admirable sang-froid et leur courage qui, entre les mains de Dieu, ont été le moyen de nous sauver. A 3 heures et demie du matin, nous étions complètement maîtres de l’incendie. N’est-ce pas merveilleux ! Au Lessouto nous avions du fer galvanisé sur nos têtes. Ici, du chaume, et du chaume chauffé extérieurement, pendant des mois sans pluie, par l’ardeur d’un soleil tropical, et, à l’intérieur, par le feu incessant de la cuisine. Avec nos murs de pieux et de roseaux, nos bâtiments peu espacés, sur ce coteau de sable à distance de l’eau et sans secours, quel peut être notre espoir de salut? Si on m’avait dit qu’un incendie de cette nature, et dans de telles conditions, pût être arrêté, je ne l’eusse jamais cru, à moins d’une intervention de la Providence. La cause, c’est un feu de cheminée que les étincelles communiquèrent au toit. L’intervention de la Providence, la voici : à ce momentr-là — dix minutes après, c’eût été trop tard — une de nos filles sortit dans la cour, vit la flamme et poussa un cri d’alarme qui mit André sur pied. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que cette jeune fille dormait pour la première fois chez nous. Kaboa, c’est son nom, l’ancienne domestique d’Aaron, nous suppliait depuis longtemps de la recevoir. Nous ne le pouvions pas. Avec la permission du roi, elle vint s’établir à Séfoula pour suivre l’école et gagnait sa maigre pitance en travaillant pour le premier venu. Ma femme eut pitié d’elle, lui permit souvent de partager les travaux et la nourriture de nos filles. Et, à la fin, vaincus par ses instances, nous la reçûmes chez nous tout de bon. C’était sa première nuit; de joie sans doute, elle ne dormait pas — ou bien un ange la réveilla à point pour qu’elle sauvât nos propriétés et nos vies. Nous frémissons d’effroi à la pensée que nous pourrions être sans toit, sans vêtements, sans vivres, sans ressources quelconques, dans un pays aussi inhospitalier... « Voici, celui qui garde Israël ne dort point ni ne sommeille ! L’Eternel est celui qui nous garde! » (Ps. GXXI, 4> 5'.) Kazoungoula, 1« août i 8go. Mon passage à Séchéké a été des plus mélancoliques. Les Jeanmairet n’y étaient plus, et tout le disait. Pas une âme pour nous souhaiter la bienvenue, pas un chien, pas même une poule pour donner un peu de vie à la station. Sur le rivage, les épaves de mon vieux bateau; plus loin, des cloisons de roseaux renversées, des palissades arrachées, des photographies déchirées, des papiers partout, des tessons et que sais-je encore? qui attestaient que quelque chose comme la mort avait passé par là. J’attendis longtemps avant que Franz, qui avait la clef, vînt m’ouvrir la porte de cette belle maison neuve qui a coûté tant de peine à mon cher neveu, et à l’intérieur, dans ces chambres vides ou encombrées d’articles de ménage rassemblés à la hâte, je me sentis saisi d’une tristesse si noire que je fermai la porte et allai camper à deux ou trois cents mètres de là. J’espérais encore atteindre M. et M“” Jeanmairet, à Kazoungoula; un de mes vieux amis que je rencontrai revenant de là, voulant me faire plaisir et recevoir probablement un setsiba pour sa peine, me jura par ses dieux qu’il les y avait laissés installés dans leur tente. Sa description était si vivante que je fus presque tenté de le croire. Le lendemain matin, nous arrivions à Kazoungoula, et nous apprenions que mon neveu et sa petite famille avaient quitté depuis huit jours, et étaient déjà trop loin pour que je pusse songer à les atteindre à pied et leur donner un baiser d’adieu. Où vont-ils ? Dieu les conduira, et pourtant il nous faut faire un grand effort sur nous-mêmes, pour faire taire nos craintes et nos anxiétés. Reviendront-ils? Quand? — Dieu le sait. En attendant, nous passons par une terrible tourmente... Une compensation à mon amer désappointement, c’est l’arrivée de M11* Kiener. J’ai été bien frappé en lisant le « journal » que j ’ai trouvé ici, et en causant avec elle, des voies admirables par lesquelles, sans que nous nous en doutions, nous, Dieu l’a conduite au Zambèze pour Séfoula. Elle vient, je n’en ai aucun doute, en réponse à bien des prières. Elle est l’expression vivante de votre sollicitude pour nous, comme de l’affection de ces enfants de Dieu que nous appelons nos amis. Elle sera donc certainement pour nous une aide précieuse, une force dans la mission et une bénédiction. Un de mes amis de vieille date, et qui n’est ni Français, ni presbytérien comme moi, m’écrit que Dieu l’a abondamment béni dans ses affaires, et qu’il a fait fortune. « C’est un talent, me dit-il, que Dieu m’a confié, et tout mon désir est de le faire valoir, d II désire entretenir deux évangélistes sous mes soins. Et ce qu’il y a d’étonnant dans tout cela, c’est que notre ami, avocat de -profession, a toujours été, sans en avoir le titre, un évangéliste zélé, d’une autre dénomination, qui elle-même est très active au sud de l’Afrique. Sa prospérité n’a point diminué son zèle pour l’évangélisation, non seulement des blancs, mais aussi des noirs dans les grands centres des champs de diamants et des mines d’or. J’ai été bien réjoui de revoir les chers amis Jalla, — de chers amis vraiment. Le dimanche, le premier que nous avons passé ensemble, a été doux, béni. A notre petit culte privé de l’après-midi, nous avons consacré à Dieu leur bébé par le baptême. En arrivant, j ’avais trouvé l’enfant bien pâle, et peu bien. Les parents pourtant n’avaient pas de craintes sérieuses à son sujet. Le lendemain, vers les trois heures de l’après-midi, on m’appelait en toute hâte et j ’arrivai à temps pour voir l’enfant s’éteindre à la vie de ce pauvre monde. Son âme s’envolait vers le ciel. C’était un douloureux privilège d’avoir
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