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§ P f ! 2 septembre. Notre retour à Séchéké n’a pas été sans péril, surtout pour le frère Jalla dont le canot était trop petit pour résister à la force des vagues et du vent. Depuis lors, les occupations n’ont pas manqué : sécher et mettre en ordre les bagages, charger les voitures que traînent des boeufs non dressés, expédier nos canots qui vont faire un dépôt à Séorria et reviendront ici. Et puis, le soir, nos séances de conférences ont été caractérisées par un grand sérieux et. le sentiment de la présence du Seigneur. Un de nos meilleurs entretiens roulait un jour sur la conversion et sur la vocation missionnaire. Nous parlions avec abandon de nos conversions à nous et de nos vocations. Nos expériences ne pouvaient pas entièrement se ressembler, car Dieu ne conduit pas tous ses enfants par le même chemin. J’ai partagé mon temps de loisir entre les Jeanmairet et les Jalla, cela va sans dire. Avec les Jeanmairet, je suis chez moi naturellement, et j ’ai conçu une vive affection pour les Jalla. La mission du Zambèze a fait en eux une bonne acquisition. Je me suis souvent assis à leur table. Séoma, 22 septembre. Mon séjour à Séchéké appartient déjà au passé. Nous nous sommes séparés de nos amis, comme des gens qui peuvent ne plus se revoir. Mais nous nous sentons forts, car nous nous sentons unis. Nous nous comprenons et nous nous aimons. C’est la plus grande bénédiction que nous puissions désirer. Mais elle en amène d’autres avec elle. Le trajet à travers les Rapides a été laborieux, comme je m’y attendais. Nous avons eu des canots submergés, des caisses et des ballots qu’il a fallu pêcher, puis déballer pour en faire sécher le contenu. Mais, par la bonté de Dieu, nous n’avons pas eu de naufrage comme en descendant. Nous avons eu des malades, mais c’est habituel au Zambèze, et on ne s’en plaint pas. — Voilà enfin des nouvelles de Séfoula. Ma pauvre femme est toujours malade et n’y tient plus. Avec tous les ouvriers qui travaillent avec Ngouana-Ngombé. au canal, ceux de M. Waddell, nos garçons et nos filles et l’établissement de Séajika qui est venu s’ajouter au nôtre, elle a cinquante-trois bouches à nourrir tous les jours. La tâche l’écrase. Une lettre de Léwanika m’apporte sa réponse au sujet du placement de M. Jalla à Kazoungoula. Je m’attendais à une boutade de sa part, car il comptait sur M. Jalla pour Kanyonyo; au lieu de cela, il entre pleinement dans nos vues et donne d’ores et déjà des ordres pour la fondation immédiate du village que nous lui avons conseillée. C’est l’exaucement de nos prières et le sceau de Dieu sur notre décision. Nalolo, 27 septembre. Arrivés ici, à étapes forcées. Nos gens s’y sont prêtés de bonne volonté, malgré le vent et les vagues qui nous ont beaucoup contrariés. Un de mes soucis, c’était la nourriture de chaque jour qu’il me fallait troquer de village en village. Notre arrivée à Nalolo a été le signal d’une grande commotion, à cause du retour de Kaïba. Le pauvre enfant, affublé d’une longue chemise d’homme, faisait son entrée à la tête d’une longue procession et au milieu d’un tumulte étourdissant. Les femmes surexcitées accouraient sautant, dansant. Elles lui baisaient les mains, faisaient des contorsions impossibles en poussant des cris aigus. Les hommes, eux, attroupés sur la place publique, donnaient bruyamment le salut royal du chouaélèla. La contagion gagna nos rameurs, et eux aussi se mirent à chouaéléla. Après s’être fait longtemps attendre, Mo- kouaé sortit avec ses tambours et ses harmonicas, s’accroupit sur sa natte; son fils s’agenouilla devant elle, pour recevoir le crachat maternel. Puis nous vidâmes le sac des nouvelles. Ce fut bientôt fait. Le lendemain de bonne heure, nous débarquions chez Letsouélé, où notre cher Ngouana-Ngombé m’attendait avec mon cheval. —- Bientôt après, je rentrais à la maison, après presque trois mois d’absence. — Ma pauvre femme avait été si malade, qu’elle ne comptait plus me revoir. Je la trouvai défaite et d’une faiblesse extrême. Mes canotiers retournèrent immédiatement à Séoma, pour chercher les charges qu’ils y avaient déposées, et dix jours plus tard tous les bagages étaient arrivés. Enfin! Quel soulagement et quelle satisfaction! Ces caisses viennent un peu de partout, de Londres, de Paris, du Cap, de Léribé, et s’étaient accumulées à Mangouato. Les unes sont des provisions commandées depuis trois et quatre ans ; d’autres ont été emballées à Léribé et en Europe depuis cinq à sept ans. Nous avions fini par ne plus les attendre. — Voulez- vous maintenant déballer avec nous? C’est le plaisir des marins, c’est aussi celui des missionnaires,- dans les pays lointains, et il n’y en a guère de plus vif. Mais aucune jouissance d’ici-bas n’est pure. Les crève-coeur sont souvent pour l’enfant de Dieu une discipline d’autant plus nécessaire qu’elle est plus dure à accepter. — Voici une caisse attendue depuis deux ans; on ne l’ouvre pas sans palpiter. Mais quel spectacle ! La pluie et les termites y ont pénétré. 11 s’en exhale une odeur qui vous prend à la gorge. C’est un mon


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