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Nous avions dû nous séparer quelques semaines auparavant ; elle, pour aller à Harrysmith, en wagon, chercher du bois de construction, et moi, chevaucher parmi les Eglises pour une mission spéciale. Mais nous nous étions donné rendez-vous à Léribé pour le 26 février. Toutes les rivières étaient gonflées ; malgré bien des difficultés et des aventures, je fus fidèle au rendez- vous. Elle y aurait été aussi. Mais le Galédon coulait à pleins bords. Le wagon était là, sur le rivage, et les nuages s’amoncelaient toujours. Je pris une grande résolution. Le chef Molapo me choisit six ou huit bons nageurs bien connus, et, avec une troupe de jeunes gens, sous la direction de Natha- naël Makotoko, j ’allai au Galédon. Les pourparlers ne furent pas longs. Elle passa une robe de laine, descendit à la rivière torrentielle, se livra calmement à deux vigoureux Zoulous qui la soutenaient sous les aisselles. Des Zoulous nageaient devant et derrière elle, tous les jeunes gens du village, en aval et en amont, dans l’ordre le plus parfait, et le cortège lutta contre le courant rapide de la rivière débordée dans le plus profond silence. On ne lui voyait que les épaules hors de l’eau. Dire ce que j ’éprouvai pendant cette traversée, non! Je pensais à Ghristina traversant le Jourdain... Une fois arrivée enfin au bord, je la reçus; tous nos hommes et nos gens disparurent. Elle mit son amazone, et, peu d’instants après, la joyeuse et bruyante cavalcade arrivait à notre petite hutte de mottes, large de deux mètres. C’était le temps des petits commencements à Léribé. Maintenant elle a traversé le grand Jourdain. Je l’ai accompagnée jusqu’au rivage : je n’ai pas pu aller plus loin. Le palais de gloire a ouvert ses portes pour elle, et j ’ai entrevu la splendeur qui s’eri échappait. Mais elles se sont refermées. Elles se rouvriront bientôt, et je la rejoindrai. Plus de séparation alors, plus de deuil. Il essuiera toutes larmes de nos yeux... Détresses et déHvrances — En canot à Léalouyi. — Bonne réception. — Cérémonies militaires. — Un dimanche à la capitale. — Un marché d’esclaves. — Jusques à quand ? Séfoula, 26-3o mai 1892. Encore un orage !... Les orages, au Zambèze, comment donc se forment ils? Ils'sont si fréquents, si imprévus, si menaçants!... A peine l’un a-t-il passé sur nos têtes, qu’un autre s’est déjà formé et gronde à l’horizon. Quellé- atmosphère que celle-ci, où les nerfs n’ont pas le temps de se détendre ! Oh ! puissions-nous aussi posséder en plus grande mesure cette sagesse qui vient d’en haut, pour nous conduire comme il faut envers ceux du dehors (Col. IV, 5)1 Et pourtant, il nous semblait que le vent avait balayé les nuages et que, pour la première fois depuis assez longtemps, notre ciel était redevenu pur et bleu... En effet, à la mi-avril, j ’étais revenu de Léalouyi, Constatant âvèc reconnaissance l’exaucement de prières.ardentes et spéciales. Nous étions, presque sans nous y attendre, délivrés de ces hommes fâcheux et méchants (2 Thess., III, 2), qui ont si sérieusement entravé le libre cours de la parole du Seigneur; le roi s’était rapproché de nous et il avait aplani toutes les difficultés qu’il avait précédemment opposées à notre installation à la capitale. Par trois fois, et chaque fois pour une meilleure, il avait changé la pirogue dont il m’avait fait présent. Il me fournit même, <t par amitié » et Sans qu’il fût question de paiement, cela va sans dire, des canots pour chercher nos approvisionnements à Kazoungoula. Tout allait donc pour le mieux, comme dans le meilleur des mondes. Malheureusement, notre frère Buckenham, le chef de l’expédition des méthodistes primitifs, devait aller à Kazoungoula pour ses affaires et jugea l’occasion trop bonne pour la manquer. Sur mes conseils, il demanda un canot à Léwamka et, comme je prévoyais un refus, j ’avertis celui-ci qu’à la rigueur M. Buckenham pourrait descendre dans mon propre canot, s’il ne lui était pas possible de lui en procurer un. Le roi répondit d’une manière évasive, et M. Buckenham partit avec mes gens. Dès qu’il l’apprit, Léwanika ne se contint pas de colère. Nous l’avions frustré d’une bonne somme d’argent sur laquelle il comptait déjà. « De quel droit avait-il donc, le morouti,


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