et tu en aspergeras les offrandes. C’est tout, cela suffira. » « Mais, Morèna, répondit respectueusement mais fermement Litia, je ne puis même pas faire cela, ce serait comme si j ’allais moi-même en pèlerinage aux tombeaux. » — Mokouaé dut renoncer à la partie, mais, vivement blessée, elle lui interdit de chanter des cantiques dans son village. Aucun de nos élèves ne partage les scrupules de Litia. Et si je vous disais que ce n’est pas la première fois que ce cher garçon a pris cette attitude hardie devant son père et devant Mokouaé, vous vous attendriez comme nous à le voir bientôt se déclarer pour le Seigneur. Je ne sais, en effet, ce qui l’arrête, car nous croyons que la grâce de Dieu fait certainement son oeuvre dans son coeur. Il a depuis longtemps renoncé à une foule de pratiques païennes.; il a jeté ses ornements païens et ses charmes. Il a un goût prononcé pour tout ce qui sent la civilisation. Gomme son père ne lui refuse rien et bien que les vêtements soient rares et difficiles à se procurer dans ce pays sans magasins, il est toujours vêtu à l’européenne ; il est propre sur sa personne, intelligent, avide d’instruction, et habile à manier les outils ordinaires. Sous la direction de M. Waddell, naturellement, il s’est construit une maisonnette qu’il a Couverte lui-même et meublée ensuite d’un lit, de sièges, de tables, d’étagères, le tout un peu primitif, mais de sa propre confection. Cette chambrette est toujours, à quelque heure qu’on la visite, un modèle d’ordre et de propreté. Une qualité précieuse pour la position qu’il peut occuper un jour, c’est une force de volonté peu ordinaire chez un jeune homme. Elle dégénère quelquefois en entêtement. Il exerce un grand empire sur son entourage, et, tout en devenant de plus en plus populaire, il ne permet à personne la familiarité. Moral, véridique et honnête aujourd’hui, il ne l’a pas toujours été. Et quand sa conscience se réveillera, il nous fera bien des aveux. Pour le moment, elle dort encore. Est-il surprenant qu’avec ces dispositions, et à peu près du même âge que Ngouana-Ngombé (dix-huit ans), il se soit hé avec lui d’une intime amitié ? Ils auraient partagé la même chambre et prendraient ensemble tous leurs repas, si par prudence nous n’y avions mis quelques restrictions. Si j ’en ai tant dit sur ce cher jeune homme, c’est pour placer son nom sous un intérêt tout spécial dans vos prières. Nos jeunes filles, dont le nombre est actuellement de dix, sont loin de nous faire autant de plaisir. Elles grandissent, et, en grandissant sans se convertir, elles sont plus difficiles à conduire. La fille aînée du roi, toujours entourée d’esclaves et cajolée de tout le monde, conserve ainsi un petit prestige qui souvent contrarie notre autorité. Le manque de droiture, de véracité et de commune honnêteté chez les enfants nous oblige à une grande vigilance et à beaucoup de fermeté. Avec un établissement comme le nôtre, et la mauvaise santé de M”' Coillard, la tâche nous déborde. Dieu est bon. Il nous faudrait le répéter à chaque pas de la vie. L’arrivée de M. Adolphe Jalla, à Séfoula, en est bien pour nous une nouvelle preuve. Nous apprécions beaucoup l’acquisition précieuse que la mission a faite dans ce jeune frère. L’Église vaudoise a déjà de grands intérêts dans la mission du Zambèze, et elle a Heu de s’en réjouir. Ce sont de puissants liens qui s’ajoutent à d’autres pour nous unir à elle. M. Adolphe Jalla nous est arrivé possédant déjà un beau vocabulaire de sessouto et il n’a jamais eu besoin d’interprète. Sans perdre de temps, et aussi, je pense, sans consulter ses goûts, il a endossé le harnais et s’est mis avec moi à enseigner l’A B G, ce qui n’est pas précisément très attrayant, et les éléments du calcul, de la géographie, une tâche aussi ingrate ici qu’elle est intéressante au Lessouto. Voilà, nous faisons le métier de serrurier, et si nous parvenons à mettre la clef de la connaissance entre les mains de la génération qui nous est confiée, nous n’aurons pas sué en vain. L’oeuvre que nous faisons ici, — et je ne parle pas de l’école, qui n’en est pas la branche la plus importante— cette oeuvre n’est pas facile. Plus nous apprenons à connaître nos ba-Rotsi, plus difficile encore elle nous apparaît. Nous apprenons ainsi toujours plus à nous défier de nous-mêmes. Je vous ai déjà parlé du mariage, cette union toute de caprices que la mauvaise humeur peut rompre du jour au lendemain. Serait-ce là vraiment l’idéal que des théoriciens et théoriciennes, qui se considèrent comme les grandes lumières du xixe siècle et les champions de l’humanité, osent proposer à notre vieille Europe ultra-civilisée et ultra-christianisée ? — Quel progrès ! Quand les meilleurs instincts de l’homme s’émoussent, il cesse d’être homme, et devient une brute de la pire espèce. L’infanticide le prouve assez. Les cas, iciy en sont d’une fréquence effrayante. La vie d’un petit être, qu’on chérit ailleurs, n’a pas grande valeur; peu suffit pour la sacrifier. II crie, il importune la mère, il est une gêne pour le père, un obstacle peut-être à un nouveau mariage. Qu’à cela ne tienne! La mère ou la grand’mère lui bourre la bouche de cendres, ou lui plante ses ongles dans la gorge, et de nuit le pauvre petit cadavre est jeté à la voirie, où les bêtes fauves qui rôdent toujours se chargent de sa sépulture. Les détails sont trop écoeurants pour être dits. Ce qu’il y a de plus navrant — car en Europe il se commet des crimes tout aussi horribles,. -13 c’est que tout cela se fait ouvertement, au su de tout le monde. L’opinion publique ne flétrit point ces atrocités révoltantes. G est reçu, et personne n’a rien à y voir. Il faut en accuser l’esclavage, qui abrutit et avilit, pétrifie le coeur, et fait de l’homme une chose. Mais rien de plus tyrannique ici que les coutumes. A la moindre violation, tout le monde est près de s’insurger. Chacun s’en croit le gardien attitré. Certaines lois lévitiques relatives à la femme et à ses devoirs, de quelque h a u t - z am b è z e . y.
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