marais bourbeux que traverse une espèce de canal. Au bord du ruisseau artificiel et profond, le cheval, qui s’enfonçait toujours plus, refuse obstinément d’avancer. Il se cabre, se jette à droite, puis à gauche, rue furieusement ; rien n’y fait, je me maintiens en selle. La pauvre bête frémissait sous les coups de ma cravache ; mais, tout à coup, elle enfonce les deux pieds de devant, pique du museau, et se met à ruer si bien, que me voilà foulant dans le bourbier, tandis que ma monture traverse le marais et se sadve à travers champs, mes deux guides après elle. En vain approchais-je de lui tout doucement, mon chapeau à la main, comme quand on le nourrit le soir. La ruse ne réussit pas cette fois, et le cheval part de plus belle et bondit au loin dans la plaine. Il me fallut donc humblement patauger dans les mares et gagner piteusement le logis. Il y a du comique dans cette petite aventure, qui n’est pas la seule de ce genre, mais elle m’amène à vous parler d’une autre, hélas ! bien différente. II y a huit jours, un de nos petits garçons conduisait à l’eau et faisait paître à la longe mon cheval, un étalon qui se sauve toujours chez le roi. L’enfant s’amusait avec la longe, quand tout à coup l’animal prend ombrage et part au galop, l’enfant après lui. Aussitôt les ouvriers de M. Goy de courir après lui, criant à tue-tête à l’enfant de lâcher la longe. Le cheval, ruant furieusement, disparaît au galop dans le bois. Quand, quelques instants après, on le trouva, tout frémissant et couvert de sueur, dans la plaine, l’enfant était là, mais, hélas ! ce n’était plus qu’un cadavre mutilé et sans vie. On découvrit qu’en s’amusant avec la longe il avait fait un noeud coulant et y avait passé le bras, quand le cheval, soudainement effrayé, partit au galop. Nous sommes dans une grande affliction. Cher petit garçon 1 pauvre Sarnot- chésé ! Il pouvait avoir douze ans. Depuis deux mois qu’il était chez nous, il avait gagné l’affection de tout le monde. Il était si actif, si soigneux, si aimable ! Nous avions fondé sur lui de si belles espérances ! Cette mort si affreuse et si subite a tout flétri. C’est le premier enterrement qui ait eu lieu à Sé- foula, le dimanche matin, i 3 de ce mois. Pardonnez-moi de vous entretenir si au long de ce deuil que tout nous rappellera longtemps encore. Pour nous, il prend de grandes proportions; et quand nous pensons à son père, à sa mère surtout, nous avons de la peine à nous consoler.
27f 90-2
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