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transactions. Le traité traduit, et expliqué je ne sais combien de fois, fut alors signé publiquement en plein pitso le vendredi 27 juin. C’était un curieux spectacle que la signature de ce traité. Tous, à divers titres, voulaient y apposer leurs griffes. Ceux qui étaient renvoyés s’en allaient en grognant; d’autres, accroupis devant la petite table, ne voulaient pas bouger jusqu’à ce qu’on leur eut mis la plume à la main. Les bonnes gens! ils s’imaginaient, je pense, qu’ils auraient ainsi leur quote-part du mali, — l’argent ! Le traité dûment signé et attesté, M. Lochner se leva, et, dans un petit discours bien tourné, offrit au roi les présents qu’il avait fait étaler sur la place publique : fusils de munitions, fusils Martini, mousquets, selle splendide, ballots de couvertures, etc. Gambella, assis, le haut du corps mis à nu, les présenta à la nation, et l’assemblée applaudit par force claquements de mains ; puis, au nom du roi, il offrit à M. Lochner, pour les directeurs de la Compagnie, les ducs de Fife et d’Abercorn1, les deux plus belles défenses que j ’eusse encore vues. Elles pesaient plus de cinquante kilogrammes chacune, et, élevées sur la pointe par deux hommes, elles formaient une arche de plus de six pieds de haut. Cette petite cérémonie eut du cachet et jeta une auréole de dignité sur la clôture de ces importantes assemblées. Les ba-Rotsi, eux, Narouboutou, Gambella et tous les chefs en tête, se massèrent devant le roi et se livrèrent, à coeur joie, aux acclamations du chouaèlèla. C’était la fin. Pour le moment, je dois m’abstenir de toute réflexion. Nous avons nos craintes, nous avons aussi nos espérances. Pour ma part, je n’ai aucun doute que ce ne soit là, pour cette nation, la seule planche de salut qui lui restât. Il n’était pas au pouvoir de ces tribus, qu’unissent seulement les chaînes d’une servitude abjecte et honnie, d’opposer une digue permanente aux flots envahisseurs des émigrants et des chercheurs d’or. Aujourd’hui, ceux-ci frappaient à la porte et demandaient à traiter; demain, ils l’eussent enfoncée et eussent envahi le pays en maîtres. Les ba-Rotsi sont incapables de se gouverner, et, laissés à eux-mêmes, ils se fussent anéantis à courte échéance. Les complots ourdis contre Léwanika, et qui paraissaient éteints, couvaient encore sous la cendre. Il fallait, pour s’en rendre bien compte, voir l’attitude de Makoatsa, l’ambassadeur de Khama (le même qui nous a amenés ici), et entendre son message, une vraie menace. « Ba-Rotsi, disait-il, j ’ai goûté un mets délicieux et je vous en ai fait part (les missionnaires); quel cas en avez-vous fait ? Je vous ai envoyé des messagers comme Makoatsa, comment les avez-vous reçus ? Aujourd’hui, j ’entends de sinistres 1 Le roi a protesté depuis que c’ est à la reine elle-même qu’il avait offert ces défenses. La confusion s’explique par le fait que la compagnie, munie d’une charte du gouvernement impérial qui lui déléguait tous ses pouvoirs, se présentait avec un immense prestige, rehaussé encore par. les chaudes recommandations des autorités coloniales. rumeurs; vous parlez de nouveau de révolution; prenez-y garde! Léwanika est mon ami, et si vous osez attenter à sa vie ou à son pouvoir, je suis Khama ! vous me verrez de vos yeux et vous me connaîtrez ! » Un document intéressant, c’est la délimitation des frontières du royaume. Il se trouvait heureusement des chefs de toutes les extrémités du pays, — ce qui lui donne une grande valeur. D’une manière générale, la limite, prenant pour point de départ le confluent du Kafoué avec le Zambèze, remonte ce fleuve jusqu’à la jonction de la Ghobé (le Linyanti ou le Quando). Elle remonte cette rivière jusqu’au vingtième degré de longitude est de Greenwich, à l’ouest1; au nord, elle suit la ligne du partage des eaux du Congo et du Zambèze jusqu’au Kafoué, dont elle suit le cours, à l’est, à travers le pays des ma-Choukouloumboué jusqu’à sa jonction avec le Zambèze. En gros, une superficie de deux cent mille milles carrés. Vingt ou vingt-cinq principales tribus sont dispersées dans ce vaste territoire; mais il ne faut pas en conclure que le pays soit peuplé ou que ces nombreuses tribus forment une nation homogène, sur laquelle le roi des ba-Rotsi exerce une autorité réelle ; on se tromperait gravement. 1. Voir les sources des nombreux affluents du Zambèze.


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