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Ces temps-ci, on voit dans toutes les directions de longues files de gens chargés de fardeaux. Gomme au temps de Salomon, c’est le tribut du roi : du miel, des fourrures, des fruits sauvages, des engins de pêche, des nattes, etc., le produit des champs, de la chasse et de l’industrie. La reine a son tribut comme le roi. Le tout, porté au lékhothla en grande cérémonie, est partagé entre les chefs de la nation. Gela donne à Léwanika beaucoup d’occupation et de préoccupation, car il lui faut ménager la jalousie et la rivalité, aussi bien que la rapacité de ces personnages qui font et défont les rois selon leurs caprices. 22 janvier, samedi. Jeudi matin, le tambour et le sérimba annonçaient de loin l’arrivée du roi. La panique fut telle que les gens qui étaient venus travailler, vendre ou visiter, avaient presque tous disparu en un clin d’oeil. Gela n’empêcha pas que, bientôt après, il y avait foule, et une foule qui se renouvelait à chaque instant pour rendre hommage au souverain. Le va-et-vient, les bivouacs, les feux, les conversations animées, les jeux pleins d’originalité et la musique royale, qui, de jour, vous étourdit, et, de nuit, chasse impitoyablement le sommeil avec les mauvais esprits ; toute cette confusion, cette cohue et ce vacarme, qui n’ont pas manqué d’intérêt, ne nous ont pas épargné des fatigues de plus d’un genre. Et maintenant que le cortège royal a repris le chemin de la capitale et disparu dans la plaine, c’est un soulagement de nous trouver seuls et paisibles. Léwanika venait faire à Mme Coillard une visite de bienvenue, et il croyait que c’était de bon ton, sans doute, de s’entourer du cérémonial de la cour. Pauvre homme ! il n’est pas sans soucis, et il a besoin d’un ami à qui il puisse librement les confier et sur qui il puisse s’appuyer. Il se méfie de tout le monde, même de ceux qui l’ont ramené au pouvoir, et, malheureusement, il ne le cache pas. Il a ainsi affermi de vagues appréhensions qui nous hantaient l’esprit; c’est qu’il existe parmi les chefs un parti hostile aux étrangers et qui voit d’un mauvais oeil notre présence dans la contrée. Demandez, avec la protection du Seigneur, la sagesse qui vient d’en haut, afin que, soit à Séchéké, soit à Séfoula, nous sachions conquérir et maintenir notre position et même gagner de l’influence. Sombre et soucieux en privé, Léwanika en public est causeur et gai. Il avait amené avec lui, non seulement sa détestable bande de musique, mais aussi ses clowns. L’un d’eux, revêtu d’une peau d’hyène, imitait avec tant de perfection les cris, les ricanements et les allures de cette bête fauve, que les chiens même s’y méprirent et lui firent la chasse. Ces sortes de jeux sont très populaires ici et les acteurs sont toujours sûrs de leurs pourboires; ils n’abandonnent jamais la partie, d’ailleurs, dussent-ils s’échiner pendant deux jours. Les Zambéziens ne savent pas parler en public, ni traiter les affaires avec le décorum des ba-Souto; ils aiment la plaisanterie, et, chez eux, personne n’est à l’abri des traits acerbes de la moquerie et du ridicule. On a de la peine à se figurer que des gens d’un naturel si enjoué soient en même temps si cruels. Hélas ! nous ne pouvons pas faire un bout de promenade sans Heurter du pied un crâne fracassé ou quelques ossements humains calcinés. Léwanika nous montrait les restes du combustible qui, récemment encore, à dix pas d’ici, avait servi à brûler des sorciers. Oui « les lieux ténébreux de la terre sont pleins des repaires de cruauté k Ps. 74, 20.


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