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les lettres, celles de nos frères L. Jalla et Goy, d’un sérieux et d’une élévation qui vous auraient plu. Je les lus au roi. Il me fut donné, à moi aussi, d’être fidèle, soit en privé, soit dans ma prédication du dimanche, au lékhothla (2 Cor. V, 20 : Nous sommes ambassadeurs de J. G.), et de dénoncer la conduite de Mokouaé et des chefs de . Séchéké comme une grave offense contre Dieu, dont nous sommes les serviteurs. Le roi partageait certainement mes sentiments. Il était très contrarié de l’affaire, et c’est sur les chefs de Séchéké qu’il en reportait tout l’odieux. Mokouaé, selon lui, n’était qu’un instrument dans leurs mains. Il voulait leur envoyer une forte réprimande, mais se désolait de n’avoir personne d’assez courageux pour leur porter son message. C’est en vain que nous faisions ensemble la revue des principaux personnages de la Yallée. Les Séchékéens sont formidables, redoutés de tous. Léwanika, tout en s’opposant à ce que nos frères méthodistes allassent chez les ma- Choukouloumboué ou, comme je les en priais instamment, chez les ba-Toka, les laissait libres de rester au pays ou de partir. A peine étais-je rentré chez moi, que ses dispositions changèrent. Ses messages se succédaient tous contradictoires et plus amers l’un que l’autre. Il m’avait demandé, par lettre, d’écrire à ces messieurs dans le sens indiqué plus haut, puis me renvoya la lettre plein d’indignation, me disant, par la main de Séajika lui-même, qu’il ne m’avait jamais demandé d’écrire, que c’étaient les inventions et les mensonges de ce menteur de Séajika, que, comme -c’était moi qui avais introduit ces frères auprès de lui, il me devait de me faire connaître le message qu’il leur avait déjà envoyé. Et ce message est très dur pour les méthodistes. La conclusion, c’est que le roi leur rembourse l’amende que Mokouaé leur a fait payer, mais leur ordonne de quitter immédiatement son pays. Mon impression, c’est qu’il a peur des chefs de Séchéké, et qu’il n’a pas le courage de prendre parti pour les missionnaires méthodistes. Il les sacrifie pour sortir d’embarras. Voilà qui n’est pas bien rassurant pour nous. Mais, sang. Néanmoins il dut, dans cet état, s’asseoir sans chapeau sur le sable, au grand soleil, durant toute une heure. Pendant ce temps, on m’insultait, m’appelant : « maître sorcier », et « le plus grand des filous », tout simplement parce que j ’avais porté secours à M. Baldwin. Puis Mokouaé me fit un long discours pour m’expliquer ses molifs de vengeance contre nos frères anglais. « Je consens à pardonner, fit-elle en terminant; mais j ’exige une amende; vous autres blancs, vous savez bien punir les noirs quand vous les trouvez coupables. » M. Baldwin consentit à payer l’amende pour avoir la vie sauve; mais la nuit suivante me parut bien la plus longue que j ’aie jamais passée de ma vie, car autour de moi on répétait d’un ton féroce : « Oui, nous le tuerons, ce blanc-là ! il a voulu ensorceler notre reine pour mieux s’emparer du pays. » Heureusement pour M. Baldwin, il ne comprenait pas «leur langue. Vers le matin, la reine Mokouaé m’offrit des canots pour rentrer chez moi. Mais, craignant que celte méchante femme n’eùt donné secrètement l’ordre d’abandonner en route M. Baldwin sur quelque îlot désert, j ’insistai pour que mon compagnon fût embarqué sur le même canot que moi. Mokouaé, on le voit, a une étrange manière de rendre la justice. Dans une autre occasion, la paix d’un jeune ménage étant troublée par la présence d’un petit enfant appartenant à la femme, la reine condamna l’enfant à être noyé. Personne n’osa protester; cependant le mari de la reine alla lui-même retirer de l’eau le pauvre petit être. soyez sans crainte, Dieu veille sur nous. Il règne, depuis quelque temps, un esprit de murmure et de mécontentement qui va se propageant, et qui ne présage rien de bon. Léwanika ne l’ignore pas, mais cela ne l’empêche pas de tout faire pour irriter au lieu de concilier ses gens. A sa dernière chasse, il y a eu deux grèves chez les milliers d’hommes qui l’avaient accompagné déjà à contre-coeur, et, par des nuits très froides, alors même qu’ils n’avaient pas leurs couvertures, il leur a interdit le camp. Ces jours-ci, tout notre quartier est encore en émoi. La panique a saisi tout le monde, et les villages sont déserts. C’est la Léfounya, la terreur du roi. Des messagers ont, à plusieurs reprises, fait une battue dans tous les villages, enlevant enfants, filles et garçons, assommant de coups les prisonniers d’un certain âge. Plus tard, ce fut le tour des femmes d’être prises de force, pour qu’il fût disposé d’elles selon le caprice du roi. Au lékhothla, on étrangla1 les hommes en gros. Et tout cela, parce que des ouvriers qui sont en liberté ont pris des matériaux de la capitale temporaire que le roi a abandonnée pour retourner à Léalouyi. On dit à demi-voix qu’on accuse ces gens-là d’en vouloir à la vie du roi pour mettre quelqu’un à sa place. Une nouvelle que Mokouaé envoie par exprès au roi, c’est que les ma- Tébélé ont traversé la rivière, en aval de Kazoungoula. Mokouaé a pris là fuite et revient à la Vallée. Que de complications dans ce malheureux pays ! Je ne crois guère à cette dernière nouvelle. Il y a si longtemps que l’on crie au loup ! Mais un beau jour, et quand on n’y croira plus, le loup pourrait bien faire sont apparition. • 27 juillet 1891. L’oeuvre est devenue singulièrement difficile. Sans cheval et sans canot, je ne puis pas faire grand’ehose. Je suis vite à bout de forces dans ces sables. Et puis, je ne puis pas abandonner l’école aussi longtemps que personne n’y peut prendre ma place. MUe Kiener est une aide précieuse et elle fait tout ce qu’elle peut. Mais nos grands garçons sont devenus difficiles à conduire. Il y a, ces temps-ci, une recrudescence de paganisme effrayante. Il relève fièrement la tête. On dirait que nous avons perdu du terrain. Léwanika lui- même n’est pas toujours très aimable, ni avec ses sujets ni même avec nous. 1. Le supplice de la strangulation, très fréquemment employé au Zambèze, se pratique généralement de manière à .causer un évanouissement prolongé de la victime, et assez souvent la mort. Les détails en sont trop révoltants, pour les décrire ici. Ce supplice est généralement réservé aux esclaves et pour les fautes les plus triviales. La fustigation et les amendes sont pour les hommes libres, ba- Rotsi de naissance.


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