indisposition, et il me fut impossible de le décider à assister au culte. Je m’imaginai que peut-être il devait subir certaines purifications avant de pouvoir se montrer au khothla de sa nouvelle ville. Je le lui demandai directement : il rit, mais il ne me convainquit pas. A sa requête, je lui indiquai la portion des Ecritures que j ’allais lire et expliquer, et je me rendis sur.la place. La clochette avait fait le tour du village et avait cessé de sonner, le crieur public s’était tu, et je n’avais qu’une poignée d’hommes devant moi. Pas de femmes naturellement, puisque celles du roi n’y étaient pas, et celles-ci n’eussent pas osé y paraître sans ses ordres. De tous côtés on travaillait : on bâtissait, on brayait des peaux, on réparait des canots. Personne ne s’inquiétait de la réunion. Nous eûmes recours à notre dernière cloche : nous nous mîmes à chanter, et à chanter longtemps. Des hommes arrivèrent lentement, un à un; je les comptais! Et quand je commençai à prêcher, je pouvais avoir une soixantaine d’auditeurs. J’arrivai tard à la maison, fatigué et abattu. Mais, dans la soirée, nous eûmes entre nous une. méditation bénie et la communion. Depuis lors, nous avons été en wagon, avec nos dames, passer la journée à Sana, la capitale. Gela nous a amené, en retour, une succession de visites, et de longues visites qui durent les trois quarts du jour. Ce furent d’abord les femmes du roi, puis celles de Gambella et d’autres chefs. Le roi, lui, est tout entier à la chasse des antilopes, mais ses messagers ne laissent pas croître l’herbe sur le sentier de Sana à Séfoula. Nous sentons profondément l’importance de notre mission spéciale et de notre responsabilité pendant les trois mois qui sont devant nous. C’est là depuis trois ans le sujet d’ardentes prières. Nombre d’amis aussi se sont joints à nous pour demander au Seigneur la conversion de Léwanika; nous sommes au guet, nous l’attendons. Gomme il me le disait lui-même avant-hier, il connaît la vérité, il aime les choses de Dieu, mais Satan et le monde nous le disputent. Il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. L’école ! Elle a reçu un grand choc au départ de Litia pour le Lessouto. Ge cher garçon exerçait une bien plus grande influence que je ne me le figurais. Tous ceux de ses esclaves qui suivaient l’école avec lui l’ont maintenant abandonnée. Le village de nos jeunes gens, actuellement sans une autorité reconnue qui puisse s’exercer en dehors des heures d’écolage, est redevenu ce qu’il était jadis : un antre de bandits. Ge sont moins les élèves eux-mêmes que leurs esclaves qu’il faut accuser. Il y a eu une recrudescence du vol qui est un vrai débordement. Je m’étais donné beaucoup de peine pour ensemencer un champ; nous n’avons rien récolté: maïs, courges, haricots, cannes à sucre, tout a été volé, même une clôture que j ’avais entreprise et dont le dernier pieu aura bientôt disparu. Mes thermomètres à minima et à maxima ont pris le chemin de mes deux anéroïdes et, pour les voleurs, n’ont pas plus d’utilité. A l’école même, il y a toujours un levain d’insubordination. Les élèves savent que nous n’avons aucune autorité sur eux, et que, quelque mal qu’ils se conduisent, personne, ni leurs parents, ni le roi, n’aura une réprimande pour eux. Aussi, la discipline est^elle chose délicate et difficile. Mais, somme toute, notre école est toujours le point lumineux de l’oeuvre de Séfoula. Nos élèves font des progrès, et la tâche de les enseigner est devenue une tâche sérieuse. Ah ! si l’Esprit de Dieu soufflait parmi eux et qu’il y eût de vraies conversions, quel changement ! En attendant ces temps bénis, Dieu continue à nous donner, par sa grâce, de la patience. Nous sommes prêts à tout plutôt qu’à n’avoir pas d’école; prêts à ne plus semer, s’il le faut, à ne pas nous plaindre si on nous pille... Il nous faut souffrir en silence, attendant des jours meilleurs. Ils luiront au Zambèze, comme ils ont lui au Lessouto, et alors nos épreuves et nos ennuis seront pour nos successeurs un sujet d’éton- nement et une démonstration irréfragable de l’influence de l’Evangile. Mes tableaux, aujourd’hui, ne manquent pas d’ombres, hélas ! Et cependant, il faut en ajouter une autre, la plus épaisse de toutes, la plus noire. Je le fais avec confusion et avec douleur, mais je le fais pour être vrai et vous mettre à même d’entrevoir la nature d’un genre de nos difficultés. Il vous souvient qu’outre les filles de Léwanika, nous en avions trois autres sur lesquelles nous avions concentré beaucoup d’affection et fondé de l’espoir. Illusion et déception ! De ces trois, deux ont dû être sommairement chassées de notre maison. .Elles sautaient de nuit l’enclos de la cour et, selon les moeurs du pays, allaient se livrer au désordre dans le village ; ou, trompant notre vigilance, en plein jour elles donnaient rendez-vous à leurs complices dans les bois. Vous devinez le reste. Gela est vite dit; mais ce qui ne se dit pas et ne peut pas se dire, ce sont les souffrances, les tortures morales par lesquelles nous avons passé, ma pauvre femme surtout. C’est pendant mon dernier voyage à Séchéké qu’elle a commencé à faire ces atterrantes découvertes. Ses angoisses, ses larmes, ajoutées à son état de si grande faiblesse, ont failli la faire succomber. Nous avions souvent frémi d’horreur au contact de l’épouvantable corruption qui règne autour de nous et empeste notre atmosphère, mais nous ne réalisions pas encore complètement que c’est en pleine Sodome que nous vivons. La notion du péché n’existe pas encore, la conscience dort d’un sommeil de mort. Pas de pudeur; jeunes et vieux se glorifient de ce qui fait leur honte. Qu’une jeune fille tombe, elle n’en est nullement déshonorée; l’opinion publique n’a pas de flétrissure pour elle, et ses maîtres, si elle en a, se trouvent enrichis d’un esclave de plus. Pardonnez- moi de vous parler si crûment. Mais il est bon que vous sachiez que quand HAUT-ZAMBÈZE. p |
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