grêle. Il eut aussi les miens. Un peu plus loin, on abattait aussi un buffle. Quelle fête! Tout le monde se rendit auprès de la bête, on alluma des feux, et, tout en la dépeçant, on grillait des lambeaux de viande qu’on s’arrachait quand ils n’étaient que roussis. Il fallut nécessairement camper. Et pendant que j ’écris, les feux pétillent, on cuit les viandes, on les rôtit, on cause, on chante, on se taquine. Adieu le sommeil ! Séchéké, a5 juillet. Quinze jours de voyage de Séfoula à Séchéké, haltes et dimanches comptés, ce n’est pas mal. En tout soixante et une heures de route. Voyagé avec entrain, malgré un froid très vif. Nous arrivons. Mes gens ont fait leurs ablutions, ils ont tiré deux ou trois coups de fusil, organisé la marche des canots, car eux aussi visent à l’effet, et font gémir les ondes sous les coups de la pagaie aux chants monotones des nautoniers. Au premier coup d’oeil, l’impression est pénible. A un détour, nous pénétrons dans la baie de Séchéké, où, au fond, sur la rive, est assise la station. Mais quoi? Estn^e bien la baie si belle que nous admirions tant? Ce n’est presque plus qu’une lagune. Elle se comble rapidement de sable; l’herbe et les roseaux F envahissent déjà. Et quand les eaux seront au plus bas, je me demande si le petit canal par lequel nous entrons ne sera pas complètement obstrué. Les bâtiments, qui n’ont jamais rien eu de bien imposant, eux aussi, ont vieilli. On dirait qu’ils s’affaissent. Voici cependant une petite installation proprette avec ses cours de roseaux ; c’est celle des Jalla. Et puis derrière s’élève la charpente de la nouvelle maison Jeanmairet. Cet aspect fait plaisir; il parle de vie et de progrès. Dirai-je la joie et l’émotion de revoir ces chers visages après deux ans de séparation? Après les premiers épanchements, il fallut visiter les tombeaux où de chers petits anges ont laissé leurs dépouilles mortelles. J’ai du plaisir à revoir les Jalla ; ils ont de l’initiative et de l’entrain. Un grain d’optimisme et d’enthousiasme est une heureuse disposition dans un milieu où tout conspire à vous abattre et à vous écraser. Il y a si peu de poésie dans la vie missionnaire que, pour peu qu’on s’y prête, on risque de ne faire que de très triste prose. Kazoungoula, 3 août. Mon neveu Jeanmairet m’avait devancé. Les wagons qui amènent nos bagages et nos provisions sont arrivés, et M. Jeanmairet a déjà commencé à expédier quelques caisses en canots. Il faut bien croire que les anges escortent ces frêles embarcations et veillent sur ces précieux colis. Je ne pense pas sans trembler à mon voyage de retour à travers les Rapides. Mes canots sont plus larges que ceux de Séchéké, soit, mais ce ne sont que des troncs d’arbres après tout, et la navigation est bien autrement difficile. Mes gens étant tous de bonne volonté, et ayant la promesse irrésistible d’un morceau de calicot extra, nous résolûmes de nous servir d’eux surtout. Gela blessa au vif les gens de Mambova et de Séchéké, qui se crurent lésés dans leurs droits, et nous créa quelques difficultés. Le vent du sud-est s’est déchaîné et souffle avec violence. Nous grelottons sous nos manteaux et sous nos couvertures. L’atmosphère est obscurcie de nuages de poussière qui pénètre tout. Nos tentes tourmentées sont à chaque instant menacées d’être emportées. Le fleuve est agité comme la mer. Les vagues verdâtres se gonflent, se soulèvent, luttent et se brisent l’une contre l’autre, blanches d’écume. Toute communication est impossible avec l’autre rive (la gauche) où les chefs de Séchéké se sont établis, nous laissant seuls sur la rive droite, de la peur invincible qu’ils ont des ma-Tébélé. Et les ma- Tébélé sont à cinquante lieues d’ici ! Hier, grande fête de bière donnée dans l’île de Mpalira. On s’y rendit au petit jour et en masse à la suite des chefs de Séchéké. Mais, une fois là, on y fut pour la nuit, ce qui n’entrait pas du tout dans le programme. Le vent était si fort, que personne n’aurait pu s’aventurer en canot. Que ne feraient pas ces pauvres gens pour pouvoir s’accroupir devant un pot de bière ! 18 août. Il a venté, et beaucoup, mais les Zambéziens sont pleins de bonne volonté. Ils guettaient eux-mêmes les moments de calme, et chargeaient les pirogues de grand matin ou le soir même au clair de la lune. Tout jusqu’à présent s’est fait avec calme et entrain, et sans accident. Dieu est avec nous. Mon neveu m’a quitté pour permettre à M. Jalla de venir me rejoindre. Une grosse question qui nous occupe et à laquelle les circonstances du pays donnent une grande actualité, c’est la fondation d’une grande station •ici, à Kazoungoula. C’est la porte du pays, et c’est à M. Jalla que nous voudrions confier ce poste. Si Léwanika entre dans nos vues et établit un village ici pour garder le passage officiel de la rivière, cette station sera une des plus belles et des plus importantes du pays.
27f 90-2
To see the actual publication please follow the link above