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1 Nous avons eu le mariage de Litia. Nous n’avons rien épargné pour rendre cette fête heureuse et brillante. Heureuse et brillante, elle l’a été à souhait, grâce à Dieu, et je suis sûr qu’on en parlera longtemps. Pour nous, elle a un aiguillon qui m’est resté au coeur. Le croirait-on? Non seulement la^ reine, au coeur jaune elle aussi, m’enleva brusquement un soir, et sans m’en avertir, le gardien de mon bétail, un jeune homme de confiance qui, du consentement du roi, était mis à mon service, ce qui me jeta soudainement dans ùne grande perplexité. Mais Léwanika lui-même profita de sa visite pour avoir des tête-à-tête avec André et s’assurer définitivement sa proie. Huit jours plus tard, pendant qu’il me comblait d’égards à Léalouyi où j ’étais allé passer quelques jours, ü envoyait à André, toujours secrètement, car rien ne se fait en plein jour ici, l’ordre de se tenir prêt, et le surlendemain de mon retour à Séfoula, un canot venait sommairement le chercher. Ce coup de foudre nous bouleversa tous. André, tout honteux, déclarait lui-même n’avoir aucune raison pour me quitter. Il ne faisait pas même valoir le seul prétexte dont, à la rigueur, il eût pu se servir : mon refus péremp- toire, mais motivé, de lui donner la chambre de Litia. Non. Mais quitter, il le fallait néanmoins. Et tout ce que nous pûmes dire vint se briser contre ce rocher. Le lendemain matin, ses paquets étaient faits, et avant midi il était réellement et définitivement parti ! Autour de nous l’étonnement est général, car lors même qu’on savait de longue date les menées du roi, et qu’on est habitué à sa manière d’agir avec ses propres sujets, on croyait encore qu’au dernier moment il hésiterait à me prendre un garçon qu’on considérait comme mon enfant. Pour moi, c’est un deuil, et un deuil dur à accepter à cause de la duplicité dont j ’ai été la victime. Adieu donc le rêve de faire de notre premier converti un bon évangéliste 1 II va, hélas ! monter rapidement l’échelle sociale. Le roi, qui l’honore de sa confiance, lui a immédiatement donné un établissement indépendant, maison et esclaves, et pleine liberté de se pourvoir à sa cuisine privée, quand il ne le nourrit pas de sa propre main. Bétail et village sont en expectative, et surtout ce par quoi il l’a depuis longtemps mais en vain tenté, une femme! Qui sera-t-elle, cette femme? Une simple esclave, ou une fille de sang royal? Nous le saurons bientôt. Il ne négligera rien pour bien river la chaîne, c’est certain. Pour comprendre ma tristesse, il faudrait savoir ce qu’André a été, pendant sept années, dans ma maison, pour ma femme et pour moi. On peut me reprocher d’avoir fait trop de cas de lui. Le reproche serait juste, si lui ne s’était pas montré digne de toute notre affection et de toute notre confiance. Bien qu’il soit aujourd’hui dans les liens, c’est encore mon fils en la foi, que mon amour et mes prières poursuivront dans ses égarements jusqu’à ce'qu’il


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