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jour pour me poursuivre et m’attaquer comme elle. Vilaine bête! elle a la vie dure ; mes coups de canne l’ont fait battre en retraite, mais ne l’ont pas assommée pourtant. Léwanika, absorbé dans la construction d’une nouvelle nalikouanda, s’empressa de venir me faire une visite de condoléance. Il était vraiment triste, et je lui sus gré de son peu de paroles. J’avais un message pour lui. Ce fut ensuite sa mère, à qui son âge et sa position donnent des droits particuliers à mon affection ; puis sa soeur, la princesse Katoka, un cerveau vide, mais un assez bon coeur au fond; puis ses femmes qui vinrent par groupes, bavardant, ricanant, se taquinant, feux follets qui me donnaient sur les nerfs. Accroupies sur une natte, elles me harcelaient à l’envi : l’une voulait du fil, une autre mendiait du savon, une troisième avait besoin d’un mouchoir et que sais-je? Me trouvant sans doute plus silencieux que de coutume, elles me regardèrent fixement et devinrent sérieuses à leur tour.. « Voyez donc, mes soeurs, comme il est triste ! » et toutes de s’attrister avec moi. Je leur rappelai alors sa dernière visite, ses dernières exhortations, je leur parlai de ses derniers jours... je leur dis avec quelle détermination et quelle joie elle avait sacrifié sa vie pour les ba-Rotsi, en la donnant sans réserve à son Maître... Ce fut alors une explosion, un lugubre choeur de lamentations... Ces femmes parties, il en vint d’autres. Puis ce fut le tour des chefs, des grands serviteurs du roi, de mes connaissances et de mes amis de tous les degrés. Dieu me fortifia. Je sentais que c’était une de ces occasions uniques qu’il nous donne dans la vie pour « illustrer » l’Évangile et pour le glorifier. Toutefois, las de cette levée funéraire, épuisé par la course et par les émotions, j ’allai faire visite à la principale femme du roi, Ma-Moroamboa, la seule personne ici, peut-être, en qui ma femme eût de la confiance. C’était une amie pour elle, et elles échangeaient souvent des présents. Séquestrée dans une hutte privée, pour un temps, par une coutume qui rappelle une des lois lévitiques, et ne pouvant venir chez moi, elle m’avait envoyé messages sur messages pour que j ’aille la visiter chez elle, ce qui est parfaitement admis. Je la trouvai assise sur sa natte, entourée de compagnes et drapée dans une belle étoffe, le dernier cadeau qu’elle eût reçu d’elle. L’intention était bonne. Je m’accroupis sur une natte en face d’elle. Je sentis-d emblée que pour me faire du bien j ’avais fait fausse route. Je la laissai causer de tout et de rien, faire de ces remarques indiscrètes dont les ba-Rotsi seuls ont l’audace et le secret. Elle s’en tira à merveille, comme une femme sans coeur. Je ne lui répondis que par des monosyllabes ou par le silence. Mon sérieux paraissait l’intriguer et l’amuser. Elle ne croyait évidemment pas à la sincérité d’un homme qui souffre. Pour elle ce n’était qu’affaire de convenance. Aussi, quand j ’essayai de lui parler sérieusement, elle se mit à faire des signes à ses compagnes, à cligner de l’oeil et finit par éclater de rire. Elle me fit bien des excuses, mais j ’avais reçu un dard dans la partie la plus sensible de mon être, et j ’allai chercher le baqme des consolations dans une promenade solitaire et dans la communion de mon Dieu. C’était le crépuscule ; l’obscurité était là ; tout, au dedans et au dehors, s’était harmonisé et le calme avait succédé aux orages. Séfoula, 3o janvier 1892. Ils ont été de plomb ces trois mois, ils ont passé lourdement, lentement. Je croyais que ce janvier ne finirait jamais. Les jours, avec leurs occupations, passe encore, mais les nuits!... ' Depuis le départ de ma chère femme, mes épreuves et mes chagrins n’ont fait que s’accumuler. C’est la lie de la coupe amère de l’affliction. Je me regimberais si je ne la recevais des mains mêmes de mon Père. Tout a été contre moi, les hommes, les circonstances, l’amitié, la raison, oui, tout, « excepte la foi ». A distance, il ne vous est pas possible de réaliser tout ce qu’ont d’épineux les détails de ma vie actuelle. Il se peut aussi que pour moi, dans mon isolement et sans distraction aucune, ils prennent des proportions démesurées. Mes ennuis: les uns datent de loin, d’autres viennent de sources d’où je ne les aurais jamais attendus. La crise dure longtemps; l’avenir est sombre, toujours sombre et menaçant. Mais elle, au moins, elle qui a tant souffert au soir de sa vie, elle est au port, elle est en sûreté, elle est en paix, et dans la gloire, elle jouit déjà du repos éternel des saints. Oui, tout est bien. J’adore et je bénis. Qu’importent la violence de la tempête et l’agitation des flots; avec Jésus comme pilote, j ’ai confiance et je ne crains rien. Laissez-moi aujourd’hui vous ouvrir un chapitre tout nouveau de nos difficultés. Ce ne sera pas inutile, malgré le caractère un peu terre à terre et un peu personnel qu’elles peuvent avoir à vos yeux. Vous savez ce que les ba-Rotsi appellent le coeur jaune. C’est cette incurable maladie dont le contact nous a fait grandement souffrir. Je savais bien qu’ils convoitent tout, depuis les souliers que vous avez aux pieds jusqu’au chapeau qui vous couvre la tête ; qu’ils peuvent, sans le moindre remords, couper la gorge à un homme pour s’emparer de sa chèvre, qu’ils sont passés maîtres dans l’art de la ruse et de la dissimulation. Mais j ’avais encore à apprendre. Depuis qu’il avait vu le mien, Léwanika désirait ardemment posséder aussi un wagon. Je lui en procurai un au prix de tracas infinis et de pertes per


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