six ou vingt-huit chefs ba-Rotsi de tous grades, — on ne parle pas des esclaves — le riche butin qu’ils apportent ou amènent avec eux un unique troupeau de bétail, des armes, un grand nombre de femmes et d’enfants, s-A^et puis, et surtout, hélas! la petite vérole, qui a déjà fait de nombreuses victimes et qui sévit encore au camp!... Léwanika aussi fut sobre de paroles pour exprimer son approbation; mais, ce qui valait mieux que discours et éloges, d leur donna quinze boeufs à tuer. Bientôt la nuit vint ; les feux du camp, comme une petite ville illuminée, brillaient et pétillaient de tous côtés et le brouhaha de toute la nuit nous disait que M. Gaster, si puissant au Zambèze -S e t ailleurs 5 était satisfait. Cela se passait le samedi. Quel dimanche aurons-nous ? C’est une grande préoccupation. La journée s’annonçait belle. Le vent soufflait bien un peu, et je craignais que Léwanika, prétextant une névralgie au visage dont il souffre, ne s’absentât du service. Je lui fis une visite matinale et le trouvai dans les meilleures dispositions. Il avait déjà donné des ordres pour qu’on lui préparât un abri. Je me promenais, méditant, attendant l’heure de la réunion, quand, à ma consternation, je vis une partie des guerriers, qui ont leurs domiciles ici, s’avancer et faire leur entrée dans la ville. Ils s’arrêtèrent longtemps, massés sur la place publique. Ce fut le signal d’une surexcitation générale, qui s’accrut encore et atteignit son paroxysme quand, après s’être agenouillés et avoir claqué des mains, ils se dispersèrent chacun chez soi. Les femmes, qui s’étaient groupées dans les ruelles, se croisaient maintenant avec les hommes dans tous les sens, poussant des cris stridents à vous faire boucher les oreilles. Elles allaient assiéger à tour de rôle la cour de chaque personnage important — et tous les personnages ba-Rotsi sont importants,^ et le gratifier de leur sérénade, tandis que celui-ci, trônant sur une natte ou sur un siège, recevait les félicitations, les baisers de mains et les délicats crachottements de ses proches. Ces cris aigres, ces salutations cadencées, ces chants mineurs, tout ce va-et-vient surexcité, ce bruit ce vacarme, finit par donner sur les nerfs et nous inspirer la mélancolie ’ De réunion, pas question. Attendons; nous avons beau attendre. Lors même que le calme se rétablit un peu et que le roi fait battre ses tambours nous n avons qu’un auditoire minuscule. Les préoccupations sont ailleurs Et H ; ,Wan , ne S’eSt"1' pas avisé de prendre possession du hanqar, du lélchothla ou s asseoient généralement les princesses ses femmes, pour se dé
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