nouvelle Nalikouanda. Il y a longtemps qu’on y travaille. L’ouvrage est géné- .ralement entouré d’un grand mystère. Personne que les ouvriers ne pénètre dans le chantier, qu’on a la précaution d’entourer d’une palissade de roseaux. Un beau jour que la plaine est inondée, on la voit tout à coup sortir de son enclos comme par enchantement et flotter sur les eaux. Léwanika est très fier de celle qu’il vient de construire et il tient à m’en faire les honneurs. Après que nous en ehnes minutieusement fait l’inspection, une foule d’hommes ornés de calottes, d’écharpes de toutes couleurs, de crinières de lion, etc., la prirent d’assaut, et au bruit des tambours, des clochettes et des harmonicas, elle fit son premier essai. Cette barque monstre, hérissée de pagaies, escortée de canots, faisant avec dignité ses évolutions 'sur la plaine verdoyante, présentait un tableau original. L’excitation était au comble : de tous les groupes que la curiosité avait attirés sur le rivage, c’étaient des battements de mains, des cris et des chants. Tous voulaient me faire partager leur admiration enthousiaste : « Eh bien, morouti, que dis-tu de Nalikouanda? Tu vois que les ba-Rotsi sont des gens habiles, hein? Les ba-Rotsi!... » et un claquement significatif de la langue disait qu’ils sont incomparables. Ces bonnes gensl ils croient vraiment que je n’ai jamais vu pareil chef-d’oeuvre d’industrie. Etant données les circonstances, c’est en effet un travail qui fait honneur aux ba-Rotsi. La barque a soixante pieds de long sur neuf de large au milieu et trois de profondeur. Elle est faite d’une quantité de petits canots dont les pièces sont jointes et raccordées par de fortes ligatures, des bourrelets d’écorce douce comme de l’amadou recouverts de fibres artistement tressées. Ces bourrelets bigarrés, et qui courent dans tous les sens, forment un véritable ornement. Au milieu elle a un faux fond, elle est surmontée d’un spacieux pavillon de nattes, recouvert d’étoffe blanche et bleue, qui rappelle de loin la tente d’un wagon, ce qui n’est pas très poétique. Nalikouanda porte, avec le roi et ses principaux conseillers, sa bande de musiciens avec les grosses caisses, sa cuisine, ses marmitons et de 4o à 5o rameurs, tous exclusivement ba-Rotsi et chefs. L’abord en est absolument interdit aux femmes. Nalikouanda doit toujours arriver le même jour au port désigné. C’est un grand honneur que de faire partie de l’équipage de Nalikouanda, mais c’est un rude labeur. Il arrive souvent que les chefs, peu habitués au travail, ont la peau des mains emportée. Malheur à qui trahit la fatigue, on lui passe un aviron entre les jambes et on le culbute dans l’eau où un canot va le pêcher. C’est une grande disgrâce. Le dimanche passé à Léalouyi fut intéressant. Après la prédication du matin, Séajika demanda la parole. Il raconta très au long les circonstances qui l’ont conduit au Lessouto, il y a dix ans, et sa conversion, puis son retour au Zambèze et son retour au paganisme aussi. « Je suis tombé dans toutes sortes d’excès, dit-il, et vous le savez. J’étais redevenu l’un des vôtres, mais sachez aujourd’hui que je vous quitte et retourne à mon Dieu. » Ce retour que nous attendions, tout en nous causant de la joie, ne nous inspire pas encore une bien grande confiance. J’ai pris l’occasion d’adresser quelques paroles sérieuses à ce pauvre enfant prodigue. Mais si Dieu le reçoit en grâce, ce n’est pas nous qui voudrions jouer le rôle du fils aîné de la parabole. Mon échappée aux deux capitales n’a pas été vaine. Notre école se remonte. Presque tous nos élèves sont rentrés. Il n’y a d’absences que pour cause de santé. Sous ce rapport nous sommes encouragés. Mais voilà Kambourou qui revient de Séchéké, avec l’atterrante nouvelle que tous les boeufs que j ’y avais envoyés l’an passé, ceux du roi et les miens, sont morts. Donc point de wagon, point de bagages, point de provisions! Tout cela, après tout, est peu de chose en soi. C’est l’avenir même de la mission qui nous donne de l’anxiété. Il est impossible de courir longtemps le risque de pareilles pertes. Ce nouveau coup de foudre nous a écrasés. Est-ce là la réponse à nos prières*? Ah ! pauvres gens que nous sommes ! Nous étions tout prêts à faire le sacrifice de nos vies, mais, je l’avoue, nous ne l’étions pas à subir de si grandes pertes de bétail qui représentent les sacrifices de tant d’enfants de Dieu, les francs des riches et les sous des pauvres ! Nous ne saurions traverser les grosses eaux, si les bras du Tout-Puissant ne nous soutenaient ! « La foi, la vraie, est une grâce d’action, et elle a tant à faire qu’elle a toujours les mains pleines. » 28 juin. Visites répétées à la capitale, d’où je reviens encore. Un M. Ware, représentant une Compagnie minière, est venu postuler de Léwanika une concession pour l’exploitation de l’or qu’on suppose abonder dans certaines parties de la contrée. La chose était si nouvelle, que le roi et ses conseillers, pris au dépourvu, se trouvèrent dans un grand embarras. Ils craignaient un piège, et étaient en même temps fascinés par les présents considérables de fusils Mar- tini-Henri, de munitions, de couvertures et de vêtements, que M. Ware n’a pas oublié d’apporter. Il fallut rassembler toutes les grosses têtes de la nation, ce qui prit du temps, puis en conférer, ce qui n’en prit pas moins. On convoqua une assemblée nationale, un pitso, à laquelle Gambella proposa la question avec le laconisme ombrageux des ba-Rotsi, tout comme on H AUT-Z AMBÈZE. 4°
27f 90-2
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