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à préparer le dernier berceau de cette petite dépouille mortelle. L’enterrement eut lieu le lendemain, en présence de deux ou trois Européens, et de cinquante ou soixante Zambéziens, nos rameurs la plupart, et il me fut donné de dire à tous quelques paroles. Je parlai alternativement en trois langues. Nos pauvres amis sont admirables de résignation et de calme. Ils m’édifient profondément. Il est impossible de compter tous nos petits tombeaux, sans se dire que le climat du Zambèze est cruel... Séfoula, 3o octobre 1890. Je suis rentré chez moi le 18 septembre, après une absence de deux mois et huit jours. Si c’était une joie qui ne se dit pas de revenir au foyer, hélas ! les sujets de tristesse n’ont pas manqué non plus. Mon voyage, moins bien organisé que celui de l’an dernier, n’a pas eu non plus le même succès quant au transport de nos approvisionnements et de nos bagages. Les canots, qui avaient conduit à Kazoungoula M. Loçhner, le représentant de la Chartered South Ajrican Company, devaient, à mon retour, passer à mon service. Mais tous ces canots étaient de petites dimensions et surchargés de pagayeurs ; de sorte que, tout en encourant des dépenses plus fortes que l’an passé, j ’ai pu effectuer beaucoup moins. Nos voitures se détériorent d’une manière effrayante. Outre mon vieux wagon de famille qui n’est plus, nous avions deux wagons de transport tout neufs. Ils ont travaillé sept ans, et les voilà tous les deux une ruine complète. Et pourtant M. Waddell, avec sa grande habileté, les a souvent réparés et remis sur pied. C’était encore là le but de son voyage à Séchéké. Le pauvre homme croyait avoir remis en état de rouler une dernière fois au moins, jusqu’à Séfoula, une voiture qui s’était effondrée au Loanja, à une petite distance de Séchéké. Au premier mouvement, avant même de bouger de place, les roues tombaient en pièces. Les moyeux étaient entièrement pourris ; ce n’était plus que de l’amadou. Outre la question des wagons, il y a encore celle des boeufs. Nos pertes, cette annee, sont ruineuses. J’avais envoyé à Séchéké, pour faire le service de Séchéké à Kazoungoula et vice versa, deux attelages de dix-huit boeufs chacun que j ’avais troqués dans ce but. Malheureusement, M. Jeanmairet, qui se proposait de venir nous visiter en famille et qui avait besoin du conducteur Franz, avait cru hâter son retour en lui remettant de nouveau tous ces boeufs. De là un nouveau désastre qui éclipse tous les précédents, et où, personnellement, je suis pour la plus grande part ; presque tous ces boeufs ont péri. Voilà donc une voie que nous devons forcément considérer pour longtemps comme fermée. Reste celle de la rivière. C’est un pis aller qui ne résout pas encore la difficulté. Nous n’avons pas de canots (excepté deux que j ’ai achetés l’an passé et à peu près inutiles pour le transport), et nous ne pouvons nous en procurer à aucun prix. Nous dépendons du roi et de ses caprices; mais tout le monde dépend de lui, et, comme il l’avoue lui-même, il a tout intérêt à servir d’abord les marchands qui lui apportent des marchandises et des munitions. Et comme les wagons n’arrivent au Zambèze qu’à une seule saison de l’année, il en résultera toujours pour nous de très sérieux embarras. Je ne dis rien des frais, qui sont considérables. Mais je ne puis pas taire non plus les dangers de la navigation. Quatre de nos canots, cette année, ont chaviré dans les rapides. Les canots ont été sauvés, les colis même ont été péchés, quelques-uns quinze jours après l’accident. Vous ne pouvez vous faire une idée de nos pertes. C’est ainsi qu’un gros ballot d’étoffes de couleur — notre monnaie de chaque jour H- que mes canotiers avaient « mis au soleil pour le faire sécher » (!!!), se trouvait, trois semaines plus tard, quand je pus l’ouvrir, dans un état de fermentation et de décomposition qu’il est plus facile de s’imaginer que de décrire. Même chose avec des couvértures de coton et des pièces de calicot. Même chose, hélas ! avec la plupart de nos caisses. De quinze qui nous sont arrivées et dont quelques-unes étaient attendues depuis deux et trois ans, pas trois étaient intactes. Toutes les autres, ouvertes à la douane ou mal soudées, nous réservaient de ces crève-coeur qu’il faut voiler un peu par égard pour les amis. Et pourtant, il faut bien qu’on sache que le transport est onéreux. Du Cap à Kazoungoula, il ne nous coûte pas moins de 78 fr. les 100 livres de poids. Et à cela il faut ajouter encore les frais de frétage, de douane, d’entrepôt et d’agence, qui ne sont pas peu de chose; puis, le canotage de Kazoungoula à la Vallée... , ... M. Adolphe Jalla va partir pour Kazoungoula. Cet ami s’est montré un aide des plus précieux tout le temps qu’il est resté ici. Il a pris à l’école un si grand intérêt, que je me suis demandé s’il ne serait peut-être pas à sa place à Séfoula. Il nous faudrait une école, un internat pour les jeunes gens ; nous ne pouvons nous soustraire longtemps à cette nécessité, et pour cela il nous faudrait un homme, l'homme appelé et choisi de Dieu. Dans notre pensée nos écoles donneront un jour naissance à une école d’évangélistes, car c’est là, après tout, notre principal but. Nous avons décidé d’envoyer Litia à Morija. Il va partir avec M. Jalla, accompagné de quatre autres garçons, tous de nos. bons écoliers. Léwanika m’a déjà remis i,a 5o fr. pour son voyage et son entretien. Son ambition, à lui, ce serait que Litia allât en Angleterre et pût voir la vie civilisée. HAÜT-ZAMBÈZE. Ag


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