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I i 1 I . plongeant le regard dans l’immensité du ciel à travers le feuillage que le vent agitait doucement, elle resta un instant muette en contemplation, puis elle s’écria avec un ravissement que nous n’oublierons jamais : « Oh ! que c’est beau! que c’est donc beau! Oh! how very beautifull... » Avait-elle une vision de cette gloire où elle allait bientôt entrer? Elle gagna son lit avec peine. « Je suis enfin arrivée, » dit-elle en mettant sa tête sur l’oreiller. Ce furent ses dernières paroles. Elle avait passé toutes ces nuits sans sommeil, moi-même j ’étais épuisé et très abattu par un gros rhume. Mais je me sentis si soulagé, quand je la vis enfin fermer les paupières et s’endormir paisiblement, que je ne pouvais m’éloigner d’elle. J’étais plein d’espoir. Hélas! ce sommeil finit par m’inquiéter. Vers le matin, il se produisit un changement qui m’alarma. Je ne pouvais plus me tromper, c’était bien le sommeil de la mort. Dans mon angoisse, j ’eusse encore voulu avoir une dernière parole, un dernier regard d’adieu. Mais non, je n’eus pas cette consolation. M"' Kiener entra, puis Waddell, puis André, un petit groupe de désolés; nous pleurions en silence, nous criions à Dieu, nous veillions. Le Seigneur était là. Bientôt le souffle devint plus irrégulier et plus faible, et puis il s éteignit tout à fait. Elle s’était endormie sans effort, sans combat, dans la paix de Jésus. Dieu, dans sa miséricorde, lui avait épargné les souffrances d’une longue et douloureuse agonie. Qu’il doit être doux pour elle, le repos éternel des saints ! Qu’elle se sentait donc fatiguée, elle autrefois si forte, si active, si pleine d’énergie! Vous ne vous étonnerez pas que la question d’un voyage de santé se soit une fois présentée à mon esprit et que je lui en aie parlé sérieusement. Voyager pour sa santé! Loin d’elle de condamner ceux qui le font, mais voyager pour elle- même lui paraissait de l’égoïsme et un manque de confiance en Dieu. « Non, la vie est trop courte, et l’oeuvre trop grande, restons fidèles à notre posté jusqu’au bout. Le Maître sait que j ’ai besoin de santé, et il peut, s’il le veut, me la donner ici sans que j ’aille la chercher ailleurs. » Et nous n’en parlâmes plus. Quand nous nous mariâmes, il y a un peu plus de trente ans, elle me dit cette parole : « Je suis venue en Afrique faire avec toi l’oeuvre de Dieu, quelle qu’elle soit, où que ce soit, et, souviens-t’en, où que Dieu fappeUe, jamais lu ne me trouveras en travers du chemin du devoir. » C’était plus qu’une belle parole, ce fut le principe de toute sa vie. Si elle avait une passion, c’était celle de la vie intime et sédentaire du foyer domestique. Elle avait toujours soupiré après une maison qui fût son home. Et, pendant plus de quinze ans, nous vécûmes ensemble, bâtissant, relevant des ruines, vivant dans le temporaire et au milieu des guerres, voyageant au loin dans les déserts ou vivant en exil. Il y eut une éclaircie dans notre ciel : nous rentrâmes à Léribé, nous bâtîmes l’église, notre Ebénézer; il y avait de la vie


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