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Le retour de Léwanika et de sou armée. — Pendant l’expédition.— Les voleurs. -^. Les femmes. -— Rentrée du roi. — Une prédication. — Le butin. — Détails sur la campagne. — Une observation inattendue du dimanche. — Les deux renégats. — Les évangélistes indigènes. — Mort de M. Dardier.. — Epreuve de la famille Ad. Jalla. — Les besoins de l’oeuvre. — La mission du Zambèze et les missions coloniales. — Maladie du roi. — Les prémices de la moisson. — Discours de Ngouana-Ngombé. Séfoula, 5 août 1888. L’autre jour, pendant que nous faisions l’école dans la cour, l’ami Wad- dell accourait, essoufflé, et nous criait du bout de la maison : « La poste ! » — La poste? Vrai?.4î- D’un bond je suis sous la véranda, où trois grands gaillards de Séchéké déposent leurs sacs. Eh! oui, c’est bien la poste, le premier courrier qui nous arrive depuis septembre 1887,. Huit mois sans nouvelles, c’est long tout de même. Les paquets ouverts, les enveloppes déchirées, nous constatons que les dates les plus vieilles sont d’un an, les plus récentes de quatre mois seulement. Après tout, Séfoula n’est pas le bout du monde. Le roi est de retour enfin. Son expédition chez les ma-Ghoukouloumboué a duré cinq mois, — cinq mois d’ennui, où ici, eomme au temps des Juges, « il n’y avait pas de roi et chacun faisait ce qu’il voulait ». Les voleurs avaient beau jeu; les femmes avaient de la peine à se faire obéir de leurs esclaves; elles-mêmes, en temps pareils, n’ont pas la liberté de sortir de leurs villages pour visiter parents et amis ; elles n’osent pas même se couper les cheveux. Elles se les tressent et se les papillotent; rien n’y fait, c’est une forêt grouillante et incommode même pour elles; et, pour y faire une chasse effective, elles y introduisent d’infortunés coléoptères, qu’elles y retiennent captifs et qui meurent à la peine. L’arrivée de l’expédition tombait mal, car la lune était à son déclin, et malheur à l’homme qui, revenant de voyage ou de la chasse, oserait rentrer à ses foyers quand « la lune va s’éteignant ». Le roi campa donc dans les champs jusqu’à la nouvelle lune, et fit alors son entrée à la capitale. Toute la population des deux sexes s’y était portée pour l’occasion, et je vous laisse à penser si la réception fut bruyante. J’en ai vu quelque chose. Il est vrai que, malgré ses instances, je m’étais abstenu d’aller le voir à son camp lors de son passage tout près d’ici; mais j’allai plus tard passer quelques jours avec lui à Léalouyi. Mokouaé y arriva tôt après, et pas du tout incognito, je vous assure. C’était un dimanche, et nous avions déjà eu un service, c’est-à- dire une prédication. Heureusement, car tout le village fut bientôt dans l’agitation. Avez-vous un brin de curiosité, et tenez-vous avec l’ami Waddell à voir ce qui se passe? Eh! bien, venez. Toutes les femmes de la capitâle sont allées à la rencontre de la reine, et ont. grossi son cortège, pendant que les hommes, chacun avec ses pairs ou son chef, se sont massés en différents groupes sur la place publique. Il faut bien que les sérimba et les tambours, si affectionnés des ba-Rotsi, fassent leur tintamarre habituel. Que diraient-ils de nos vielles, de nos tambours et de nos grosses caisses d’Europe, ces bonnes gens ! Le cortège s’avance lentement : il arrive, Mokouaé en tête ; accoutrée d’indienne aux vives couleurs, elle exécute elle-même des récitatifs auxquels répondent en coeur les troupes de femmes qui l’escortent. Ce sont les louanges du roi, et je dois dire que ces chants tristes, comme tous les chants de nos pauvres Africains, ne manquent pas d’harmonie. Les hommes, groupe après groupe, l’acclament, se prosternent, battent des mains, et ce vacarme, plein de décorum, du reste, dure toute une heure. Les femmes reprendront leur partie au coucher du soleil, et Mokouaé, toujours le coryphée, chantera avec elles toute la nuit. En attendant, sur l’ordre du roi, elle se retire dans la,cour spacieuse de sa maison. Les chants ont cessé, c’est maintenant un lever en règle. Léwanika m’invite à l’accompagner. Je donne vite une poignée de main à Sa Majesté et m’assieds près de la natte où elle trône. Léwanika, lui, se met à genoux, Mokouaé fait de même, ils se baisent sur les lèvres, se serrent les deux mains et se crachotent l’un sur l’autre, pendant que les femmes de la suite de Mokouaé, bien graissées d’ocre et chargées de verroterie, rangées contre la paroi de la cour, répètent en cadence et sur un ton mineur à faire tressaillir : Ho chè ! Ho chè ! — Puis viennent les enfants, les proches parents, qui ont le bénéfice du crachotement royal, — puis les dignitaires, les hauts personnages, qui ont le privilège de baiser la main du souverain qu’ils visitent ou de la reine de Nalolo; puis la bourgeoisie, qui se tient à distance de la plèbe en dehors de la cour, battant des mains avec la plus grande gravité. Mais le soleil baisse ! on coupe court aux cérémonies, et, à ma prière, le crieur public convoque une assemblée double de celle du matin. Je prêche sur Gai., VI, 7. Tout en intercédant auprès de Dieu en faveur de cette nation sanguinaire, il était de mon devoir de flétrir publiquement une expédition que Léwanika, lui-même, appelle un brigandage, et je le fis. On ne se méprendra point sur la position que nous avons prise. Léwanika, plein de considération pour ses missionnaires, avait envoyé à nos amis de Séchéké dix têtes de bétail qu’il vient de butiner, dont deux délicatement offertes à M”" Jeanmairet,


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