XXXV Rencontre de M. Selous. — Ses aventures. — Une visite à Léalouyi. — La vie à la capitale. Un pitso mémorable. — Questions politiques. — Scènes de moeurs zambéziennes. — M®« Coillard et ses élèves. — L’école à Séfoula. — La prédication. — Seuls ! Séfoula, septembre 1888. Dimanche matin, au grand étonnement de tout le monde, nous arrive un monsieur à cheval. Ce premier Européen que nous voyions à Séfoula était comme une apparition. C’était un Anglais, M. Selous, Français de descendance et d’éducation. M. Selous est un Nemrod très connu. Voilà quinze ans et plus qu’il court l’éléphant, le lion et le gros gibier dans les solitudes de Linyanti, du Machonaland et des parages du sud du Zambèze. En 1877, il passa le fleuve, poussa une pointe jusqu’au Zoumbo et de là au nord. Nous nous rencontrâmes à Mangouato l’année suivante et fîmes connaissance. Il arrivait à Pandamatenga au mois de mai, avec deux wagons de marchandises ; mais, effrayé par les bruits, qui couraient le pays, d’une révolution imminente, il laissa ses chasses, et, avec une troupe de porteurs et de guides, passa le fleuve au-dessus des cataractes de Mousi-oa-Thounya, tira au nord, à travers le pays des ba-Toka, visant le lac de Bangouéolo. Il espérait contourner le pays des ma-Chotikouloumboué, où le Dr Holub a failli périr, et traverser le Kafoué. Mais il arriva que ses guides l’amenèrent justement dans un village de ma- Choukouloumboué. Il faut dire que là surtout la parenté des deux tribus est si grande, qu’il est difficile de les distinguer. Même nudité, mêmes moeurs, même langue. On parut l’accueillir favorablement. M. Selous tua deux ou trois antilopes. Les ma-Ghoukouloumboué firent des danses en son honneur. Mais la nuit suivante l’illusion se dissipa de la manière la plus inattendue pour les voyageurs : une fusillade leur crachait des balles en pleine figure, et une grêle de javelines tombait sur leur bivouac. A la faveur de la confusion qui s’en suivit et de l’obscurité, M. Selous parvint à s’échapper tout seul. La même nuit, dévoré par la soif, il s’aventura dans un petit village, s’assit près d’un feu qui donnait ses dernières lueurs, et se sentait sommeiller, quand, dans une cour voisine, il entendit quelqu’un armer un fusil. Au même instant une poignée de chaume jetée sur le brasier par un nouveau venu produisit une flambée et éclaira à quelques pas de là la forme d’un homme qui le mettait en joue. Instinctivement, M. Selous étendit la main pour saisir sa carabine. Mais la carabine n’était plus là, on la lui avait soustraite sans qu’il s’en aperçût. D’un bond il était dans les hautes herbes et s’échappait encore, mais tout seul, sans armes et dénué de tout. Quinze jours plus tard, trois de ses hommes le rejoignirent, et il apprit alors que douze de ses porteurs avaient été tués; les autres s’étaient dispersés. Il y a une espèce de franc-maçonnerie entre voyageurs. Aussi, montrer de la bonté à un homme qui nous arrivait dans de telles circonstances, ce n’était que notre devoir. En l’entendant nous raconter ses aventures, je me sentais singulièrement attiré vers lui. C’est chose grave que les ba-Toka et les ma-Ghoukouloumboué en soient venus à ne plus craindre de piller et de massacrer les Européens qui ont pénétré dans leur pays. Les aventures du Dr Holub et de M. Selous ne sont nullement des cas isolés. On parle de marchands portugais, du fils d’un missionnaire de notre connaissance et d’un jeune Anglais, son associé, qui ont aussi été massacrés par eux ces dernières années. Pour le moment, ce pays-là est fermé à la science et au commerce; mais j’ai la confiance que c’est l’Evangile qui l’ouvrira avant longtemps. Les ba-Rotsi en plein pitso m’interpellaient et me demandaient avec une curiosité intéressée si l’on pouvait impunément piller, tuer les Européens qui voyagent dans ces régions; si ce sont des blancs perdus, <c des aventuriers dont personne n’a cure, même dans leur propre pays ». Les ba-Rotsi eux-mêmes n’auraient qu’un pas- à faire pour en arriver là, à en juger par la manière dont ils ont traité des gentlemen anglais. Ces messieurs étaient venus d’Angleterre pour se donner le plaisir de quelques semaines de chasse au Zambèze; ils avaient fait aux chefs de Séchéké et au roi des présents de grande valeur. Cela ne les a pas empêchés d’être pillés, tourmentés, harassés de telle sorte qu’ils ont quitté la contrée sans avoir chassé, n’emportant que l’amertume du désappointement et du dégoût. Le roi, mal renseigné, trompé, craignant peut-être de se rendre impopulaire, n’a rien fait, n’a même rien dit pour condamner les malfaiteurs. Nos amis de Séchéké vous auront dit eux-mêmes la vie de tracas et de lutte qu’ils mènent depuis que le village a été rebâti sur la station même. On peut à peine dire qu’ils sont chez eux. Pour nous, qui en savons quelque chose, nous comprenons tout ce que leur position a de pénible et nous en souffrons. Que Dieu donne à ses serviteurs et à ses servantes le courage et la force pour qu’ils puissent maintenir leur terrain et finalement , triompher de tout 1
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