plus tristes. Je hâtai donc mon départ. Au milieu de mes préparatifs nous eûmes encore une alerte dont je dois dire un mot. M. Ad. Jalla avait dû, après le pitso, retourner à Léalouyi pour affaires importantes. Le lendemain, il rentrait tard à Séfoula; le dîner l’attendait. Il était i i heures quand nous nous séparâmes tous, fatigués de la journée. Vers minuit, de légers coups aux murs de notre chambre à coucher, que ferme un simple rideau, et la voix doucereuse de notre petite Sémochéta nous arrachaient subitement aux profondeurs du premier sommeil. « Mon père, le toit de la cuisine est en feu ! » D’un bond je fus sur les lieux, et ma femme m’y suivit de près. André Ngouana-Ngombé était sur le toit avec je ne sais qui, versant des seaux d’eau pour éteindre les flammes. Un épais nuage de fumée enveloppait le bâtiment et nous empêchait de nous rendre exactement compte du foyer de l’incendie. En un instant toutes nos filles et nos garçons, dirigés par ma chère femme et M. Jalla, rivalisaient de bonne volonté; les uns couraient à la rivière, les autres cherchaient par toute la maison la dernière goutte d’eau, pendant que Litia et d’autres garçons passaient les seaux à André, qui luttait bravement sur le toit, malgré la chaleur qui était insupportable. On sonna le tocsin à la mode du pays, la forêt retentit de cris d’alarme. Quelques enfants de l’école, attirés par la curiosité, enveloppés de leurs couvertures et de leurs fourrures, car il faisait un froid intense, accoururent pour contempler cette scène lugubre, mais quand on les envoya à l’eau, ils se sauvèrent au village. Les plus grands d’entre eux, à deux exceptions près, étaient simplement restés au ht, « vaincus, dirent-ils le lendemain, par le froid et par le sommeil ». Gomme la fumée allait toujours en augmentant, j ’ordonnai à André d’arracher vigoureusement le chaume de la toiture. Puis, je passai à l’intérieur pour voir ce que nous pouvions faire avec une pompe à main. A ce moment-là, André faisait une trouée. Une vive flamme jaillit instantanément du chaume et s’élança jusqu’au faîte. « C’en est fait, dis-je à M. Adolphe Jalla, la maison et les bâtiments vont y passer, sauvons ce que nous pouvons. » Je cherchai ma femme pour l’avertir. En passant dans la salle à manger je jetai les yeux sur notre harmonium, car nous vivrons encore pour chanter ; mon choix, d’ailleurs vite arrêté, ne pouvait être que restreint. Ma femme, se possédant comme dans toutes les grandes circonstances, se mit calmement à l’oeuvre. Revenant au siège de l’incendie, quelle ne fut pas ma surprise de voir que mes garçons s’étaient, une fois , encore, rendus maîtres des flammes. Ils découvraient activement la cuisine, versaient l’eau à pleins seaux; nos enfants couraient à la rivière, se croisaient comme des fourmis, malgré le froid. L’imminence du danger d’abord, puis l’espoir de le conjurer, redoublaient leur entrain. Ngouana- Ngombé, Litia et d’autres garçons ne quittèrent pas leur poste, et c’est leur
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