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Anarchie et vengeances. — Plus de bétail. — « Chez les ma-Choukouloumboué ! »— La mobilisation. — Préparatifs d’une expédition guerrière. — Le grand coaseil de la nation. - — Départ de l’armée. r cL~ bl\ - VéC° le dé.bandëe- — Tristes perspectives. — Deux enfants prodigues. — Troubles a becheké. — La vie matérielle à la Vallée. — Foi et obéissance. Séfoula, a6 janvier 1888. Un temps de révolution chez les ba-Rotsi, c’est l’anarchie poussée à sa plus haute puissance. C’est le temps des vengeances personnelles. Chacun pille, massacre sans courir le risque d’être jamais traduit en justice : « Ki lé- roumol C’est la guerre civile! » Cela justifie toutes les cupidités, tous les désordres, tous les crimes et toutes les atrocités. Peut-on se faire quelque idée de ce qu’il devient, ce pays, où même en temps de paix Iqs pieds de ses habitants sont si légers pour répandre le sang ? On dirait en vérité que c’est sur des tribus zambéziennes que se lamentait le prophète Osée quand il disait : « Il n’y a qu’exécration, que mensonge, que meurtre, que larcin et qu’adultère; ils se sont entièrement débordés, e"t un meurtre touche à 1 autre. » J’ai déjà eu l’occasion d’en parler, qu’on me pardonne d y revenir; mais qu’on s’en souvienne bien, nous ne dirons jamais tout; nos confidences et nos effusions seront toujours, oui, hélas ! toujours au-dessous de la réalité. Un détail. Les ba-Rotsi ne sont nullement un peuple pasteur. Jadis, quand ils pouvaient prendre un boeuf chez lçs ma-Choukouloumboué, ils en faisaient un festin public, le grillaient sur les charbons, chair et peau tout ensemble, comme ils le font encore du zèbre; c’était exquis, le poil roussi assaisonnait le mets. Les ma-Kololo les initièrent un peu à la vie pastorale, mais sans leur communiquer rien de leur vénération pour la gent bucolique. A moins de cas extraordinaires, un mariage, une purification d’enterrement, un sacrifice aux mânes, il est rare qu’un mo-Souto s’accorde le luxe de se tuer un boeuf. Un veau, une vache, jamais ! Ce serait un sacrilège. Ici, on immole, et sans raisons spéciales, tout indistinctement: taureaux et génisses, boeufs ,et veaux. On tue et on mange, comme des enfants gourmands, en commençant par ce qu’il y a de meilleur. Quand le troupeau est fondu, on regarde son voisin, et on crie : « Chez les ma-Choukouloumboué ! » Pendant les derniers troubles, on a presque exterminé la race bovine de la contrée, littéralement. Je ne l’eusse jamais cru si je n’en avais les preuves sous les yeux. Ce fut — je parlesurtout de la Vallée— une boucherie générale. On tuait à qui mieux mieux. Plus de maîtres ! On ne respectait la propriété de personne, pas même celle que s’étaient adjugée les chefs qui étaient au pouvoir. Même à Séchéké, les grands volaient de nuit ; les petits, les esclaves le faisaient impunément de jour. Et nous en avons su quelque chose, nous. A ce gaspillage effréné a succédé la famine ; il fallait s’y attendre. Alors, comme toujours, on a crié : « Chez les ma-Choukouloumboué ! » Léwanika voulait céder' à ces clameurs, croyant l’occasion bonne de gagner de la popularité. Mais la famine désolait le royaume, le ciel politique n’était pas non plus parfaitement pur, et Léwanika, à regret, dut se rendre au conseil des sages, et renoncer à l’expédition. Elle n’était qu’ajournée. Depuis lors elle est devenue le sujet des conversations, le rêve de la populace. Voici maintenant la saison favorable. Les pluies tombent, les rivières dé- bordentjifes mares et les étangs sont devenus des lacs, et bientôt la Vallée sera submergée. Cela durera jusqu’en juin. Le vent du sud-est commencera alors à souffler, les eaux se retireront et la terre se séchera. Jusqu’à ce mo- ment-là, les ba-Rotsi croient leur pays suffisamment protégé par les eaux contre une invasion, et avoir le temps d’aller faire leur razzia projetée. Léwanika, qui me communiquait d’abord ses plans, se montre plus réservé maintenant qu’il connaît mon opinion. C’est la rumeur publique qui nous tient au courant de tout ce qui se trame. A un jour donné, tous les chefs du pays se trouvaient rassemblés à Léa- louyi. La reine Mokouaé, dont l’avis est d’un grand poids dans des questions de ce genre, s’y rendit aussi après s’être fait longtemps attendre. Quelques jours après, nous y allions aussi, sur les instances du roi, M. Goy et moi. C’était la première visite de M. Goy à la capitale; il ne l’oubliera pas de sitôt. Le trajet fut aventureux. Trempés dès le début,, et jusqu’à la peau, comme on dit, il nous fallut alternativement essuyer des averses, le soleil ardent et'lès froides bouffées du vent qui amoncelait les nuages. La nuit nous surprit. Nous errâmes longtemps dans ces interminables nappes d’eau sans le moindre point de repère, perdant dix fois notre route, la retrouvant pour la perdre encore. De dépit, nous abandonnâmes enfin le canot dès que nous le pûmes amarrer dans les roseaux, et, comme au commencement du voyage, nous nous mîmes résolument à patauger dans l’eau et dans la boue pour plus d’une demi-heure, et nous arrivâmes à 10 heures, pieds nus, en caleçon_ oh I pardon I — affamés et exténués. La ville regorgeait d’hommes. Çà et là, c’étaient des bivouacs où l’on eau


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