mourir ici. » Le mercredi, comme elle paraissait un peu mieux, nous en profitâmes pour retourner à la maison. Elle supporta le trajet mieux que nous ne nous y attendions. Elle descendit elle-même de voiture. En entrant dans la maison, elle se tourna vers M11* Kiener, qu’elle aimait tendrement et que, contre toutes ses habitudes, elle tutoyait : « Me voici arrivée, ma chérie, dit^elle; je ne me suis pas plainte, c’est vrai, mais j ’ai bien souffert. Laissez-moi gagner mon lit. » Elle ne sortit plus de cette chambre à coucher. La fièvre, malgré mes efforts et nos prières, fit de terribles progrès. Mais j ’étais aveuglé, j ’avais de l’espoir; je croyais l’avoir vue plus mal. Elle, elle ne se faisait pas illusion, elle me le disait avec un accent de tendresse dont le souvenir me déchire le coeur : « Mon bien-aimé, disait-elle en me regardant longtemps fixement et les yeux remplis de larmes, bientôt tu n’auras plus ta Christina... Tu seras seul, tout seul... Mais Dieu est bon, et sa miséricorde demeure à toujours. » Elle eut un jour de grande angoisse. Toute sa vie passait devant elle. Elle pleurait en épanchant son coeur : « Je suis misérable, oh 1 si misérable ! une servante inutile, la dernière des servantes du Seigneur, la plus indigne!... Oh! du zèle! du zèle! Do be in earnest, do! » disait-elle. Dans les égarements momentanés de ses pensées, elle passait de nouveau par toutes les épreuves et les angoisses qui ont fait de cette année une année exceptionnellement dure. Cela m’était douloureux, mais, grâce à Dieu, n’a pas duré. Jésus était là. De son souffle d’amour il dissipa ces noirs nuages, et il inonda son âme de paix et de sérénité. « Oh! Il est bon, oui, il est bon, répétait-elle souvent, et sa miséricorde demeure à toujours. » Et elle parlait des choses d’En Haut comme quelqu’un qui est déjà sur le seuil du ciel, et pour qui la foi se change graduellement en vue. Elle était très sensible aux souffrances physiques, et cet aspect de la mort l’avait souvent troublée. Nous en causions très librement et en priions souvent ensemble. La veille de sa mort, elle me disait : £ Mourir, ce n’est pas si difficile que nous le pensions et que je le craignais, moi; ce n’est pas douloureux, et puis c’est un passage si court... Underneath are the everlasting arms (lorsqu’on est porté par les bras étemels). » Ce beau passage (Deut., XXXIII, 27), d’une si grande douceur dans sa langue maternelle, l’avait souvent soutenue dans nos détresses. Et cet autre aussi du Psaume LXXIII qu’elle aimait à répéter et qui, comme un ruisseau d’eau vive, a rafraîchi toute sa carrière : « Tu seras toujours avec moi, tu m’as pris par la main droite, tu me conduiras par ton conseil, et puis tu m’introduiras dans ta gloire. » Avant de gagner pour la dernière fois son lit qu’on venait de changer, elle me demanda d’écarter le rideau de la fenêtre qui était ouverte. Alors,
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