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nous parlons à mots couverts de corruption, c’est un abîme que nous couvrons par déférence pour vous et par pudeur. Ce ne sont pas des lieux communs, une manière convenue de parler. Ge sont d’épouvantables réalites qui partagent nos nuits entre les insommes et les cauchemars. Pour travailler ici sans perdre courage et sauver le lumignon fumant de la foi, il faut croire et croire fermement que l’Évangile du Christ est bien réellement la puissance de Dieu en salut à tout croyant. Qui en douterait ferait fausse route en venant au Zambèze, à moins que Dieu n’eût pitié de lui et ne lui dessillât les yeux. Nos pauvres, pauvres enfants ! Voilà donc le résultat de trois années de labeurs !... Mais non, tout n’est pas désespérément perdu. Nous voulons croire que les larmes de notre pauvre Nyama avaient un grain de sincérité, que, bien qu’elle eût dû quitter notre maison en disgrâce, la bonne semence répandue avec tant d’amour dans son coeur germera un jour, et qu’elle deviendra encore une femme rangée et une chrétienne vivante. L’autre, Namousi, nous a encore plus douloureusement affligés par sa dureté, son effronterie et sa duplicité que par sa chute. A son retour à Léalouyi, le roi voulut faire un exemple. Il la mit en prison, lui enleva tous ses vêtements européens — sa garde-robe était bien montée et elle en était bien fière, la pauvre fille ! - et il les distribua aux premiers venus. Figurez-vous notre impression l’autre jour, quand nous allâmes avec les dames à la Capitale, de voir de grands jeunes gens affublés dans les camisoles de la malheureuse jeune fille et dans des setsiba faits de ses jupes ! Dans l’amertume de ma tristesse, j ’aurais voulu, moi, balayer de notre maison la dernière de nos jeunes filles. Ma femme, elle, avait d’autres sentiments, des sentiments plus élevés, plus purs, plus en harmonie avec ceux de l’Ami des pécheurs. Elle reçut de Léwanika trois nouvelles petites filles, et... nous allons recommencer ! Peut-être que Dieu, dans sa miséricorde, nous réserve un peu plus de satisfaction et de joie ! C’est au milieu de cette terrible tourmente que nous est arrivée, comme un ange envoyé de Dieu, la chère mademoiselle Kiener. Le choc a été terrible pour elle, et sa vocation a dû, dès le début, passer au crible. Une vraie .fille pour nous dans la maison, une amie tendre et dévouée pour ma femme, une aide active et capable dans l’école, elle nous a été déjà en grande bénédiction et elle se fait dans nos coeurs comme dans notre vie une place tous les jours plus grande. C’est aussi dans ces circonstances que notre cher ami Ad. Jalla nous a quittés pour son long voyage dans le Sud, où il va rencontrer sa fiancée. Il ne nous a pas désertés ; il a souffert avec nous. Elle était loin d’être apaisée, cette tempête, quand nous sont arrivés nos chers amis de Kazoungoula, M. et M“' Louis Jalla*. Il est bon, notre Père céleste, de nous avoir préparé ce baume pour nos coeurs brisés. C’était bien la première visite d’amis que nous recevions à Séfoula. Dire que nous avons joui du petit séjour de nos chers amis, cela a l’air banal, et cependant c’est bien vrai. Ils nous ont été en bénédiction ; nous avons causé, nous avons prié ensemble. M. Jalla n’a pas été un visiteur oisif. Comme membre de la famille missionnaire du Zambèze, il est entré en plein dans l’oeuvre de Séfoula, de même que sa chère compagne. Il a prêché, il a fait et dirigé l’école, comme il l’aurait fait chez lui, pendant qu’une légère indisposition me retenait à la maison. Je n’entre pas dans les détails. Comme les navires qui, sous les tropiques, labourent les ondes phosphorescentes, leur passage ici a laissé une traînée de lumière. Je suis heureux qu’on les connaisse, et je suis sûr qu’on les aime. Quel soulagement d’esprit ce serait de savoir qu’enfin le grand village de Mambova s’est transféré à Kazoungoula I Nous y comptions. Léwanika, depuis deux ans, envoie ordres sur ordres; mais il n’a pas le pouvoir de se faire obéir. C’est pourtant pour la nation un poste dont l’importance est indiscutable, puisque c’est la porte du pays ! î ; V o ic i commen t M. L . J alla ra co n te lui-même c ette v is ite d an s u n e le ttre pe rsonn elle ( J o u r n a l d es M is s ion s , 189 1 , p . 243) : Le 18 décembre, à dix heures et demie du matin, nous arrivions au gué de la Séfoula, où la wagonnette de M. Coillard nous attendait. A midi, nous arrivions à la station où M. et Mme Coillard et MUe Kiener nous firent vite oublier notre long voyage par leur chaleureux accueil. L a station avait un air de fête. Nous eûmes peine à reconnaître MUe Kiener, tellement la fièvre l’avait déjà transformée. Quels beaux arbres, à Séfoula ! On ne voit la station qu’au moment même où on y arrive, tellement elle est cachée dans un nid de verdure. Nous avons compté plus de vingt grands arbres rien que dans la cour intérieure. L a station de Séfoula est tout un petit monde où il me semble que le sentiment de solitude, si fréquent pour nous, doive être tout à fait inconnu. Nous passâmes à Séfoula un mois entier de repos et d’intime jouissance, journées trop courtes qui compteront toujours parmi nos plus beaux souvenirs du Zambèze. Installés dans la gentille maisonnette où logeait naguère Lilia, notre temps de vacances s’envolait en intéressantes causeries sur les amis européens et africains, sur les intérêts de notre oeuvre, sur les plans à former pour l’avenir, sur nos pauvres amis Buckenham*, etc., etc. Tantôt, nous sortions tous ensemble pour faire un petit tour dans le vaste jardin de Séfoula, admirant l’immense allée de bananiers plantés par M. Coillard. Tout e st ici sur une grande échelle, sauf peut-être les revenus, ceu x du jardin du moins. Quant au x maisons elles-mêmes, on y retrouve partout les traces de la main habile de M. Waddcll, sans la présence duquel jamais Séfoula n’aurait pu prendre une telle extension, matériellement parlant. J’admirai surtout la chapelle, qui est un chef-d’oeuvre à mes yeu x , étant données les conditions du pays. Et quel encouragement, pour moi, pauvre solitaire de Kazoungoula, qui ai tant de peine à réunir des auditoires de quinze à vingt personnes, de parler à ces belles assemblées de Séfoula, où la chapelle se remplit presque toujours et où règne un recueillement qu’on n’obtient jamais en plein air. Je fus heureux de pouvoir employer une bonne partie de mon temps à l’écoie, qui a toujours un très grand attrait pour moi. MUe Kiener y faisait ses premières armes, et j ’étais parfois surpris de voir ces grands garçons, d’un naturel si turbulent, obéir à ses observations faites d’une toute petite voix timide et cependant ferme. Mlla Kiener a sa place toute marquée à Séfoula, et, une fois qu’elle sera mieux acclimatée et familiarisée avec la langue,, sa présence sera d’un grand soulagement pour M. et Mme Coillard. Après M. Waddcll, c’est Ngouana-Ngombé qui est le bras droit de M. Coillard. Quel garçon précieux et en même temps désintéressé, mettant la main à tout, déchargeant ses maîtres de tout souci concernant les ouvriers, les marchés de toute espèce, et même la cuisine. Surtout, c ’est grâce à lui que cet immense travail d ’un canal réunissant la Séfoula au Zambèze, et permettant aux canots d’arriver jusqu’à cinq minutes de la station, a pu être achevé, et c’est nous qui l’avons inauguré. * Nom du chef de la mission envoyée par les Méthodistes primitifs au nord du pays des ba-Rotsi. Cette mission a beaucoup souffert dans son voyage pour aller jusqu’au Zambèze.


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