III l ia i I H t barouti sont les pères de la nation. Je l’ai bien vu à Mangouato. Tous les jours, au lékhothla, le grand chef Khama cousait des fourrures : « C’est pour « mon missionnaire et ami, nous disait-il, M. Coillard, qui est allé au Zam- « bèze. » Khama est chrétien et tous ses gens aussi. (Vous ne le croyez pas, n’est-ce pas ?) Ils sont tous habillés à l’européenne ; ils ont tous des fusils à culasse et des canons rayés. On ne se marie pas chez eux comme ici. Attendez ! Quand notre fils Litia prendra femme, ce sera une grande fête nationale. Nous les conduirons chez le morouti, tous les deux parés de vêtements magnifiques, et le morouti leur fera promettre toutes sortes de bonnes choses et leur donnera ses conseils paternels. Puis on tuera force boeufs, et tout le monde se réjouira. Accueillons les barouti, non pas comme des étrangers, mais comme des ba-Rotsi et des bienfaiteurs. Aidons-les, donnons-leur nos enfants, mais commençons nous-mêmes à écouter leurs enseignements. C’est à nous, chefs, que toutes nos tribus regardent. » Je répondis à tous ces discours par une allocution de clôture. En terminant, je racontai certains incidents de voyage qui firent rire aux dépens des faiseurs de pluie, de celui qui nous rendait responsables de l’éclipse de soleil et de la sécheresse. On rit, c’est vrai, mais ne nous faisons pas illusion sur la situation. Il s’est fait jour un élément d’opposition latente avec lequel nous pouvons un jour nous trouver aux prises. Mais prévoir la lutte et s’y préparer, ce n’est pas du découragement. J’ai essayé de donner aussi fidèlement que possible la physionomie de ce pitso. Il est intéressant et instructif à plus d’un point de vue. En trois heures, une vingtaine d’orateurs avaient pris la parole; c’est vous dire qu’on est bref au Zambèze. Le forum des ba-Souto n’existe pas ici; les Zambéziens, qui rampent devant leurs tyrans, n’ont ni vie publique, ni ressort politique. Les notions parlementaires qui, au Lessouto, forment, ont formé plutôt des orateurs et des personnalités, sont inconnues ici. Les trois ou quatre jours que nous passâmes à la capitale furent bien remplis. Comme Mokouaé, la reine, et plusieurs chefs du dehors étaient venus pour l’occasion, la ville regorgeait de monde. Comment faire la police quand des centaines d’esclaves sont là, affamés et ne mangeant que ce qu’ils peuvent attraper? Aussi tous les soirs, à la brune, le crieur public se faisait entendre : « Ho ! ho 1 ba-Rotsi aux coeurs jaunes (pleins de convoitise), écoutez ! Vous avez des coeurs jaunes ; mais sachez qu’on tirera sur quiconque s’approchera de nuit du wagon du morouti. Et si quelqu’un s’avise de voler la moindre des choses, je le mettrai à mort, je l’ai juré. Tenez-vous pour avertis, ba- Rotsi aux coeurs jaunes. » Mais, rassurez-vous, on ne tira sur personne et personne ne fut mis à mort, malgré une ou deux alertes qui mirent tout le village dans la plus grande excitation.
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