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repentance et leur retour avaient été le point de départ et le mobile de leur activité ! Ne désespérons pas, Dieu se sert parfois de singuliers instruments, et ce ne serait pas la première fois que l’Évangile convertirait ceux mêmes qui le prêchent à leur façon, et sans le connaître expérimentalement. Je parle d’une bande d’évangélistes qu’il nous faudrait, et, hélas ! nous sommes dans le deuil. Notre jeune docteur, M. Dardier, est mort. Pauvre jeune homme ! il avait tant joui de son premier voyage en canot ! Je le vois encore, pendant la halte, sauter dans une de nos embarcations, et, triomphant, gagner le large en dépit des protestations de nos canotiers qui, au fond, jouissaient de cette jeunesse si fraîche. Un jour, tout près de Nalolo, je vous l’ai dit, comme nous prenions notre frugal repas sur la berge, il s’écria tout à coup en se mettant la main sur la nuque : « Que le soleil est donc chaud ! » Il se remit en bateau, on lui donna une ombrelle, c’était trop tard. Il souffrait déjà des effets d’une insolation. Il alla de mal en pis. Des symptômes alarmants accusèrent bientôt une maladie de coeur. Il prit Séfoula en dégoût et ne rêva qu’un prompt retour. Mais rien n’est prompt dans ce pays. Il arriva à Séchéké, où on le combla de soins. Après un mieux passager, son état empira de nouveau. Il avait hâte de quitter Séchéké. Il avait déjà franchi le Zambèze à Kazoungoula, là où je l’avais rencontré arrivant d’Europe quelques mois auparavant, et était l’hôte de M. West- beech, quand la mort le surprit. Ainsi fut tranchée à son début cette vocation sur laquelle nous avions fondé tant d’espérances! Le deuil de sa famille est celui des amis des missions, c’est aussi le nôtre. Ce sera probablement, mais à tort, une mauvaise note pour le Zambèze, qui commençait à se réhabiliter dans l’opinion du public chrétien. Sera-ce l’éteignoir sur des vocations naissantes de médecins-missionnaires ? Ce sombre nuage n’est pas le seul qui ait obscurci notre ciel. M. et Mme Jalla vous auront dit qu’il a plu à Dieu de consacrer leur ministère par l’affliction en leur retirant l’enfant qu’il leur avait donné. M. Middleton nous a définitivement quittés. Léfi, l’évangéliste, lui aussi, n’y tient plus. « Voilà sept mois, m’écrivait-il il y a déjà longtemps, que ma femme ne sort plus de la chambre et quitte à peine le ht. » Le pauvre homme n’est plus qu’un garde-malade, il désire se rapatrier tout de bon, et nous devons, dès cette année, prendre des mesures dans ce but. Aaron, lui, est encore des nôtres ; mais son départ n’est qu’une question de temps et à courte échéance. Lui aussi trouve la vie dure au Zambèze. Et pour qui ne l’est-elle pas? L’école du renoncement nous met 1. Léfi devenu veuf au Lessouto pour la deuxième fois [s’est remarié, et cédant à ses instances et à sa persistance, nous avons dû cette année le laisser retourner au Zambèze avec MM. Coïsson et Mercier (1897). sous une discipline contre laquelle notre vieille nature est toujours prête à se révolter. On accepterait volontiers, avec joie même pour soi, les privations qu’on supporte douloureusement pour les siens. Passer des mois sans une goutte de lait pour le ménage, sans un morceau de viande, et dépendre entièrement d’une pièce de calicot qui se fond pour se procurer par-ci par-là un oiseau coriace, du poisson dont on se dégoûte vite, des légumes du pays, du millet, du manioc insipide, ce n’est pas gai, surtout quand on a des enfants, confessons-le. A Séfoula, nous en sommes tous au même régime ; aussi nous partageons-nous généralement ce que nous pouvons acheter pour varier notre ordinaire. Mais notre ami a à lutter contre d’autres ennuis qui lui sont particuliers. Il a une jeune fille de quatorze ans, pour laquelle il ambitionne une éducation qu’on ne pourrait pas même lui donner au Lessouto. Et voilà la famille royale qui s’est mis dans la tête d’en faire la femme de l’héritier présomptif du pouvoir, Litia. Les ba-Rotsi ne se tiennent jamais pour battus, et ils mettent à cette affaire une agaçante persistance. Aaron, qui n’a pas pour eux plus d’estime qu’il ne faut, va envoyer sa fille à Man- gouato et m’a signifié son intention de retourner bientôt dans son pays. Léfi et Aaron sont des hommes chez lesquels, pas plus que chez nous, il n’est besoin de microscope pour découvrir les défauts. Mais ils ont l’un et l’autre, et chacun dans son genre, des qualités qui en font de précieux aides. J’ajoute sans flatterie et sans phrase qu’il nous sera difficile d’en trouver de meilleurs. Je l’avoue, c’est pour moi une rude épreuve. Aurons-nous jamais d’autres évangélistes ba-Souto? Je l’ai dit, je l’ai répété avec d’autres, je l’ai cru : « Si l’Afrique doit jamais être évangélisée, elle doit l’être par ses propres enfants. » Je comptais sur les ba-Souto chrétiens. • Je leur ai toujours reconnu comme évangélistes, partant, comme missionnaires, des aptitudes spéciales que nous autres, Européens, ne possédons pas au même degré. Leur niveau social et intellectuel les rapproche plus que nous des populations que nous évangélisons. Nous sommes-nous donc trompés? Nos théories, si belles et si séduisantes, n’étaient-elles qu’un rêve que nous voyons s’évanouir aujourd’hui? Non. L’esprit de Dieu souffle parmi les Églises du Lessouto, et, nous le savons, là comme en France et partout, l’esprit de vie, c’est l’esprit missionnaire. Si la misère a été grande dans ce cher petit pays, elle n’y est pas endémique. Le jour viendra, il n’est peut-être pas loin, où les ba-Souto chrétiens sentiront qu’ils ont envers ces peuplades du Zambèze, qui parlent leur langue après avoir subi leur joug, une dette que personne ne peut payer pour eux. En attendant, qui fera F oeuvre ? Nous avons l’occasion, unique peut-être, de prendre « possession du pays ». Tous les chefs, à peu d’exceptions près, paraissent bien disposés, le roi


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