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sonnelles. Tout autre aurait cru me devoir une obole de reconnaissance. Pas lui. Il fut pris de la jaunisse du coeur et, pour donner un conducteur à ce wagon qu’il n’aurait pas possédé sans moi, il enleva tout bonnement Kam- bourou de mon service. C’était, après le départ de Franz pour Mangouato, me jouer un bien vilain tour. Il savait que je n’avais personne qui sût manier le fouet, que je me trouvais dans un extrême embarras, et paralysé du coup dans mes travaux. N’importe. Il possédait enfin un wagon, il aVait jeté les yeux sur Kambourou pour en faire son conducteur, il le lui fallait, coûte que coûte, et il Peut. Ce n’était pas le premier de nos serviteurs qu’il nous eût pris ; il en a plusieurs autres qui, à différents titres, se sont dégrossis et développés à mon service. Peu dé jours après le départ de ma chère femme, Litia, lui aussi, eut le coeur jaune. Par des moyens astucieux, dont je ne l’aurais pas cru capable, il enlevait de ma maison, pour son service personnel, un charmant garçon que nous avons eu plus de deux ans. Il le savait actif, obéissant, appliqué, extrêmement désireux de s’instruire. Il savait aussi que j ’avais pour lui une grande affection et que, hélas! je fondais déjà sur lui des espérances pour le développement de l’oeuvre. Mais Litia est le fils de Léwanika; n’importe le reste ; ses caprices et ses droits priment tout. Aujourd’hui, c’est encore le tour de Léwanika d’avoir le coeur jaune. Et c’est mon André qu’il m’enlève. Depuis longtemps il connaît la valeur de ce garçon. Et comme il a le monopole absolu de tout ce qu’il y a de bon dans la contrée, il ne pouvait pas se résigner à le voir au service du morouti plutôt qu?au sien. Il mit donc Séajika et ses acolytes à sa piste,. Car il n’aurait jamais eu le courage de faire acte d’autorité pour me l’arracher ouvertement, ce qiie je lui eusse plus facilement pardonné. André ne me cachait rien ; pendant longtemps il résista à toutes les tentations et à toutes les intrigues ; mais Léwanika et ses agents ne se tinrent pas pour battus. Séduit ou intimidé, André subit peu à peu le prestige du roi; l’amitié de Litia et les flatteries firent le reste. Pauvre garçon! Nous ne pouvions pas nous expliquer pourquoi il avait perdu son entrain, ni pourquoi sa réserve était devenue une gêne. Lui aussi fait son apprentissage dans l’art de la dissimulation. Certains petits incidents nous donnaient bien quelquefois de l’inquiétude, et il nous était bien arrivé de sentir occasionnellement la force d’un courant souterrain. Mais c’est ailleurs et bien loin que nous en cherchions l’explication et la cause. Du reste, nos rapports avec le roi s’étaient tellement améliorés, notre confiance en André était si grande, que je ne me doutais pas du coup qui m’était clandestinement préparé. Tout le monde autour de moi le savait, paraît-il, et à voix basse on s’étonnait de la fourberie et du sans coeur du roi; mais on se gardait bien de m’en souffler mot. SUR LE H A U T - Z AM B È Z E .


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