désir ardent d’apprendre. En voyant la maison d’école s-?-* encore du temporaire — que nous bâtissons, ils furent bien désappointés quand ils apprirent que ce n’était pas pour les y recevoir comme internes. Ils y comptaient, je ne sais pourquoi. « Nous nous soumettrions à n’importe quelle discipline, tu ferais de nous tout ce que tu voudrais, disait Litia, et le roi nous nourrirait. » Le roi, en effet, entre tout à fait dans ces vues. Très actif lui-même, il voudrait que ces jeunes gens apprissent à travailler, et a peine à comprendre que notre ami Waddell ait autre chose à faire qu’à leur enseigner à travailler le bois. Il leur a procuré des rabots, des scies; il ne leur épargne rien. Il parle de les envoyer chez les blancs, il ne sait où. Lui-même apprend avec zèle à lire et à écrire, et il a fait des progrès étonnants. Il s’est mis à son tour à enseigner ses femmes et ses serviteurs, de sorte qu’il y a tout un petit mouvement à la capitale. Ce qui manque, c’est un évangéliste doué d’une forte tête et d’un bon coeur, qui y réside. Aaron et moi y faisons de fréquentes visites. Mais maintenant qù’il part, et que j ’ai perdu mon cheval, que pourrai-je faire ? Telle qu’elle se présente en ce moment, l’oeuvre ici est certainement encourageante. On écoute généralement la prédication avec attention; avec attention, c’est tout. Il ne faudrait pas croire qu’il y ait déjà chez nos Zambéziens une soif vraie des choses de Dieu. Hélas ! il arrive souvent que, quand nous commençons à espérer, le moindre incident vient nous révéler que nos désirs ont prêté de fausses ailes à l’espérance — et cette révélation est pleine d’amertume. La prédication elle-même est quelquefois une rude tâche. Dans nos services en plein air, nous sommes exposés à toutes sortes d’interruptions brusques, qui provoquent le fou rire. Que le roi éternue, c’est un tonnerre de claquements de mains. Voici des étrangers qui ne comprennent rien à cette étrange agglomération de gens qui chantent sans danser, et qui écoutent ce blanc qui pérore debout; c’est gauchement, timidement qu’ils s’aventurent à faire le salut habituel. Gela aussi fait rire. G’est un fou qui se tient en face de moi et imite ma voix et mes gestes ; un enfant idiot à qui tout est permis, qui interpelle et bat tout le monde. Tout cela s’est produit lors de ma dernière prédication à Léalouyi. Et quand, gardant mon sang- froid, je croyais avoir surmonté et comprimé l’effervescence, voilà un caméléon tombé de je ne sais où, mais envoyé par le diable, qui jette la moitié de mon auditoire dans les transes, et l’autre dans les convulsions de rire. Nos pauvres ba-Rotsi ont le sens du ridicule; ils se moquent de tout et de tous. G’est souvent avec une lutte intérieure terrible que je me prépare à affronter un pareil auditoire. Oh 1 que n’y a-tril ici un Philippe, un Etienne, un apôtre, rempli de la puissance du Saint-Esprit ! i4 décembre 1888. Nous voici donc tout seuls. Nos amis nous ont quittés depuis quinze jours, en route pour le Lessouto : notre ami Goy pour s’y marier, et Aaron pour y conduire ses enfants. Il y a toujours quelque chose de douloureux dans les séparations, et d’émouvant dans cette dernière prière que l’on a fait en commun pour se recommander mutuellement à la grâce de Dieu. Je m’imagine que nos circonstances ajoutaient encore à la solennité du moment. Nous avions calmement fait les préparatifs du voyage, subi, en voyant Aaron démolir ses armoires pour en avoir les planches, emballer ses effets et vider sa maison, tout ce qu’il y a de mélancolique dans un déménagement. Nous lui avions conduit les enfants de son école pour lui chanter un cantique d’adieu et recevoir la bénédiction du maître qui les quittait. Pauvre Aaron ! il ne fit pas de longs discours : cc Mes enfants... je vous laisse avec mon père et ma mère; ils■ ne sont plus jeunes, rendez-leur la tâche facile.. » Il avait le coeur trop gros pour bénir à haute voix cette école qu’il aimait tant. Nous avions eu aussi notre communion d’adieu. Et cependant, jusqu’au dernier moment', je caressais le vague espoir de voir survenir quelque chose d’extraordinaire pour retenir nos aides. Illusion ! Le fil d’araignée s’est brisé, rien d’extraordinaire n’est survenu; le samedi i er décembre, nous nous étions définitivement dit adieu et donné rendez-vous au ciel. Nos amis avaient déjà fait leur première étape, et notre effrayante solitude était une réalité. G’est là, pour le moment, la plus dure de nos épreuves, la plus difficile à accepter avec soumission. Aaron dit qu’il reviendra. Reviendra-t-il?... Et Léfi, lui?... Leur départ est-il vraiment la rupture du lien qui nous attachait encore au Lessouto? Faut-il reconnaître que nous nous sommes trompés en faisant dans nos plans de mission au Zambèze une large place aux Eglises du Lessouto et à leurs évangélistes ? En Léfi et Aaron, nous perdons des chrétiens solides et des évangélistes d’élite. Avec une femme toujours malade et les dispositions peu favorables des gens de Séchéké, qui ont rendu impossible la création d’une école régulière, Léfi peut avoir été en pratique peu utile, mais, ce que personne ne niera, il nous a été une force morale : c’est quelque chose. Aaron, voilà dix ans qu’il a quitté son pays. A notre retour du pays des ba-Nyaï, il est resté avec Asser et André chez Séléka, où il a travaillé avec un rare dévouement, pourvoyant par son industrie aux besoins de sa famille quand la guerre du Lessouto les a privés de tout secours. Il nous a accom- HAUT-ZAMBEZE. 38
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