bonne nuit. Le lendemain elle ne tarissait pas d’admiration sur mes pilules ; elle, en voulait une provision, et une bonne provision. La glace était brisée, les visages s’étaient déridés, et les langues se délièrent. Mokouaé protesta qu’elle n’avait fait chercher ses enfants que pour les voir avant de mourir, car elle se croyait mourante, et m’assura qu’ils retourneraient à Séfoula aussitôt que moi. D’autres sources j ’appris qu’un des griefs contre moi était d’avoir fait faire aux enfants ba-Rotsi le travail des esclaves. Et puis mes courses d’évangélisation offusquent les chefs : eux qui ne se font obéir qu’à force de menaces, ils ne comprennent pas que les gens se rassemblent à mon invitation tout simplement. Autre grief encore : Mon enseignement 1 Ecoutez un peu ! Nous chantons : Molimo mong a lefatsé ! — Dieu, le maître du monde (de la contrée, c’est le même mot) ! — La contrée n’appartienl^elle plus aux ba-Rotsi? — J’ai prédit toutes sortes de calamités, on attend du nord un déluge de feu qui balayera le pays. — J’ai promis que si les ba-Rotsi acceptaient l’Evangile, ils vivraient éternellement. Ils l’ont accepté et ils meurent plus que jamais 1 Monaré est mort, Séoli est mort, et plusieurs autres personnages, etc... Et on n’a pas d’idée du sérieux avec lequel on conte ces balivernes et tant d’autres qui vous font sourire. J’occupe avec mes garçons la hutte principale de l’établissement du Mo- koué-Tonnga, le soi-disant mari de la reine, — une hutte infestée de tampanés, une’espèce de taons, qui vous infligent un martyre épouvantable. Les morsures de cette affreuse vermine, qui grouille par terre et pleut du toit, ne vous permettent pas de songer au sommeil. C’est après l’aube que l’on soupire en se tordant et en se déchirant sans pitié. Quand on subit ainsi plusieurs nuits blanches de torture, il y a de quoi tomber malade; heureux encore si les morsures irritées ne dégénèrent pas en vilains abcès ! Les fourmis voyageuses et carnassières, et les puces microscopiques sont terribles. Mais les tampanés ! n’en parlons plus. Masihou, le Mokoué-Tounga, s’est échappé pour quelques moments de la présence de Mokouaé, pour me visiter. Il voulait me confier ses peines, car lui aussi a les siennes. Sa première femme, une excellente personne, dont il n’a jamais eu à se plaindre, avait eu une querelle avec Mokouaé. Les deux femmes étaient jalouses l’une de l’autre et se maudirent cordialement. Mokouaé fit acte d’autorité pour assouvir sa haine; heureusement que le roi intervint à temps. La malheureuse Makabana eut la vie sauve, mais on l’arracha à son mari, on l’envoya dans une autre partie du pays; où le roi la donna pour femme à un autre homme. Elle a naturellement laissé des enfants derrière elle. a Que c’est donc triste ! n m’écriai-je, quand Masihou eut fini son récit. Il t se mit à rire. « C’est ainsi que les choses se font chez nous, ajouta-t-il, — maintenant, c’est fini. » J’étais désireux de rassembler les gens du village, pour leur parler de l’Evangile. Les chefs n’osèrent pas s’y opposer, ils ne m’aidèrent pas non plus. Je m’assis sur la place publique, entouré de mes écoliers, et nous nous mîmes à chanter des cantiques. Les hommes s’arrêtaient à distance, et les femmes se groupaient à l’entrée de leurs cours, mais personne rie se joignit à nous. Et quand nous nous agenouillâmes, ce fut au milieu de grands éclats de rire. Au coucher du soleil, je tombai sur un autre plan. Je me rendis au lékhothla et je commençai à exhiber mes photographies. Il y eut bientôt foule. On se poussait, on se culbutait, on renversait la cloison pour mieux voir. Et il fallait entendre les remarques piquantes, les explosions d’enthousiasme à la vue de Léwanika et de Mokouaé !'-p;A la brune, les photographies pliées, je fis asseoir tout ce monde, et je leur parlai du Sauveur. « Quitté Nalolo pour Léalouyi. J’ai laissé ma royale patiente en bonne voie de guérison et de bonne humeur. Sa reconnaissance est au superlatif : au moment de mon départ, elle m’offrit une calebasse de miel. Une fois, en pareille circonstance elle avait envoyé à ma femme une natte rongée des termites, et à moi un pain de tabac tout pourri !... Du tabac à moi, la chère femme! Nous en rîmes longtemps. Quel trajet à travers les jungles de roseaux et de broussailles épineuses qui vous soufflettent, vous égratignent et vous couvrent de nuées d’insectes de toute espèce ! Araignées, moucherons, chenilles, tout y est. Le soleil était de feu. Nous arrivâmes le même jour à Léalouyi, mais j ’étais si épuisé que, comme cela m’arrive assez souvent, j ’avais de la peine à parler. Une tasse de thé me remit un peu. Lors meme que nous nous comprenons bien, Léwanika et moi, nous eûmes une longue explication. Je lui reprochai de in’avoir tendu un piège en me confiant ses enfants. Il m’avait demandé de les discipliner et de les faire travailler comme mes propres enfants, lui qui savait combien les ba-Rotsi sont chatouilleux à l’endroit de leur dignité. «: C’est vrai, dit-il, mais je comptais sur leurs bonnes dispositions. Depuis lors, il y a eu une grande réaction. Même mes femmes et mes serviteurs qui apprenaient à lire et à chanter se sont lassés, et, comme tout le monde, ils se moquent de moi, ils disent que je deviens fou. Je suis tout seul, je n’ai que Séajika. Je suis triste et découragé. » Le roi était sur le point de partir en pèlerinage pour consacrer aux dieux nationaux la nouvelle barque royale, Nali/coaanda. Il retarda son voyage à cause de ma visite. C’est un grand événement que la construction de cette
27f 90-2
To see the actual publication please follow the link above