le cher garçon; cela viendra, j ’espère; mais il avait un si vif désir de s’instruire qu’il demanda au roi de le laisser venir chez nous. Gomment lui fermer la porte ? Il apprend avec tant de zèle que bientôt il lira couramment. Nous entourons ce jeune homme de beaucoup de prières. Qui sait si Dieu ne l’aurait pas choisi pour porter l’Evangile dans son pays natal à ses sauvages compatriotes? — Depuis que je vous ai écrit la dernière fois, plusieurs bandes de ma-Ghoukouloumboué sont venus faire leur soumission et rendre hommage au roi des ba-Rotsi. Léwanika les envoie généralement à Séfoula, ce qui nous donne l’occasion de leur parler et de leur montrer quelque bonté. G’est une tribu qui nous intéresse profondément et parmi laquelle nous espérons voir, d’une manière ou d’une autre, pénétrer l’Evangile. Nous avons un autre jeune homme dans notre maison, non moins intéressant. Il peut avoir 16 ou 17 ans. C’est Litia lui-même, le fils de Léwanika. Lui aussi a soif d’instruction, et il est bien doué. Depuis longtemps, il nous suppliait de le recevoir comme membre de notre grande famille. Son père, qui ne lui refuse rien, joignait ses instances aux siennes. Il faut connaître les natifs pour comprendre les raisons de notre refus. Nous avions peur de la suite de ce jeune prince, de son autorité à côté de la nôtre dans notre maison. Sa persistance finit par nous ébranler. « Je serai pour toi un autre Ngouana-Ngombé, me disait-il, je ferai tout ce que tu me diras, je ne serai pas un Ngouana moréna (un prince) mais un mochimane (un serviteur); si seulement vous vouliez me recevoir ! Pourquoi avez-vous reçu Nyondo (le mo-Ghoukouloumboué dont j’ai parlé plus haut) et pas moi ? J’avais pourtant demandé longtemps avant lui!... » Le pauvre garçon, malheureux dans son village, passait toute sa journée chez nous, s’associant à tous les travaux manuels possibles, s’intéressant à tout comme un enfant de la maison; rien n’est au-dessous de lui. Son bonheur, quand il me quitte, c’est de lire avec Ngouana-Ngombé et de partager sa nourriture avec lui. Gomment ne pas céder ? Avec tout cela, Litia n’est pas très communicatif, et longtemps nous nous sommes perdus en conjectures sur les vraies raisons qui l’attirent vers nous. Nous croyons parfois qu’il a des besoins religieux dont lui-même, peut-être, ne se rend pas bien compte. Son père voudrait l’envoyer à Man- gouato pour voir un peu le monde. Mon désir, à moi, serait de l’envoyer à Morija. Après vous avoir parlé de Litia, il est naturel que je vous dise un mot de notre école. Je l’ai recommencée à mon retour de Séchéké ; mais nous n’avons pas encore réussi à rassembler nos cent et quelques élèves d’il y a six mois. Le chiffre actuel n’est que de 70, c’est donc 37 de moins. Sous certain rapport, cette diminution est un avantage. L’esprit qui règne parmi « nos enfants » est excellent. Un fait bien réjouissant, c’est leur passion pour la lecture. Un jour de vacances, c’est pour eux un jour de privation, et généralement ils assiègent ma porte et encombrent ma véranda pour obtenir le prêt des livres d’école, dont, soit dit en passant, nous sommes obligés de prendre grand soin. Parmi nos bagages, j’apportais de Séchéké une petite caisse de livres; deux Bibles seulement, dont l’une fut publiquement présentée au roi, et l’autre réservée pour notre premier converti. Mais du moment qu’ils surent que les Nouveaux Testaments et les cantiques étaient en vente, nos élèves en jubilèrent. L’un amena son boeuf, un autre alla demander un veau à son père, et pour chacun on fit un petit paquet de livres et de vêtements de la valeur de son animal. Vous auriez dû voir un charmant petit garçon venir tout joyeux, l’autre jour, m’annoncer qu’il avait amené sa génisse. Bientôt après, en effet, une jolie bête de deux ans gambadait dans la cour. Toute l’école était là. Et quand j ’apportai les livres avec une chemise et des morceaux d’étoffe, ce fut une exclamation générale de surprise. Notre petit bonhomme, lui, avait les yeux pétillant de joie, et il n’eut pas plutôt les livres en main, qu’il sautait et gambadait comme sa génisse et courait au village, suivi de tous ses camarades1. Il ne faudrait pas exagérer ma pensée, et voir déjà un réveil parmi ces enfants. Non, mais le germe peut être là. Pour nous, c’est merveilleux que des enfants païens, qui savent à peine lire, désirent posséder la Parole de Dieu. C’est non moins merveilleux que leurs parents païens leur fournissent les moyens de se les procurer, eux qui ne savent rien de l’Evangile. Aussi bien, nos cultes journaliers et nos réunions du dimanche ont-ils pris un attrait tout particulier. Chacun suit la lecture dans son livre, chacun se sert de son livre de cantiques. Il y a quelque chose de réel maintenant dans ce que nous faisons, et ces chers enfants y prennent un intérêt personnel. Dimanche dernier nous comptions dix-neuf Nouveaux Testaments et autant de cantiques ou plus au service. Et ce mouvement se continue. Il se continuera probablement, jusqu’à ce que tous ceux qui savent lire soient pourvus. Nos rapports avec Léwanika sont des plus agréables. Il n’a pas encore eu ce réveil de la conscience que nous demandons pour lui, mais Dieu a incliné son coeur vers l’Evangile. Si nous y consentions et si nous le pouvions, nous aurions tous ses enfants dans notre maison. Non content de parler d’exemple, il voudrait pousser les ba-Rotsi (il n’est pas encore question chez lui des serfs) dans la bonne voie. C’est pour cela que, pendant mon absence, il cher- 1. Dix-huit petits veaux furent ainsi achetés, qui ont formé un bel attelage. La peste bovine les avait épargnés et Mme Goy devait s’en servir pour voyager du Zambèze à Palapchoué||j|Déceinbre 1896.
27f 90-2
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