élèves en rang. Mokouaé se mit à la queue, puis, derrière elle, son mari, puis ses conseillers, puis ses servantes. Nous gardâmes tout de même notre sérieux. Un soir on vint en toute hâte m’appeler. <r La reine a mangé du poisson, et elle s’étrangle ! » Une bonne boulette de mie de pain, que je lui fis avaler, produisit bientôt l’effet désiré. Malheureusement deux de ses hommes furent attaqués d’une ophtalmie qui sévit ici. Un troisième eut une attaque de fièvre. 11 n’en fallait pas davantage pour épouvanter la reine et frapper son esprit, et se croire ensorcelée. Aussi, dès le lendemain au point du jour, ses paquets étaient faits, et elle prenait précipitamment congé de nous 1 J’ai une fois intéressé nos amis d’Europe à Maïbiba, qu’on avait faite reine du temps de l’usurpateur Tatira et qui m’avait tant plu lors de mon premier voyage à la Vallée. Je m’étais souvent informé d’elle. Mokouaé me répondait toujours avec mauvaise humeur. Le roi, lui, m’assurait qu’elle vivait encore, qu’elle s’était enfuie au Lékhoakhoa d’où venait Tatira, et qu’il la ferait chercher. Il tint parole. Qu’on juge de mon étonnement, l’autre jour, à Léalouyi, de la reconnaître parmi une foule de femmes qui pétrissaient de la boue pour crépir la belle hutte que Léwanika nous a fait construire ! — Nos yeux se rencontrèrent. Son bon sourire la trahit tout de suite. « Eh ! comment I c’est toi, Maïbiba ! — Oui, répondit-elle, je t’ai déjà vu, moi, mais tu ne m’as pas reconnue et je n’ai pas osé venir te parler. » — Les yeux de Mokouaé étaient braqués sur elle; mais elle trouva bientôt l’occasion de venir me conter ses aventures. Le roi a été bon pour elle. En la faisant chercher, il lui a laissé le choix d’un nouveau mari. <r Laisse-moi dans l’ombre, lui avait-elle demandé, et bien loin du borèna (le pouvoir à tous les degrés) ; j ’en ai eu toujours peur. » Elle se choisit un Mombunda qui n’est pas même chef de village, et elle se dit heureuse, pauvre créature ! Elle est bien toujours la même, ouverte et aimable, et on la traite avec respect. ' i«r février 1889. Est-ce vraiment une lacune dans la vie que le ricochet qui presque d’un bond vous met au bord du tombeau? Appuyé lourdement sur un bâton, enveloppé de ma robe de chambre, la tête me tourbillonnant, traînant péniblement une jambe derrière l’autre, je sens que. je reviens des frontières d’un autre monde. Un coup d’oeil me le dit en entrant dans mon cabinet... Au milieu de nos fêtes du nouvel an, je sentis les premiers symptômes de ce que je croyais n’être qu’un accès de fièvre. Trois jours après, j ’étais entre la vie et la mort. Qui ne sait combien il est salutaire d’être ainsi arraché aux scènes d’une vie active, où l’on a tant de peine à se retrouver et à se recueillir, pour être soudainement transporté dans l’isolement qu’impose la maladie, au seuil même de l’éternité ! Mais qui comprendra les angoisses de cette femme, seule avec une charge déjà trop lourde pour deux, seule à suivre et à combattre les progrès rapides de la maladie', et menacée de se trouver bientôt plus seule encore au mibeu de ces populations sauvages, et si loin de tout secours !... Mais Dieu est bon. Je n’étais pas indispensable à son oeuvre, il veut bien pourtant se servir encore de moi. Il me ramène tout doucement à la vie. Tout le monde s’évertue à ne pas troubler ma convalescence. Nos écoliers ont abandonné leurs jeux, nos filles et nos garçons se font petits comme des souris. Ngouana-Ngombé a pris la direction de nos ouvriers. Il pétrit le pain, bat le beurre, lave le linge de nuit. Au point du jour il distribue la nourriture à tout le monde, fait la prière, sert le déjeuner, et, sans prendre même le temps de manger, s’en va, la bêche sur l’épaule, à la tête de sa bande. Et le soir, ce bon garçon nourrit tout notre personnel, prépare ; et sert le dîner comme s’il n’avait pas quitté la cuisine. Je ne sais pas vraiment de quoi il est fait. Et avec cela il grandit, grandit, grandit. Que Dieu le bénisse et qu’il le garde toujours humble et fidèle !... 12 février. La main du Seigneur s’est appesantie sur nous. Séfoula est devenu un hôpital. Les forces ne me reviennent que lentement et voilà ma femme malade à son tour. Depuis longtemps elle ne faisait que vivoter, elle garde maintenant le lit. L’ami Waddell, qui se portait si bien, lui aussi traîne l’aile. Malgré ma grande faiblesse, me voici donc à mon tour garde-malade et médecin. Ge soir Ngouana-Ngombé avait allumé une chandelle et servi comme d’habitude le dîner Sg- un dîner tel que nous n’en avons pas souvent. Car Litia nous avait envoyé du boeuf, et Sépopa le produit de sa chasse. Cuire tout cela, il l’avait bien fallu, car rien ne se garde ici. Mais quand, pauvre convalescent, je m’assis tout seul à table, cette abondance me parut de l’ironie, et le courage me failbt. 24 février. Recommencé l’école depuis quelque temps. C’est une grande responsabilité que d’avoir tant de garçons sur les bras. Le désoeuvrement engendre toujours un mauvais esprit. J’avais peur aussi que mes élèves ne vinssent à HA UT-Z AMBÈZE. 3<j
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