XLI11 C h a ss e s ro y a le s - V a c a n c e s im p ro v isé e s . - Histoire d 'u n v o leu r . - E u pleine tourm ente . - Div is ions p o litiq u es . — L e s missionnaires mé tho dis tes . — Mau va is sym p tôm es . — « P re s s é s de toutes n a r ts . m a is non réd u its à l’e x trém ité . » Séfoula, 10 avril 1891. J’ai du loisir, car il a plu à tous nos élèves, sans exception, de nous donner conqé pour trois ou quatre semaines pour aller avec le roi chasser les antilopes à la Rouéna, et naturellement le roi n’a pas pu refuser. G est une chasse monstre, les gens s’y rendent par escouades: on fait une grande battue, les antilopes, cernées de tous côtés, se réfugient sur un îlot ; les canots se rapprochent, le cercle se ferme, se restreint, et, à la première javeline lancée par le roi, c’est un massacre général qui emvre tout le monde. On qrille de la viande à satiété, on a la chance de « ramasser » une fourrure ou deux pour l’hiver. Comment blâmer nos jeunes Zambéziens de donner un coup de pied à la monotonie et à la contrainte de l’école pour se donner à coeur ioie de cette vie sauvage? Je les suivrai en canot dans dix ou douze jours, pour aller passer le dimanche avec eux et prêcher l’Évangile. En attendant, je continue à visiter la capitale bien que je n’y trouve pas beaucoup d’encouragement pour mes réunions. Le roi est toujours amical, et les gens aussi. Mais les femmes sont tout horrifiées quand je les presse de venir. « Comment nous, aller sur la place publique, sans pouvoir, comme à Léalouyi, nous dérober aux regards des hommes! Sûrement le morouti n’est pas sérieux! » Et, en effet, elles ne viennent pas, pas une! L’oeuvre est done à faire de maison en maison. J’ai été bientouché, en lisant le rapport de l’an p a s s é d’y voir une somme de 225 fr. donnée par un anonyme de Neuchâtel « pour le cheval de M; Coil- lard 1». Comment cette personne pouvait-elle savoir alors quen i8gi j aurais en effet besoin d’un cheval? Eh bien, en effet, j ’ai perdu mon cheval, ce bon vieux serviteur qui me connaissait si bien, et sans lequel je ne faisais jamais de courses. Tout le monde le connaissait aussi. D aussi loin qu on voyait son hlbit banc, on s’écriait: * Le morouti! > et tout le monde d accourir lommes et femmes. « Ah ! c’est demain le jour du Seigneur n’esCce pas ° , I i?. f i gamins. SUS de faire gaiement et bruyamment la course avec moi. Tout cela est un joli souvenir, un reflet un peu pâle, un reflet pourtant de ma vie au Lessouto. Maintenant, ce sont mes vieilles jambes qui me porteront un peu moins lestement, un peu plus péniblement et peut-être un peu moins loin à travers nos sables et nos marécages. Si l’oeuvre se fait plus modestement, elle se fera quand même. Et, en attendant que des jambes neuves arrivent, Dieu nous donnera force et courage. Je parlais l’autre jour, dans une autre lettre, de la recrudescence du vol. J’avais posé la plume, et l’encre en était à peine sèche que tout de suite un voleur, bravant la pluie, faisait un voyage de quatre à cinq lieues pour s’enrichir à la manière des chevaliers d’industrie. Il avait bien fait ses observations assurément, à en juger par le soin avec lequel il avait fait son choix, tant dans mon cabinet d’études que dans ma chambre noire de photographie, dont il emporta même la portière de serge. Seulement, il avait oublié qu’avec la fin de la pluie et en courant, il imprimait ses traces sur le sable. Au point du jour, dès que j ’eus donné l’alarme, tous nos garçons se mirent à la piste. Le voleur s en moquait; n’avait-il pas une petite corne magique qu’il agitait tout le long du chemin, croyant fermement que ceux qui le poursuivraient tomberaient de sommeil ou seraient frappés d’aveuglement? Vers midi, il avait fait une halte à l’ombre, dans les bois, pour admirer son butin et jouir d’une sensation toute nouvelle, celle de se peigner et se brosser les cheveux, E - par il était possesseur d’une trousse de voyage. Tout à coup il entend un bruissement dans les broussailles, il aperçoit une troupe de garçons armés, et, d’un bond désespéré, il cherche son salut dans la fuite. Inutile; on le saisit, on le garrotte et on le ramène à la station. Le lendemain, je l’expédiai au roi. Le malheureux avait le malheur d’être un mo-Ngnété, et de n’avoir pas un mo-Rolsi pour maître. L’occasion était trop belle pour faire du zèle. Après l’avoir laissé tout le jour attaché au grand soleil, les chefs le condamnèrent à être lié pieds et mains avec deux gros blocs de bois attachés aux jambes, et jeté à la rivière. Par prudence le roi s’était retiré. Quand il eut connaissance de la sentence, il envoya à trois reprises demander aux grands chefs s’ils étaient sérieux. « Sérieux ! mais certainement. Il faut faire un exemple, il en est temps. — Bien, dit le roi; attendons cependant l’avis du missionnaire. En attendant, garrottez-moi ce vaurien, d On comprit. On ficha deux poteaux en terre, à la plus grande distance possible ; on lui écarta bras et jambes qu’on lia à ces poteaux. On lui serra la tête et le ventre à des traverses; une crucifixion dans toutes les règles, et là le malheureux fut laissé dans la plus affreuse situation, toute la nuit dévoré par les moustiques, tout le jour dévoré par les mouches et par la soif, et brûlé par un soleil ardent; un spectacle qui attira et amusa une foule de curieux.
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