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appels, sache que je te le donne de bon coeur. » En sortant, il me dit : « Eh bien, oui, Dieu me demande le meilleur de mes hommes, je ne m’y attendais pas, c’est Léü. I l partira. » Et depuis lors c’est surtout dans son Église et dans son école biblique que se sont recrutés les évangélistes qui ont servi la mission du Zambèze. Sa coopération n’a jamais connu de fluctuation. Une amitié de plus de 35 ans, et qu’aucun nuage n’avait jamais voilée, avait lié nos âmes comme celles de David et de Jonathan. Nous n avions, en dehors de ce que l’homme ne peut dire qu’à Dieu seul, absolument pas de secrets l’un pour l’autre. Déjà comme étudiants, et plus tard dans le ministère, nous mettions tout en commun: nos plans, nos difficultés, nos encouragements, nos luttes et nos expériences. Ce qu’il a été pour moi personnellement comme ami, ce que l’évangélisalion de l’Afrique lui doit, la mission du Zambèze surtout, Dieu seul le sait. Quand la maladie l’avait déjà conduit au bord du tombeau, quand, du seuil de 1 éternité, ceint d’une auréole de triomphe et de joie, il adressait comme un prophète inspiré ses dernières exhortations et exhalait ses dernières prières, il ne pouvait oublier ni l’ami de son coeur ni la mission du Zambèze. Il avait ardemment attendu des nouvelles de l’arrivée du dernier renfort qu’il nous avait envoyé, et on l’entendit s’écrier tout à coup joyeusement : « Arrivés enfin ! Ils sont arrivés au Zambèze ! » Le Seigneur lui avait sans doute accordé cette vision mystérieuse indépendante du temps et de l’espace qu’il donne souvent aux bien-aimés qu’il honore au seuil de l’Éternité. Et puis, dans un des transports de cette foi triomphante, il s’écriait dans la langue indigène : « Oho ! Coillard, quoi qu’on en dise, tu as de la foi. Courage ! Ce furent presque ses dernières paroles. Si Malan et Mabille ont ainsi porté la mission sur leurs coeurs jusqu’à leur dernier souffle, faudrait-il passer sous silence celle qui l’a consacrée par sa mort ? Née en Ecosse, élevée dans un milieu des plus austères et des plus rigides, elle avait trouvé son élément à Paris, dans le cercle si vivant où elle se mouvait. Son coeur s’était dilaté, ses horizons s’étaient agrandis, sa piété s’était épanouie, elle avait compris les joies de la vie chrétienne. Elle, pour qui cette vie avait tant de charmes, quand elle entendit l’appel de Dieu, quitta tout sans hésiter; et elle qui avait le culte passionné de la vie domestique, accepta joyeusement de partager tout ce que la vie de pionnier a d’imprévu, de précaire, de rude et d’âpre dans ses jouissances comme dans ses aventures. Son souvenir est inséparable de chacune de ces pages et de chacun de ces récits. Elle l’a vécue la vie qu’ils dépeignent et avec toutes ses péripéties. Au milieu de ses épines elle a su trouver et cueillir avec sérénité les fleurs qu’il plaît à Dieu d’y faire éclore et auxquelles il donne des couleurs si tendres et un parfum si doux. Toujours la même femme, vraie femme, craintive, d’une grande sensibilité, défiante d’elle-même, pleine d’appréhensions à la perspective du sacrifice et du danger, elle savait se vaincre et se posséder, être ferme, courageuse et calme quand l’heure était venue. Elle avait du devoir une idée si élevée, elle était douée d’une si grande pénétration, et de ce bon sens si pratique qui caractérisent sa nation, que l’on pouvait toujours compter sur la sagesse de ses conseils. Je ne dirai point ce qu’elle fut comme épouse. Ce qu’elle fut comme amie et comme missionnaire, d’autres le savent et ne manqueront pas de reconnaître son ombre dans les pages qui suivent. Il y avait autour d’elle je ne sais quelle auréole de bonté qui gagnait ceux qui l’approchaient et les invitait à lui faire leurs confidences. Diaconesse-née, elle apportait aux soins qu’elle prodiguait un tact, une tendresse de mère. Elle vivait pour les autres; elle se dépensait pour eux. « Servir, pour l’amour de lui », c’était sa devise. Elle avait horreur de l’exagération et de la mise en scène. Elle possédait le secret de faire beaucoup de peu, d’embellir le réduit le plus humble comme la vie la plus monotone, et de porter toujours avec elle un rayon de soleil — ce « parfum de Christ qui donne la vie ». Ces trois, remplis du SaintrEsprit, si puissants en oeuvres et en foi, ils


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