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XLIV Les derniers moments et la mort de Mmc Coillard. — Angoisses et fin triomphante. — Ce qu'elle a été. — Les obsèques. — Les consolations de Dieu. — Kiener. — Les premiers fruits de la moisson. — L’arrivée du courrier. L’ horizon politique s’éclaircit. — Le déficit. — La foi sera toujours un combat. * Il a bien Jait toutes choses. (M a rc VII, 37.) , (Texte morave du 28 octobre 1891.) Séfoula, 3i octobre 1891. Je suis encore tout étourdi du coup qui vient de me frapper. Il me semble que je rêve, que je suis sous l’empire d’un affreux cauchemar. Je me sens le coeur défaillir, et la plume me tombe de la main. Il faut bien que je vous le dise pourtant, c’est un des douloureux devoirs qui m’incombent ces temps-ci. Ma femme, ma femme bien-aimée n’est plus ! Elle nous a quittés pour le ciel, le 28 octobre, à dix heures du matin, et avant-hier, dans l’après-midi, nous accompagnions sa dépouille mortelle et la déposions dans son tombeau. Elle n’a été alitée que neuf jours, mais, ces neuf jours, si riches en souvenirs, pour moi sacrés, valent une vie. C’était plus que le Pisga, c’était la gloire du Thabor ; car elle avait de son prochain départ un pressentiment qui semblait tenir d’une révélation, et, à part de courts moments, elle avait la pleine jouissance de ses facultés. Sa mauvaise santé était, depuis longtemps, passée à l’état chronique; mais, quand elle avait pu traverser la saison chaude, les mois de septembre et d’octobre, surtout, et arriver à la mi-novembre, alors que commencent les pluies, elle se sentait généralement revivre. Cette année, la saison a été particulièrement accablante. Nous avions beau dormir portes et fenêtres ouvertes, nous étouffions dans notre chaumière, où se concentrait de nuit toute la chaleur du jour, et le sommeil n’avait rien de rafraîchissant. Nous soupirions après la pluie. L’avantr-veille de sa mort, pour la seconde fois, le ciel s’était couvert de nuages, et quand, au milieu de la nuit, je répondis à ses pressantes questions que nous avions une ondée, il fallut que je la misse un instant près de la fenêtre, pour qu’elle entendît tomber « cette délicieuse pluie ». A l’heure que j ’écris, elle tombe à verse; elle a tombé depuis hier, et promet de tomber tout le jour. Le sol n’est plus embrasé, l’air est rafraîchi, on respire ; mais elle, elle est dans la tombe ! Quand, au commencement du mois, nous donnâmes vacances à l’école elle me supplia de la conduire en wagonnette, avec M,,e Kiener, à Léalouyi. J’aurais voulu ajourner cette visite : je la trouvais trop souffrante. Mais elle y mit tant d’insistance, que nous partîmes. Elle fît tout ce qu’elle put pour s’oublier elle-même et rendre le trajet agréable. Elle était si heureuse de pouvoir aller!... Elle sentait qu’elle le devait, qu’elle avait une mission à accomplir, et que le présent seul lui appartenait, pas l’avenir, même le plus proche. Elle était trop faible pour visiter les gens à domicile; mais les femmes, les femmes du chef surtout, l’assiégèrent bientôt dans sa case, et elle se donna entièrement à elles. Les premiers jours furent bien employés à tailler et à coudre des robes, tout en causant amicalement des choses de Dieu. Elle était heureuse. Nous l’étions tous. Nous croyions que Dieu voulait bénir notre visite. Le dimanche matin, accompagnée d’une de nos filles, elle dut faire une longue promenade dans les champs, et aller bien loin pour être seule. Survint alors un horrible oiseau de proie, ■ pas du tout le secrétaire ordinaire, mais un oiseau qui tient de la nature du vautour, et qu’on a apprivoisé au village parce qu’il tue et mange les serpents. Cet animal, excité sans doute par l’ombrelle de ma femme ou la couleur de sa robe, la poursuivit si furieusement et l’attaqua avec tant d’acharnement, que des hommes et des femmes accourus à ses cris de détresse, eurent grand’peine à la délivrer. Ils étaient a peine partis, que ce mangeur de serpents revint à la charge, plus furieusement encore qu’auparavant. Des passants accoururent, la délivrèrent de nouveau, et elle revint au village toute défaillante. Comme elle n’avait pas de blessures sur sa personne, nous crûmes qu’elle en serait quitte pour la perte de son ombrelle et pour sa frayeur. Elle se remit assez pour pouvoir assister aux deux services. Celui du soir, qui nous remplit tous d’une douce émotion, lui causa une joie indicible. Notre cher Litia, dans un discours simple et touchant, avait fait une profession pubhque de sa conversion, et pendant qui! parlait, Mokamba, un jeune homme de la famille royale pleurait aussi, puis éclatait en sanglots!... Un mo-Rotsi pleurant... et pleurant sut ses péchés! s Mais c’est un spectacle pour lequel j ’aurais voyaqé cent cinquante lieues, et cependant, disait-elle, nous n’avons eu qu’à venir de oétoula » Elle répétait que c’était la plus belle réunion à laquelle elle eût assisté au Zambèze ! Je bénis Dieu pour le rayon de sa gloire dont ü a illu- miné le couchant de sa vie ! Le lundi, elle s’alita et, le mardi, elle n’allait pas mieux. * Ramène-moi a Séfoula, me disait-elle, c’est là que je voudrais mourir; ne me laisse pas


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