lard remarquait, non sans émotion : « Nous avons levé l’ancre ! nous voici lancés en pleine mer, Dieu sait où nous allons aborder. Mais, ajoutait- elle avec un rayon de sérénité, il compte mes allées et mes venues, il recueille mes larmes dans ses vaisseaux !» Quand nous vîmes la colonne de feu se lever, il n’y eut plus d’hésita- tation, Dieu avait parlé: « Levez-vous, marchez, car ce n’est point ici le lieu du repos! » (Mich. 2, 10) et notre coeur lui avait répondu: « Oui, je serai toujours avec toi; tu m’as pris par la main droite, tu me conduiras par ton conseil et puis, tu m’introduiras dans ta gloire. (Ps. 73, v. a3, -¿k) Nous partions ; mais parmi ceux qui nous suivaient et nous entouraient de leur sollicitude se trouvaient, au premier rang, les deux amis auxquels m’unissait non seulement une profonde amitié, mais aussi le voeu solennel renouvelé en commun de consécration et de fidélité au Seigneur jusqu a la mort: le major Malan et Mabille. Ils m’enviaient d’avoir été choisi pour cetfe mission. Et pendant que, nous ceignant de force, nous affrontions l’inconnu, eux étaient à leurs postes, nous soutenant par une collaboration qui ne s’est jamais démentie. La mission, qu’on ne l’oublie point, était née spontanément du développement de la vie religieuse de nos jeunes Églises du Lessouto; elle devait nécessairement garder quelque chose de son origine. Les natifs y tenaient beaucoup, et ils y mêlaient même un élément de présomption assez naturelle à l’adolescence. Mais, grâce aux péripéties de ses débuts et aux obstacles peu ordinaires qu’elle eut à surmonter, elle franchit bientôt ses cadres, prit un caractère plus éclectique et trouva des sympathies parmi les chrétiens de toutes dénominations et de toutes nationalités. Le major Malan, dont la piété ne connaissait nulle barrière entre les membres de la famille de Dieu, en avait fait, on peut le dire, l’oeuvre des dernières années de sa vie. Il mit à son service tout ce que Dieu lui avait donné de talent et d’influence. Il plaidait pour elle avec Dieu dans le secret du cabinet, et avec les hommes par la plume et par la parole, tandis que ses lettres portaient constamment « aux soldats de l’avant- garde » les effusions de son âme ardente. Il avait foi dans la mission, quelles qu’en fussent les différentes phases, et son inébranlable confiance en Dieu était toujours la même. Il avait réussi à y intéresser en Angleterre et en Écosse surtout des chrétiens qui en sont restés les soutiens fidèles. 11 avait même fondé une petite société et une feuille périodique pour seconder les efforts missionnaires des chrétiens indigènes de l’Afrique. Ni la société ni le journal ne lui survécurent; mais ils sont là comme des monuments de son ardeur infatigable. Peu de temps avant sa mort, rongé par un mal dont il n’ignorait pas la gravité, il m’écrivait encore : « N’en parlez pas, mais je crois que Dieu m’accordera encore le désir de mon coeur et que j ’irai vous rejoindre. Soyez fidèles jusqu’à la mort et II vous donnera la couronne de vie. » Ce que fut Malan en Europe, Mabille le fut en Afrique. Il le fut par la bonne comme par la mauvaise réputation, quand nous étions portés par le courant de la popularité sur les vagues de l’enthousiasme, mais aussi quand nous avions à lutter contre le courant, que l’entreprise ensablée menaçait d’échouer, et que nous étions abandonnés, critiqués, condamnés par tous. Il était un de ces hommes vrais ët vaillants sur lesquels on peut toujours compter. Au milieu de tous nos orages et de nos épaisses ténèbres, il avait toujours une bonne parole de tendresse et d’espérance. Que de fois, quand nous nous sentions défaillir, Dieu ne s’est-il pas servi de lui pour nous retenir ! Il ne s’intéressait pas seulement à la mission, ce serait trop peu dire, la mission était la sienne tout aussi bien que la nôtre ; et pour lui comme pour nous, c’était une oeuvre de foi ; il en partageait toutes les difficultés et tous les désastres sans se laisser ébranler, et, par son journal la Petite Lumière du Lessouto, si répandu et si lu parmi les indigènes du sud de l’Afrique, il la faisait connnaître et aimer. Ne pouvant partir lui-même, il aurait voulu que Dieu lui demandât de ses enfants. Et cet esprit, il le communiquait nécessairement à son troupeau. Lorsqu’en 1883 je faisais mes adieux à son Église, il me dit au moment de monter en chaire, avec cette fermeté qui le caractérisait: « Va, parle et que Dieu te bénisse. Et si le meilleur de mes évangélistes entend tes
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