circonstances actuelles, à mon âge et sans aide, M. Waddell excepté, je ne puis songer à entreprendre beaucoup. Une maison d’habitation est devenue d’une nécessité impérieuse, et, bon gré mal gré, je devrai m’en occuper. Un travail important et que j ’ai fortement à coeur, c’est un petit canal de 8 à 10 kilomètres, qui doit mettre la station de Séfoula en communication directe avec le Zambèze. Après un premier essai qui nous a encouragés, les travaux ont été commencés à la fin du mois de mai, mais entravés par le manque de bêches. Ngouana-Ngombé en a pris la direction. Et rien ne nous réjouit comme de voir le respect dont tous les ouvriers l’entourent malgré son jeune âge, et l’esprit de soumission, d’activité et d’entrain qui règne parmi eux. C’est que jamais aussi Ngouana-Ngombé ne commence sa journée de travail sans d’abord implorer avec toute sa bande la bénédiction de Dieu. C’est une douce compensation pour nous, qui nous sommes privés de ses services. Cette compensation, il nous la fallait. Mais si le canal réussit, il est impossible d’en exagérer les avantages pour l’évangélisation du pays, nos communications et transports. Quant à l’oeuvre proprement dite, elle s’est, dès le commencement, imposée à nous comme oeuvre d’évangélisation et d’enseignement en même temps. Au milieu de toutes nos vicissitudes, nous avons essayé de faire marcher ces deux branches de front. L’évangélisation présente des difficultés particulières. Il n’y a point à la Vallée de grands centres de population. Les villages ne sont que des hameaux égrenés dans les marécages qui bordent la plaine, et généralement d’un accès peu facile. Et puis la plupart des ba-Rotsi changent plusieurs fois de résidence dans la même année. Ils vivent dans leurs marais quand ils y cultivent le maïs, les patates, le manioc, etc.; plus tard, ils s’en vont dans les dunes, ravager un coin de forêt pour y semer du millet, B sans parler de la chasse, de la pêche, des corvées qu’on leur impose, qui nécessitent des absences fréquentes et plus ou moins longues. Du reste, rien de moins stable qu’un village dans ce pays ; les ba-Rotsi déménagent avec la plus grande facilité du monde et pour le moindre prétexte. Depuis bientôt trois ans que j ’évangélise régulièrement les environs de Séfoula, nous n’avons pas encore réussi à former le noyau d’un auditoire sur lequel nous puissions compter. Nous n’avons guère d’auditeurs que quand j ’ai réussi le samedi dans mes courses. C’est tout au plus si j ’ose parler de deux ou trois femmes dont l’assiduité est à peu près la seule chose qui nous donne un peu d’espoir. S’il y avait un progrès à mentionner, ce seraient peut-être l’attention et le sérieux avec lesquels on écoute la prédication. De conversions, hélas 1 point encore î Nous sommes toujours la voix qui crie dans le désert. Il est une exception, une seule, celle de Ngouana-Ngombé, dont la profession ne s’est jamais démentie depuis dix-huit mois qu’il s’est converti. Je dois parler de ce cher garçon en termes d’autant plus mesurés que, par son affection, son dévouement et sa fidélité, il est pour nous une des plus grandes bénédictions que Dieu nous ait accordées au Zambèze. Une autre joie, qui n’est pas tout à fait sans mélange, c’est le retour de Séajika. Nous l’attribuons surtout aux bonnes dispositions du roi qui, depuis longtemps, lui a imposé la tâche de lui enseigner à lire et de prêcher le dimanche. Léwanika, renonçant lui-même au mpoté, a aussi imposé la tempérance au prédicateur de son choix. Nous aurions voulu que le retour de cet enfant prodigue fût indépendant de telles influences; nous aurions voulu chez lui plus d’humilité, plus de cette tristesse qui est selon Dieu, et moins de calcul; nous aurions voulu, du moins, constater des fruits convenables à la repentance. Il peut être sincère, mais sa sincérité n’a pas encore passé au creuset de l’épreuve. Jusqu’alors nous devons accepter sa profession pour ce qu’elle vaut et en tirer le, meilleur parti possible. Karoumba, lui, est un courtisan jaloux, mécontent et aigri. L'école a été, sans contredit, le point le plus saillant de l’oeuvre de Séfoula. Ce n’était d’abord qu’une bande de jeunes bandits qui ne respectaient pas plus notre propriété que celle des passants qu’ils détroussaient à l’envi. Leur établissement était un nid d’affreuse corruption. A Aaron revient l’honneur d’avoir fondé notre école avec ces matériaux bruts. Tâche ingrate s’il en fut, mais pour laquelle il avait des aptitudes spéciales. Depuis son départ et malgré toutes nos craintes, l’école a, jusque dernièrement, suivi une marche ascendante, et le nombre de nos élèves s’est élevé jusqu’à 107. Un grand changement s’est aussi opéré dans les dispositions de nos garçons. Ils se sont appliqués à nous rendre la tâche facile, et tous ils se sont sans peine soumis à la discipline de l’école. Ce qui nous a malheureusement manqué et nous manque encore, c’est le matériel indispensable à l’enseignement. Tout récemment encore, nous n’avions, tout bien compté, que sept livres de lecture et six ardoises. Nos élèves écrivent sur lë sable, et un couvercle de caisse recouvert d’un morceau de toile cirée fait l’office de tableau noir. Et ainsi du reste. Cela complique extrêmement la besogne, et il faut s’ingénier chaque jour pour occuper tout ce monde sans ennui pendant trois heures. Depuis quelque temps, il s’est manifesté en faveur de l’école un mouvement remarquable. Le roi a donné le branle, en nous demandant avec instance de recevoir dans notre maison cinq de ses filles et futures belles-filles, ce qui a porté à huit le nombre de celles qui vivent chez nous. L’une d’elles vient de mourir chez ses parents. Outre les trois garçons que le roi nous a donnés, nous en avons quatre autres que la persistance de leurs parents nous a forcés de recevoir aussi pour les instruire. Mais nos ressources personnelles, comme
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